jeudi, mars 28, 2024

Antharion

À l’instar de Lords of Xulima, avec une campagne Kickstarter rondement menée et plus de 22 000$ récupérés pour 10 000$ demandés, les développeurs de Orphic Software ont su captiver les joueurs investisseurs en leur parlant de sources d’inspiration telles que Baldur’s Gate, The Elder Scrolls ou Ultima. La somme engrangée a permis de franchir deux paliers permettant d’avoir des donjons supplémentaires, la possibilité d’acheter sa propre maison et plein d’autres choses encore. Après une preview d’Andy dans un lundi de l’indie en octobre 2013, il est temps de s’intéresser à ce old school RPG et de voir ce qu’il a dans les tripes. 

Un old school RPG fait par des indépendants, c’est souvent l’utilisation de 2D avec pixel art. On ne peut pas dire qu’Antharion déroge à la règle, avec sa visualisation en 2D isométrique. Impossible de tourner la caméra, ce qui gène parfois avec les ennemis derrière. Heureusement depuis le patch 1.1.5, appuyer sur la touche V rend vos camarades transparents à défaut des ennemis.

Les personnages sous forme d’icônes restent inertes mais s’animent tout en glissant sur le sol et en même temps leur corps bouge comme s’ils étaient sur des ressorts. L’effort d’animation minimaliste est là, mais c’est fortement ridicule avec grosses têtes sur petits corps. Avec ses couleurs chaudes, on a l’impression d’avoir un jeu sorti tout droit de la Nintendo DS et porté sur nos machines. Heureusement, la finesse des détails est au rendez-vous.  Mais avec une résolution maximale en 1280×720, laissez tomber votre écran HD. On notera que les tilesets sont riches et variés, mais la qualité graphique grossière en arrêtera plus d’un. 

Réfléchissons, réfléchissons.

Vous commencez la partie en personnalisant chacun de vos quatre personnages. Ainsi vous choisirez une classe parmi huit possibles ou créerez un avatar librement de A à Z. Entre le guerrier et le sorcier avec ses trois écoles de magie (magie blanche, magie noire, magie grise), le voleur ou l’archer, voire une création de votre choix, vous avez déjà bien des possibilités. Ensuite intervient le choix de la race parmi sept (humain, orc, elfe, voire ésotérique : loup-garou, félin, mort-vivant, nécrophile…). À partir de ces deux critères, vous obtiendrez certaines valeurs dans les six caractéristiques qui définissent votre personne telles que la force, l’intelligence, la magie, la dextérité, la constitution et la chance. Caractéristiques dont on comprend aisément l’utilité.

Enfin, vous répartirez vingt points dans les quinze compétences possibles tout en sachant que vous allez spécialiser vos personnages en fonction de la classe. Enfin, c’est préférable mais pas obligatoire et libre à vous de faire comme il vous plaît. Un choix de création donc très important dès le départ car contrairement à beaucoup de RPG, chacune des compétences a son importance. Le lore, par exemple, vous permettra selon votre niveau d’identifier les objets magiques trouvés, mais aussi de découvrir des passages secrets dans les multiples donjons. 

Raconte moi une histoire !

Antharion semblait être un monde calme et serein, jusqu’au jour où les habitants de la ville de Shadowbrook furent massacrés sans ménagement. Dès lors, les gens devinrent suspicieux et l’atmosphère changea du tout au tout. C’est dans cette ambiance malsaine que votre équipe va faire son apparition. Épargné par on ne sait quel miracle, sortant des geôles de la prison de la ville, vous voici libre. Faut-il dire qu’il n’y a plus personne pour vous surveiller et que cette évasion sera l’occasion de prendre la bête en main. Sorti de ce premier donjon, un individu vous demandera de vous rendre dans le village voisin pour rencontrer un homme dont l’identité restera secrète, mais vous demandera d’enquêter sur ce massacre. Une aventure dont vous serez les principaux acteurs et qui vous fera voyager dans le monde qu’est Antharion. Un monde ouvert, si l’on peut dire, à condition d’avoir le bon niveau au bon endroit. Une histoire que vous débloquez au fur et à mesure de votre aventure sans pour autant avoir une incidence dessus. Une aventure que l’on peut boucler en une quarantaine d’heures selon les développeurs. Et j’ai envie de dire qu’ils n’ont pas tort, même s’il m’est très difficile de vous en parler tellement j’ai recommencé le jeu avec les nouveaux patchs. Mais jamais cela ne m’a blasé, c’est dire l’intérêt qu’Antharion suscite. 

Outre des quêtes Fedex via des PNJ un peu partout dans le monde, on rencontre quelques clins d’œil bien placés, comme par exemple “ce délicieux butcher” dans ses égouts. Les quêtes sont d’ailleurs indiquées par des marqueurs peu intrusifs sur la Fast Travel Map, puisque vous n’avez pas de flèches vous indiquant la direction à prendre. 

Déplacement en tour par tour, mais presque en temps réel avec une vie autour de nous. Les gardes se baladent et peuvent intervenir si on a besoin d’aide. Mais attention à ne pas les agresser, sous peine de devenir des parjurés durant la suite de votre partie tant que vous n’aurez pas payé l’amende ou ne serez passés par la case prison.

Un mal, des mots ? La foire aux cochons ?

À l’instar d’un Eschalon : Book 1, le jeu est au tour par tour. Durant les phases d’exploration, vous déplacez le premier personnage, les trois autres suivent. Lorsque vous arrivez dans l’aire d’action d’un groupe d’ennemis, la phase de combat commence. Début des combats sans transition aucune, votre quatuor est à la queuleuleu. Il est donc très important lors de la création de votre équipe de commencer par créer un tank (personnage ayant beaucoup de points de vie) en premier car il sera en première ligne lors du combat .Tout comme l’approche de vos ennemis aura son importance lors du début du combat. Si vous avez quatre archers et que le combat s’enclenche parce que vous êtes allé vous fourrer au milieu de squelettes guerriers, je ne donne pas cher de votre vie.

Votre équipe va d’abord agir selon l’ordre de création de vos personnages, puis ce sera au tour des ennemis. Durant un tour, selon votre dextérité, vous avez un certain nombre de points d’action. Ils vous serviront à vous déplacer (un point d’action pour un déplacement d’une case), à fouiller dans votre inventaire (un point d’action),  mais vous n’aurez qu’une seule attaque par tour. D’ailleurs il sera affiché votre pourcentage de réussite lorsque vous pointerez votre curseur sur une cible, mais vous ne pourrez pas cibler une partie du corps, comme le permet la série des Fallout par exemple.

Combats donc simples mais sympathiques, même si en début de partie ils manquent de profondeur. L’amélioration de vos compétences et la spécialisation des magiciens par exemple permettront plus de possibilités par la suite et vous pourrez aussi utiliser le décor pour votre stratégie. On pestera aussi sur l’impossibilité de pouvoir déplacer l’écran lorsque vous avez des archers et que la cible se trouve cachée par des icônes, portraits ou par la map de l’interface. Des erreurs de jeunesse vous dis-je. 


Parlons-en justement de ces ennemis, dont la forme et le niveau est fonction des lieux dans lesquels vous allez évoluer. Ils sont variés, typés héroïques fantasy, vivent en groupe et surtout, ont leurs propres sorts magiques. L’IA basique se débrouille simplement et c’est souvent le nombre qui vous mettra à mal. Vous pourrez ainsi subir des états différents pendant les combats (empoisonnement, faiblesse, confusion, transformation en petit cochon…) qui ne dureront que lors du conflit, tout comme la mort d’un ou plusieurs membres tant que vous ne perdez pas vos quatre acolytes, ce qui signifierait la fin de la partie. Autrement dit, si vous gagnez une bataille ils seront ressuscités comme si de rien n’était. Un peu facile, mais cela évite la lourdeur d’un système de “die and retry” trop mis en avant ces derniers temps dans de nombreux jeux.

L’argent, le nerf de la guerre

Avec ses trois niveaux de difficulté et selon les lieux où vous allez, le jeu saura maintenir votre stratégie en alerte. La mort des ennemis permettra aussi de récupérer dans leurs défuntes carcasses quelques menues babioles, vous permettant de grossir votre trésor de guerre à aller marchander dans la ville la plus proche. C’est en vendant ce que l’on trouve que l’on se rend compte que l’économie locale n’est absolument pas en notre faveur (revu avec le patch 1.1.8) et que l’évolution de notre matériel si on veut se le payer va durer un moment. Car votre quatuor a aussi possibilité de gérer son équipement, les flèches sont d’ailleurs comptées, avec arme ou bouclier main gauche, main droite, une armure, chaussures, casque, cape et des bijoux comprenant anneaux et amulettes. Il sera aussi possible de permuter deux combinaisons d’armes équipées lors des combats. 

Des équipements normaux ou magiques qui vaudront leur pesant de cacahuètes chez les marchands environnants et qui seront visibles sur vos personnages lorsque vous vous en équiperez. Beaucoup de choses à trouver, même si je regrette que les donjons et lieux ne soient pas plus interactifs, car beaucoup d’objets font partie du décor (comme les présentoirs d’armes ou les étagères) plutôt que d’être des contenants interactifs. C’est ainsi que l’on parcourt les donjons pour trouver quelques tonneaux à piller et que l’on pourra trouver cela redondant à la longue. Seul bémol, pour interagir avec les contenants il vous faudra être à proximité d’eux, sinon l’opération ne sera pas possible. Vous ne saurez même pas qu’ils sont interactifs. À noter aussi qu’une icône différente apparaît si vous avez déjà fouillé et vidé un contenant. 

La bouffe, lard du cochon ?

Le monde, même s’il possède plusieurs environnements possibles – neige, désert, montagne, prairie, donjon – et un certain nombre de villes reliées par des routes, n’est pas si vaste que cela à traverser. Mais sur la carte générale, il n’y a pas de lieu inaccessible et on trouve aussi différents donjons plutôt spacieux qui augmentent sa superficie. On regrettera pourtant la redondance des tilesets repris çà et là. Les maisons sont toutes identiques d’aspect extérieur, mais à leur décharge on peut toutes les visiter pour parler avec les PNJ qui n’auront pas forcément grand-chose à vous dire. L’effort est louable pour donner du volume à l’univers. On pourra aussi prendre un bateau pour parcourir le continent par la mer, mais il est étonnant qu’à partir de ce constat on ne trouve pas d’autres moyens de déplacement comme les chevaux. Car la navigation n’apporte pas grand chose, si ce n’est d’accéder à des lieux interdits par voie terrestre. 

Les développeurs se sont montrés toutefois cléments avec le joueur en lui proposant via la carte du monde (la Fast Travel Map comme indiquée) de pouvoir se rendre directement dans un lieu déjà visité, à condition de payer une quantité de nourriture qui vous permettra d’aller automatiquement sur place. Car la bouffe est le nerf de la guerre. On a souvent reproché à la licence AD&D de pouvoir se reposer entre chaque combat sans malus, eh bien Antharion vous propose de faire de même, à condition de payer votre pause en nourriture. Vous choisirez alors votre temps de sommeil , ce qui permettra de régénérer points de vie et de mana. Sans cela, vous ne pourrez user que vos fioles pour pallier à vos faiblesses. À l’instar du feu de camp, à partir de la Fast travel Map il est possible de se rendre dans une ville déjà découverte, à condition de posséder la quantité de nourriture exigée. Une donnée donc indispensable à ne pas négliger. 

En parlant de plan, on regrettera que la carte de l’environnement proche ne puisse pas être ouverte en grand et se résume à un petit cercle limité autour de votre groupe. Parce que les donjons sont parfois si grands, certains avec plusieurs étages, que l’on aimerait en voir la totalité pour ne pas se perdre. 


Tout comme la gestion de la nourriture, le jour et la nuit (et pour une fois, on peut dormir), la météo, le poids dans l’inventaire, le crochetage, l’identification, l’alchimie (où grâce à des ingrédients vous ferez votre popote) ou encore les horaires des magasins sont pris en charge dans le jeu. Vous pourrez aller vous coucher après une bonne journée rondement menée dans l’auberge du coin, ou encore dans la maison que vous aurez achetée. Des possibilités qui renforcent le côté roleplay du jeu.

Un jour, je deviendrai fort !  

L’expérience va servir à augmenter vos caractéristiques (5 points à ajouter par niveau) et vos compétences (5 points par niveau). Il faudra réfléchir consciencieusement à leur répartition, car il n’est pas possible d’annuler vos choix faits. On retrouve le côté malhabile et archaïque de la gestion de l’interface. À noter que pour toutes les compétences de groupe (comme le crochetage ou le commerce), l’ordinateur tient compte de votre personnage le plus doué pour interagir et calculer vos chances de réussite. Vous n’aurez donc pas besoin de slalomer entre vos personnages et encore moins de créer en priorité un voleur dans votre équipe. Du coup, on spécialisera certains de ses petits membres, car on se rend compte que chaque compétence a sa raison d’être et peut avoir son importance dans le jeu. Appréciable et permettant moult stratégies, surtout pendant les combats. 

Malheureusement, la gestion de l’inventaire reste archaïque et les échanges commerciaux poussifs, même s’ils ont gagné en vitesse au fur et à mesure des patchs. Mais ils manquent encore de maniabilité. On ne peut par exemple pas équiper un objet acheté dans le menu de marchandage, et on visualise mal les prix des objets vendus ou à vendre tant que l’opération n’est pas faite. Tout comme la gestion des personnages est un peu malhabile : parfois lorsque l’on veut frapper, on se trompe et on perd son dernier point d’action. 

Enfin la musique, avec quelques parties orchestrales superbes et un solo de guitare sèche, accompagne parfaitement votre aventure. Couplée à des bruitages simples mais efficaces, on pourra dire que les développeurs ont fait un effort de ce côté là, et on se satisfait de l’ambiance générale qui ressort de ce jeu. Enfin le jeu est uniquement en anglais, et même si le niveau de langage est normal et compréhensible, on regrettera l’absence du français.  

Indiqué par ses concepteurs comme old school, inspiré des Final Fantasy ou des Ultima, Antharion propose une mécanique agréable qui plaira aux joueurs ne craignant pas ce graphisme tout droit sorti des consoles portables d’ancienne génération, donc pas franchement adulte. On regrettera le manque de maniabilité de l’interface et quelques menus défauts, mais les nombreux patchs sortis ont permis de régler un certain nombre de choses, ce qui le rend plus attractif et appréciable. Antharion mérite réellement l’intérêt des rôlistes que nous sommes, à condition de ne pas aimer crouler sous les règles complètes et compliquées d’une licence estampillée AD&D, et de le prendre pour ce qu’il est : un RPG simple, mais réussi. 

Note testeur 08 sur 10

La vision de Valandryl :
Jeu oldschool, Antharion regarde clairement vers les classiques des rpg des années 90, Ultima et consorts. Alors oui, dans le même genre visuel on a les jeux Spiderweb, mais au final ces jeux ne sont pas comparables. Antharion se veut clairement orienté exploration/dungeon crawling, là où Jeff Vogel met l’accent sur l’histoire et la qualité d’écriture (et l’exploration aussi, clairement).
Là, on est pris par le plaisir d’un jeu au gameplay simple mais efficace, où certes les guerriers n’ont pas de compétences, mais à l’époque c’était le cas et c’était très bien (souvenez-vous les Might and Magic, Baldur’s Gate, etc.).

Au final le jeu se joue à l’ancienne, il est fortement recommandé de sauvegarder toutes les 30 secondes, surtout avant de tenter d’ouvrir un coffre, il y a de fortes disparités entre les compétences, mais tous ces déséquilibres font aussi le charme des jeux rétro. Notez que la difficulté est plutôt bien dosée j’ai trouvé, chose pas toujours évidente sur ce type de jeux.

Niveau sonore, le jeu a une ambiance agréable, que je trouve, en extérieur, assez inspirée par un Morrowind.

Quel est le bémol ? L’aléatoire. Sur ce jeu, elle est notoirement bidonnée et quand le jeu affiche 80% de réussite sur une attaque, attendez-vous plutôt à 50%. Et on pourrait apprécier une carte globale, surtout dans les (nombreux) donjons.

Au final, le plaisir est là, comme si on découvrait un jeu des années 90 bien fait, qui se joue comme les vrais, qui tourne bien, et où l’on a qu’une envie en le quittant : y retourner.

L'archiviste
L'archiviste
Administrateur de RPG jeux vidéo. Très vieux Joueur depuis le siècle dernier. Testeur et rédacteur depuis 1999 de RPG, même les pires. Relecteur bénévole de traductions de nombreux jeux vidéos RPG. Ancien membre de RPGFrance et de Dagon's Lair.

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