Lorsque vous prévoyez un projet Kickstarter, pour avoir davantage de chance de réussir votre coup, il y a deux points à mettre en avant et qui amèneront peut être le jackpot : Indiquer la renaissance d’une licence pour les morts de soif que sont les fans, ou montrer votre CV de professionnel dans le milieu du jeu vidéo.
Accessoirement, vous ne demandez pas trop de sous car la crise est bien là et nombreux sont les développeurs qui sont déjà passés par la case Kickstarter et ont dilapidé les économies de mémé. Du coup, Banco pour Dungeonmans ! Il en demandait 35 000, il a eu 43 155 $. Je pense que le CV de Jim Shepard n’est pas étranger à la réussite promotionnelle du projet.
Parce que vous savez des roguelikes, en ce moment, il en sort à la pelle et des gratuits qui plus est. Toutefois, quand un mec vous annonce “je fais un roguelike indie et j’ai neuf ans de production AAA sur des jeux tel que Quake 4 chez Raven SoftWare ou Star Wars : the old republic chez BioWare Austin , votre Kiki il a les yeux qui miroitent, et il fait rapidement le tour de son slip.

Hop, hop, on part à la baston ! 

Tout d’abord, mettons les choses au clair : L’alpha est sortie le 27 janvier 2014 et indique dans son introduction que le jeu est loin d’être fini. On le ressent bien à l’absence de différents icônes, textures, tilsets. Donc quoi que je vous raconte la dessous, prenez-le avec des pincettes, car demain sera peut-être différent. Secondement, je vais utiliser les gros mots préférés de Skoeldpadda, car là on va parler Roguelike. 

Liberté !

Enfin pas tout à fait. Dungeonmans ne se passe pas uniquement dans un donjon comme les stéréotypes du style le voudraient, mais dans un monde ouvert (open world). Vous gérez un Dungeon-man ou -woman dans un royaume créé aléatoirement en début de partie, constitué de villages, de donjons, de grottes (créé eux aussi aléatoirement) et de votre Académie dans un univers héroïco-fantasy. C’est là le point essentiel qui va différencier ce jeu de tous ceux que vous avez déjà rencontrés.

Point de quêtes et de dialogues multiples à résoudre pour vous en sortir. Ici il y a de la baston en tour par tour et votre rôle sera, à travers vos loots et luttes incessantes, de trouver des parchemins et des doctrines oubliées qui permettront à votre Académie de progresser et d’évoluer comme le bon étudiant que vous êtes. Mais si on commençait par le début. 

Après le choix du nom, on commence par créer son personnage à partir de sept classes tout à fait basiques comme le guerrier, l’archer ou le nécromancien (c’est basique ça ?), voire même la possibilité de jouer sans classe. Chacune possède ses propres caractéristiques et ses propres limitations d’équipement. Ensuite on vous propose cinq séries de nombres tirés aléatoirement pour définir vos quatre caractéristiques (pour simplifier Force, Habileté, Magie et Science).

On vous propose alors de choisir deux signes distinctifs parmi un petit paquet, qui vous définissent et pourront modifier votre environnement. J’aime particulièrement celui qui permet de manger les livres pour vous ressourcer, mais du coup qui vous empêche de les apprendre. On sent bien l’humour léger du jeu qui ne se prend aucunement au sérieux. Enfin on choisit son tileset pour vous représenter et l’aventure peut commencer. 

Vous voici nouvel apprenti d’un royaume tout neuf. Le gestionnaire de l’Académie vous accueille et vous indique que vous êtes le nouveau héros et qu’il faut reconstruire les lieux. Et tout cela passe par l’exploration des environs et le pillage des multiples sites à visiter. Dans cette Académie, on trouve aussi d’autres PNJ qui vont avoir chacun leur utilité.

Ainsi l’instructeur va vous permettre de faire évoluer vos caractéristiques, le forgeron upgradera vos affaires, le scientifique vous permettra d’identifier plus facilement les objets déjà découverts. Mais tout cela ne fonctionne que si vous leur ramenez de la matière première, sinon nada ! Et puis si ce n’est pas vous qui en profitez, ce n’est pas grave, ce sera l’apprenti suivant.

Car Dungeonmans se veut un jeu à génération comme l’est Rogue Legacy. En effet, si votre personnage meurt, c’est une fin définitive pour lui, mais pas une fin en soi pour le royaume qui continue de subsister et qui attend que vous créez un nouveau personnage pour le rejoindre. Et c’est là toute la force de Dungeonsman : fraîchement arrivé dans l’Académie, vous pourrez profiter de toutes les bonifications apportées par votre défunt personnage précédent. En plus au cimetière, il est possible de trouver une statue de tous vos avatars déjà morts et le lieu de leur décès. Ainsi en vous rendant sur place, vous récupérerez leur expérience. 

Votre héros gagne de l’expérience et à chaque niveau passé, il augmente automatiquement ses points de vie et ses points de mana. Il peut aussi débloquer une skill (sort ou compétence), de n’importe quelle classe et pas forcément la sienne. Ce qui peut amener beaucoup de possibilités pour l’évolution d’un même personnage. On aime ou pas cette liberté. 

Loot pour les yeux et les oreilles ?  

La découverte de documents précis dans les donjons, qui regorgent de loot s’entassant dans votre sac sans fond, permettra l’évolution et de votre Académie et ainsi de votre héros. Libre à vous d’en profiter ou de laisser les bonus pour votre prochain personnage. De même, dans un roguelike, les objets restent inconnus tant que vous ne les avez pas identifiés ou testés. Hé bien sachez que tout objet identifié par l’un de vos héros précédents le sera pour votre suivant s’il le trouve par la suite. De même, il m’est arrivé de voir en vente dans un magasin des objets magiques que j’avais lootés auparavant. Cela rend le jeu évolutif et donne envie d’aller plus loin.

Je regrette un peu cette inventaire sans fond qui n’est pas très maniable avec un listing glissant via la molette de la souris, mais tout peut être amélioré. L’inventaire heureusement propose aussi un tri par catégorie, car votre personnage peut être équipé comme dans un hack’n slash avec armure du tronc, de la tête, des jambes et des pieds, bijoux, gants, et armes.

C’est riche et c’est tant mieux. Tout comme le nombre impressionnant de potions ou de parchemins à identifier qui permettent aussi d’améliorer votre équipement. Mais il y a aussi des armes magiques, uniques et des maudits qui vous pourriront la vie tant que le PNJ approprié ne vous en aura pas débarrassé. En cas de mort, vous pouvez bien sur reprendre l’aventure dans un royaume existant dont les donjons seront de nouveaux respawnés. 

On appréciera grandement la touche d’humour qui parsème tout du long le jeu et les nombreux clins d’oeil vidéoludiques : par exemple, la carte au format ASCII comme peuvent l’être les roguelikes d’antan ou indie, ou encore la mort des boss avec explosion à la sauce Diablo (Il faut le voir pour comprendre) et le petit portail tout bleu qui jaillit alors. En parlant de ce dernier, c’est quand même pratique lorsque vous êtes au troisième sous-sol et que vous souhaitez remonter à la surface.  


La musique est plutôt dynamique et adaptée à l’univers du jeu. Il faut dire que Jim Shepard ne s’est pas entouré de manchots : Andrew Aversa aux commandes, s’inspire des musiques de Final Fantasy Tactic ou Suikoden 2 (c’est lui qui le dit).  Pour le bruitage, c’est moins probant, et ils me font plus penser à des onomatopées qu’à une vraie ambiance de donjon. Mais c’est toujours le même problème avec les productions indépendantes avec une baisse de qualité auditive et/ou graphique. 

Parlons-en justement des graphismes : Le jeu est composé d’une 2D fine et les personnages en tileset fixe sans aucune animation. Il y a bien quelques effets lors du lancement des sorts/compétences, mais cela reste très sommaire. Graphiquement, c’est très mignon et détaillé, même si aucun effort n’a été fait sur votre personnage qui ne change pas d’aspect  en fonction de ce qu’il porte. Je ne vous parlerai pas de la résolution qui me semble bâtarde actuellement et qui est à revoir. Alpha oblige. 

Alors ? 

La question que l’on peut se poser alors , c’est jusqu’où ? Quand finit-on, car j’avoue ne pas être allé très loin (je laisse ce plaisir pour le testeur qui aura cette tâche ingrate ou pas). Quand finit-on le jeu et surtout va t’on s’en lasser trop vite sans directive, sans quête et sans tâche, juste une grobillisation de son personnage.

Car au bout de dix heures de jeu, je me sens bien seul dans cette immense carte générale qui me propose des dizaines de donjons à vidanger et de villages à commercer.  Ces premiers sont toujours à plusieurs étages et comprennent toujours un boss de fin de niveau à abattre. Jamais identiques mais souvent redondants par leurs modèles architecturaux répétés de tuiles, les donjons sont riches en interactions et possèdent même des passages secrets et des foyers à monstres comme on pouvait en trouver dans Dungeons Of Dredmor.

Et du coup, qu’est ce que j’en pense de ce jeu ? Moi, nourri aux roguelike et j’adore ça, mais pas que. Je suis plutôt omnivore et ce jeu me fait penser obligatoirement à Tales of Maj’Eyal avec ses graphismes et son monde ouvert, et à Hinterland pour l’évolution de son académie. Seulement, si on peut tout de suite écarter le second car c’est un hack’n slash avec une dimension stratégique à petite échelle, Tales of Maj’Eyal alias ToME, vieux baroudeur bien installé, en est très proche du fait de ses tilesets de personnages qui se déplacent comme on le fait sur une carte stratégique de wargame (bouges ton petit pion, Mémé, bouges-le).  

Sauf que ToME possède une ribambelle de personnages, de compétences, et surtout des quêtes et une difficulté bien au delà de ce que peut proposer notre sujet. Point essentiel qui les différencie, c’est que les compétences de ToME fonctionnent selon des durées, alors que dans Dungeonmans, vous avez une bourse de mana dans laquelle vous piochez avidement et lancez à tire larigot vos sorts jusqu’à épuisement. 


On notera surtout que la prise en main de Dungeonmans est plus simple, tout à la souris. Le tour par tour se montre rapide disparaissant derrière un déplacement vif pour ceux qui vont en ligne droite. Le jeu est moins profond, mais il est plus accessible, avec une approche plus grand public. Il a donc plus de chances d’attirer les débutants dans l’univers des roguelikes, mais pas forcément les gros durs. Quoique la stratégie a une place importante, et si les compétences sont à utiliser avec parcimonie et au bon moment, la plupart du temps il suffit d’utiliser l’attaque simple (bouton droite) pour que cela passe. Mais à plus haut niveau, cela se complique. Enfin, l’équilibre du jeu a encore du temps pour évoluer. 

Un point de détail risque tout de même de changer la donne : le prix. Car on vous demande la modique somme de 10$. Et dans le monde des roguelikes déjà bien occupés par des ténors gratuits (ToME), pas chers et accessibles pour le grand public comme Dungeon of DredmorSword of the stars : The pit, ou encore des “tout en ASCII”… Est ce que Dungeonmans peut trouver sa place et attirer d’autres clients que les backers qui se sont sentis attirés par le potentiel du jeu ? En tout cas, pour ma part, il est bien sympathique. 

Personnellement, je pense que Dungeonmans a sa place dans le monde des roguelikes, parce qu’il a des qualités. Mais il a besoin de vraiment trouver une identité propre et des caractéristiques que l’on ne trouve nul part ailleurs. Et c’est peut être l’idée de l’Académie qui fera la différence. Je verrai bien aussi un multijoueur, ce qui lui irait si bien …
Mais comme je l’ai dit en début d’article, cette version est l’alpha 1.0 en plein boom qui prendra peut-être le temps de nous proposer de la fraîcheur dans le monde des roguelikes. Allez monsieur Shepard rangez votre CV et remettez plutôt les mains dans le cambouis, s’il vous plait. J’ai hâte de voir le résultat.  

Vous pouvez lire le test complet ici.

S’abonner
Notifier de
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments