jeudi, mars 28, 2024

Agarest : Generations of war

Ce test a été écrit et publié à l’origine le 30 Septembre 2014 sur le site RPGFrance par son auteur Leuffen.

NOTES FINALES

Note de l'auteur
5
Note RPG
4

Joueurs du dimanche et noctambules, pensez-vous que l’amour peut naître sur le champ de bataille ? Après tout, qu’elle soit sérieuse ou badine, qu’elle débouche sur une débauche orgiaque ou sur un chaste baiser sur la joue, la romance est une composante du RPG moderne sur laquelle il est difficile de faire l’impasse. Quoi de plus classique et classieux que de secourir la mie qui a protégé vos arrières depuis le début de votre aventure ?

Qu’il se nomme Imoen, Quistis, Furia ou Serana (ou Allistair, Xzar ou Jaskier, qu’en sais-je?) ; qu’il manie le fer, la magie blanche ou noire ; qu’il soit humain ou non, saint ou maléfique… nous avons tous eu notre compagnon favori que nous rêvions de voir marcher main dans la main avec notre personnage en direction du soleil couchant lorsque commençait à se dérouler le générique de fin.

Parfois, à défaut de pouvoir créer un personnage qui nous ressemble au mieux, pouvoir jouer avec l’affection ou la haine que l’on suscite auprès de ses frères d’armes nous permet de nous identifier audit personnage principal. Et quand ces sentiments factices évoluent jusqu’au stade ultime de l’amour digital, n’est-ce pas pour le mieux ? Paradoxalement, cette caractéristique est celle qui a été la plus décriée dans le jeu qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir Agarest : Generations of war.

Non pas que la chose soit mal amenée (encore que nous reviendrons sur le sujet plus tard) mais à cause de sa prétendue prépondérance par rapport aux mécaniques de jeu ou à la pertinence du scénario. Cependant, avant de commencer à décortiquer ce jeu décrié comme un sim-dating camouflé, examinons son passif.

L’héroïsme est génétique, il paraît

Émergé des entrailles du studio Idea Factory en Octobre 2009 pour une version PS3 au pays du soleil levant, il faut néanmoins attendre Février 2014 pour voir apparaître une adaptation pour pc et traduite en anglais. Ah, et on me susurre dans l’oreillette qu’une version sur IOS et Android est sortie en Mai 2014 en France. On peut remarquer qu’il est précédé par un autre jeu déjà disponible en anglais (Agarest Zero) et suivi par un autre qui le sera a priori sous peu (Agarest 2, original, non ?).

Force m’est d’admettre que je n’ai jamais posé les doigts dessus, mais il semble qu’ils forment une trilogie plus ou moins cohérente (dans le sens où certains événements sont expliqués et où on retrouve certains personnages récurrents) si l’on garde à l’esprit que celui dont nous allons parler maintenant est le premier à être sorti. Ce qui est néanmoins certain, c’est que les trois jeux suivent les mêmes mécaniques générales et le même style narratif, et qu’il y a de fortes chances pour que si Agarest : GoW vous plaît – ou non – il en sera de même pour les autres.

Bref, foin de digressions ! Il est temps de plonger au milieu des turpitudes de la guerre et de l’amouur !

Notre histoire débute dans un monde où sévit une guerre entre elfes et humains. Le royaume de Gridamas, auparavant aussi austère que puissant, s’est récemment lancé dans une campagne d’invasion majeure de l’unique continent et a entrepris une campagne d’extermination de la gent oreille-pointues pour la simple et bonne raison que celle-ci ne lâche pas ses territoires frontaliers qui bordent d’autres royaumes humains.

Le héros que nous incarnons, Leonhardt, dit « Golden Leo », est un jeune général très prometteur de Gridamas. Stratège remarquable, fin bretteur, gueule d’ange et rejeton d’une famille noble à la réputation néanmoins entachée, il a selon l’expression consacrée le monde à ses pieds. Si verser le sang pour son roi ne lui pose pas de problème, massacrer des villageois sans défense le fait davantage tiquer… et c’est lorsqu’une gamine haute-elfe est en passe de subir les pires outrages dans la forêt voisine de son village en flammes qu’une digue se rompt en lui.

Tel un chevalier aussi blanc que la veste qu’il porte, il défait les spadassins et se retrouve du même coup frappé du sceau de la traîtrise. Cependant, il finit par tomber nez à nez au bout d’une course-poursuite échevelée avec Melchior et le Chevalier Noir (les deux protecteurs du roi), et n’a d’autre choix que de se sacrifier pour permettre à sa protégée de prendre la fuite. Une lame passée au travers du torse, il sombre dans les eaux paisibles de la mort… du moins jusqu’à ce que Dyshana, sorte de Mephistopheles féminin, lui propose de passer un pacte : en l’échange de la résurrection et d’une puissance qui lui permettra de sauver la jeune Ellis, il promet de consacrer sa vie et celle de ses descendants à la lutte contre les forces des ténèbres en plein réveil.

N’écoutant que son devoir, Leo refuse le repos éternel et se lance dans une quête insensée débutant par un conflit contre sa patrie d’origine ; il n’en verra par ailleurs jamais la conclusion puisqu’elle se déroulera sur plusieurs générations. D’où le titre du jeu.


Comme vous pouvez le constater, le scénario laisse a priori la part belle à une dramaturgie que les grecs anciens n’auraient pas reniée : contrairement à la plupart des jeux où vous incarnez un seul héros ou équipe de personnages tout du long de l’aventure, Agarest : GoW vous offre une double vision de votre avatar et de ses compagnons. Aussi attachants ou héroïques puissent-ils se révéler, leur mortalité ne s’en fera que plus prégnante ; vous ne pouvez ignorer que ceux qui ne mourront pas l’arme à la main le feront dans leur lit et qu’ils laisseront donc soit leurs descendants soit d’autres personnages prendre leur relève.

Il arrivera que vous puissiez voir ceux dont l’espérance de vie est particulièrement longue grandir, vieillir ou changer selon les aléas du scénario ou de vos décisions, et cela se reflétera sur les artworks de facture honnête qui les représenteront lors des dialogues. Je préfère préciser « honnête », car si les protagonistes sont dépeints d’une manière clairement identifiable aussi bien sur les dialogues que sur le champs de bataille, on ne voit rien d’autre du monde d’Agarest qu’une carte du monde et quelques fonds de décors.

On a ainsi vaguement l’impression que l’univers se situe à mi-chemin entre de l’heroic-fantasy japonisante classique et une Europe du XIXe siècle, impression qu’on ne pourra véritablement infirmer ou confirmer vu que les extérieurs se limitent à des cours de caserne ou à des forêts/montagnes/cavernes modélisées avec une truelle à loutre… et que les seuls aperçus de l’intérieur des villes que l’on pourra avoir sont ceux des échoppes durant les emplettes, des salles de réunion ou des salles du trône. Pour autant, les informations sur le monde que vous explorez ne manquent pas grâce aux explications des personnages et les étiquettes qui sont apposées sur chaque objet disponible à l’achat ou à la vente. Ensuite, la sobriété de l’ensemble plaira ou déplaira selon les goûts de chacun.

On remarquera néanmoins que chaque arme (souvent d’inspiration occidentale) a bénéficié d’une modélisation sympathique (au contraire des armures et des équipements) et que le bestiaire balancera régulièrement entre le classique et l’original puisque vous retrouverez aussi bien des orcs ou des limons que des mantes religieuses géantes et des beholders borgnes.

Enfin, vous vous rendrez compte que vos combattants sont frappés par une malédiction qui les empêche de recourir à des techniques telles que « mon poing dans ta face » ou « jouons au tape-taupe avec mon marteau de guerre et ton crâne » : toutes les attaques qu’ils exécuteront seront nécessairement hautes en couleurs et bien animées, pour le plus grand délice de nos yeux.

Le travail d’équipe, y’a que ça de vrai

Les combats d’Agarest : GoW suivent les principes ancestraux du Tactical-RPG : deux groupes de combattants sont disposés face à face (sauf lorsque le jeu décide inopinément que l’ennemi vous a pris par surprise, auquel cas le vôtre se retrouvera dispersé), aucun élément du décor ne permet de détourner la trajectoire d’un adversaire ou d’un sort, l’orientation d’un personnage influe sur ses chances d’esquiver un coup, et chacun joue en fonction de sa valeur d’initiative.

Là où les choses deviennent intéressantes, c’est que la disposition de votre troupe s’avère d’autant plus primordiale que chacun de vos personnages est doté de ce que l’on pourrait nommer une « ligne de vue » particulière. Attention, je ne parle pas ici d’une quelconque distance d’attaque maximale mais plutôt de plusieurs cases dans la portée effective du combattant qui lui permet d’entrer en résonance avec un de ses compagnons (état rendu visible par un lien lumineux entre les protagonistes).

Chacun d’entre eux disposant d’un panel de coups personnalisables, cela débloque la possibilité pour ceux qui sont concernés de créer des enchaînements de coups ainsi que des attaques combinées d’une puissance redoutable. Si vous vous débrouillez convenablement (et vous devrez le faire sous peine de tomber face aux boss), vous pourrez mettre ainsi en résonance l’intégralité de votre équipe pour réaliser des chaînes de combo aptes à fendre des montagnes.

Par exemple, si vous combinez l’attaque « Trick Hit » de la jeune elfe aux cheveux gris Furya et l’aptitude « Rush » du géant cornu Borgnine, vous obtenez la combinaison « Vanish Hit » où les deux compagnons se mettront à ensevelir un ennemi sous un double déluge de frappes venant de toutes les directions.

La seule limite imposée est celle des Points d’Action dont vous gagnez un certain nombre chaque tour et le fait que certaines attaques amèneront un personnage au contact de son ennemi, brisant ainsi potentiellement l’opportunité d’enchaînements ultérieurs (du moins jusqu’au tour suivant).

Gardez aussi à l’esprit que les ennemis useront de ce genre de stratégie et qu’ils prendront un malin plaisir à frapper vos unités les plus faibles en premier puisque vos unités les mieux protégées n’auront qu’un seul moyen de servir de paratonnerre : être les premières à se jeter dans la mêlée. Autrement, pensez à user et abuser des sorts de soin, puisque même l’utilisation du moindre objet vous coûtera des AP.

Celle-ci se révélera vite primordiale puisque quand l’un de vos combattants finit par mordre la poussière, il ne demeure plus de lui qu’un cristal au-dessus duquel flotte un compte à rebours ; omettez de le ressusciter avant la fin de celui-ci et vous devrez vous passer de lui jusqu’à ce que vous ayez rallié une ville où une prêtresse vous le remettra sur pieds pour une forte somme.

Les deux derniers facteurs importants à prendre en compte pour les combats sont les notions de Break et d’Overkill. Chaque unité (alliée ou ennemie) est dotée d’une barre de Break qui baisse plus ou moins rapidement selon les techniques utilisées contre elle et qui se régénère dès que l’assaut s’arrête ; qu’elle se vide, et les dégâts suivants qu’elle recevra seront démultipliés.

Une fois la barre de PV de l’ennemi vidée, vous aurez l’opportunité de continuer à le marteler jusqu’à lui infliger l’équivalent de ladite barre (ce qui est logiquement plus simple vu que la barre de Break est vidée) pour provoquer un Overkill qui vous permettra de ramasser davantage de butin à la fin du combat.

Après l’effort, le réconfort

Entre deux passes d’armes, il y a beaucoup à faire, ou plutôt beaucoup à débloquer. Presque chaque escale de vos pérégrinations sera l’occasion de prendre une décision qui aura un impact sur la suite des événements : il peut s’agir d’un événement inclinant votre avatar en direction des ténèbres ou de la lumière, d’une discussion avec l’une de vos futures mies ou d’une discussion stratégique pour définir votre prochain trajet. Préférerez-vous prendre le chemin le plus long pour ménager votre armée mais multiplier les affrontements aléatoires ou rentrer directement dans le lard de votre principal ennemi ? Chacune de vos décisions pourra être lourde de conséquences, même si on aura parfois des difficultés à s’en rendre compte à cause de la relative rareté des phases de discussion.

Je me dois cependant d’émettre un bémol, car vous ne gérerez en rien une armée mais plutôt un groupe de neuf combattants (dont six déployables en même temps sur le champs de bataille) disposant d’un type d’arme qui lui est particulier, d’une armure et de deux accessoires échangeables… mais également, comme nous l’avons vu plus haut, d’un ensemble de techniques de combat personnalisables.

En effet, chaque pièce d’équipement propose un ensemble particulier d’encoches où vous pouvez temporairement sertir des compétences dont les types sont reconnaissables par un code de couleur simple. Libre à vous donc de donner à une brute un sort d’éruption de magma ou l’équivalent de Glacier X d’un Final Fantasy si cela vous chante ou si vous découvrez que cela donne une combinaison de coups intéressante.

Après tout, vous gérez également l’attribution des statistiques à chaque passage de niveau pour tous les personnages. Exercice moins aisé qu’il n’y paraît, puisque seuls ceux ayant versé le sang sont récompensés par des points d’expérience et que leur gain est d’autant plus important que l’affrontement est réglé promptement. Idem pour les EP, qui vous servent à améliorer les armes ; et les TP qui servent à acheter des ingrédients rares ainsi que des livres donnant des indices sur les coups combinés et la création d’objets (aussi bien d’armes, armures et accessoires que de compétences).

Comme vous vous en doutez, un système de craft est de la partie : avec des objets que vous récupérez sur les monstres (la quantité et la valeur dépendent de votre propension à délivrer des Overkill) et/ou une arme ainsi qu’une généreuse donation, le forgeron de la ville vous débloque des équipements chez la vendeuse locale.

Cependant les plus prisés ne se trouvent qu’au fond des rares donjons que compte la carte du monde ou ne se débloquent qu’auprès de la guilde des aventuriers une fois certains objectifs (achievements) atteints. Un drôle d’endroit, ces donjons. Alors que votre parcours est émaillé par des combats aussi obligés qu’aléatoires, il vous arrivera d’arriver en vue d’endroits estampillés QUEST que vous pourrez éviter mais que vous pourrez également visiter en temps réel au risque de multiplier les rencontre aléatoire au sein d’un labyrinthe riche en trésors et au bout duquel attend un boss. On dirait presque un jeu différent rajouté après coup, tiens.

Ce qui nous amène à un triste constat… Ce jeu est LONG !

Il faut bien compter vingt heures pour terminer l’équivalent du premier chapitre, et le jeu en compte cinq. Faites le compte par vous-même. Ayant eu des retours des joueurs occidentaux comme quoi la difficulté rendait l’ardoise encore plus salée, les développeurs ont d’ailleurs eut l’idée de fournir des dlc facultatifs permettant de faire le plein d’objets dont les statistiques valent bien celles qu’on trouve chez leurs confrères en fin de partie. Louable initiative si vous voulez mon avis.

La chose est difficile à décrire par écrit, mais l’ensemble d’Agarest : GoW a quelque chose de pataud : les animations de combattants sont longues même si elles peuvent être raccourcies, les dialogues sont mal rythmés (chaque écran n’affiche qu’un seul personnage à la fois, ce qui fait que les allez-retours entre les différents interlocuteurs donnent à chaque occasion l’impression d’assister à un échange de Roland Garros) même si aucun ne s’avère superflu ou mal tourné… en revanche, ils apparaissent comme trop peu nombreux par rapport aux points jaunes synonymes de combats aléatoires obligatoires sur la carte du monde. Du coup, le découragement ne tarde pas à montrer le bout de son nez, et avec lui la tentation de ces jolies armes de dlc bien clinquantes.

Un autre point noir, à mon sens, est le côté superficiel du développement des relations de votre personnage principal avec ses partenaires potentielles : plus ou moins bien amené, il ne se fait qu’au travers de dialogues ou d’événements aléatoires et n’a pour principal objectif que d’influer sur les statistiques dont héritera le rejeton (ainsi que sur quelques compétences). Ne vous attendez donc pas à ce que l’affection de vos tourtereaux se concrétise sur le champs de bataille comme dans un Fire Emblem : Awakening où les compagnons d’arme se protègent et se renforcent mutuellement. Estimez-vous déjà heureux d’avoir droit à une scène de mariage et de romance par génération !


Qu’on ne s’y trompe pas, malgré son aspect parfois austère et le fait que les premières bouchées soient dures à mâcher, Agarest n’en est pas moins un jeu très riche où il y a toujours quelque chose à faire, même si ses mécaniques impliquent une certaine répétitivité. Du destin plus ou moins tragique des protagonistes à la parodie de sim-dating avec la future mère de l’enfant de votre personnage principal, de l’exploration de donjon à la capture de monstres, on jurerait qu’il est difficile de s’ennuyer, et c’est vrai dans un sens.

Je suppose que le meilleur conseil que je puisse vous donner pour apprécier ce jeu est encore de vous l’administrer à petites doses, mais la réalité est que ce jeu s’adresse plus vraisemblablement à un public de niche maintenant que des T-RPG plus dynamiques (tels que The Last RemnantShadowrun Returns ou un bon Valkyrie Profile si vous êtes plus tourné consoles portables) sont disponibles. Je vous invite néanmoins à vous le procurer si il se retrouve soldé sur Steam, vous passeriez à côté de quelque chose. Puissiez-vous y trouver votre Carthage.

+ Le concept de générations
+ Les animations de combo
+ Univers original
+ Le potentiel encore flou d’une trilogie ?

Note RPG 2 sur 5
Note testeur 05 sur 10

– C’est…
– LONG !
– Esthétiquement fade

RPGfrance
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Site ayant vécu de 2009 à 2022 et traitant de l'actualité des jeux vidéo RPG. Le site ayant disparu, l'équipe de RPGjeuxvidéo, sous l'action de Killpower, ancien président de RPGFrance, a essayé de rendre hommage aux nombreux rédacteurs qui ont participé au site, en reproposant leurs articles qui, sinon, auraient été perdus à jamais. Si vous êtes l'auteur de cet article, contactez-nous et inscrivez-vous, nous mettrons le texte à jour.

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