La tradition veut que les jeux soient rangés par genre dans des grosses cases bêtes et méchantes. Et Warren Spector n’aimait pas ces cases qui lui paraissaient étouffantes. Il a donc, lui et sa clique, lancé un projet des plus fous : Deus Ex premier du nom, qu’on ne présente plus aux gens de goûts et qu’on devrait présenter aux futurs gens de goûts. Sorti le 22 septembre 2000, Deus Ex est un jeu hybride bien impressionnant, mi-FPS, mi-RPG, mi-Aventure, mi-Infiltration…

Vous le comprendrez aisément, cela fait beaucoup de demi-jeux et c’est un sacré bordel à définir. Alors, on lui a trouvé une case qui pète la classe, parce qu’il en fallait une : le Deus Ex-like. Suivra une suite peu glorieuse le 5 mars 2004, Deus Ex Invisible War tentera de séduire avec une approche du gameplay moins ouverte qui lui vaudra le rejet des fans et des autres. La licence se reposera sept ans, avant d’accoucher d’une préquelle réussie le 26 août 2011:  Deus Ex : Human Revolution. La série a donc redoré son blason et est désormais connue du grand public. Si bien que ce succès donnera naissance à un épisode sur portable et tablette. Directement moins sexy à l’oreille, Deus Ex : The Fall est arrivé il y a peu sur Steam… Que vaut ce portage d’une fausse machine de jeu à une vraie ? Voyons.

Si je te jure, 1080 pixels et autant de fps que tu veux, mon frère !

 Je vous rassure, et j’ai eu peur aussi. Deus Ex : The Fall sur pc profite bien des résolutions modernes, d’un anti-alliasing bouffeur de performance, on a l’habitude, et d’une synchronisation verticale très utile, car sans elle, le tearing découpe votre rétine. Et je ne plaisante pas, je suis un joueur console de base. La plupart du temps, et pour une fois, je dois bien avouer que j’ai ressenti une profonde différence entre l’absence et la présence de cette technologie.

Rayon des déceptions ? Plein de choses : pas de réglage des textures, pas de réglage des ombres, pas de réglage des effets volumétriques, occlusion ambiante absente… Je veux bien que les portages puissent être problématiques mais quand même, on les paye les dix euros pour un jeu portable, faudrait voir à les rentabiliser !Et il faut bien avouer que le rendu – évidemment inférieur à Deus Ex : Human Revolution – s’avère correct et particulièrement bien optimisé. Je tourne le plus souvent à 80 FPS avec anti-alliasing, bien plus sans, avec une machine plus que modeste.

Nulle crainte de ce côté-là, comparé à d’autres portages, Deus Ex : The Fall n’échoue pas… Pas trop, parce que j’aurais bien vu des textures plus jolies moi.Pour ce qui est de la jouabilité clavier, là aussi, on est rassuré. Le premier Août 2014, c’est à dire il y a très peu de temps, une mise à jour a permis de redistribuer les touches sur le clavier. Une formidable nouvelle pour ceux qui ne jurent que par le “combo superior” du clavier-souris. Les autres se rabattront sur la manette, évidemment reconnue, et le résultat s’avère très jouable dans les deux cas, pour le plaisir de tous. 

Attends, ça tournait vraiment sur portable ça ?

 Pour un jeu PC, le jeu n’est évidemment pas à la hauteur des standards graphiques de la machine car on ne s’attendait pas à une claque. Et pourtant c’est pas si repoussant. On s’étonne de voir la direction artistique toujours efficace, et des environnements réussis… Pour un jeu venant de si petites machines que les portables, la performance est plus que respectable, et le jeu n’est même pas laid une fois sur PC.

On pourra peut-être pester sur des animations ratées et sur une modélisation globalement mauvaise, mais bon, on joue quand même le clone de Jean Reno les gars. A partir de là on pardonne tout.Techniquement, le jeu est très bancal, mais le rendu global reste meilleur que Deus Ex : Invisible war. En fait, le jeu se situe visuellement entre le second et le troisième opus. Certains plans ressemblent d’ailleurs à s’y méprendre à Deus Ex  : Human Revolution, sacrée performance pour un appareil mobile, mais bien sûr beaucoup moins impressionnante pour un pc.Les musiques sont directement importées de son grand frère que je me lasse de citer.

Vous le savez certainement, mais ce sont des musiques absolument grandioses, composées par un Mc Cann plus qu’au sommet de sa forme, envoûtantes et mystérieuses. La simplicité des musiques est au moins égale à leur efficacité. Grandiose.Les bruitages sont les mêmes que sur l’épisode sur console de salon et PC. Et ils sont donc de bonnes factures. Un contraste évident s’impose par contre avec des doublages anglais franchement mauvais, sans conviction. Rarement juste, ils plombent des dialogues correctement écrits, sans être bons. 

Deus Ex The Fall… Mais plus encore ?

 Vous incarnez dans cette nouvelle aventure, non pas le classieux Adam Jensen, mais le correct Ben Saxon, alias Jean Reno. Ce n’est pas négociable, cet avatar est la représentation de Jean Reno en jeu vidéo, n’essayez pas de me contredire.Au début de l’histoire, durant un prologue surtout là pour servir de didacticiel simplissime, vous travaillez pour le compte des mercenaires que l’on connaît si bien de Deus Ex : Human Revolution, dont Rihanna, la réunion des célébrités se déroule dans ce jeu apparemment. Mais un événement assez brutal vous éloignera de ceux-ci.Je n’en dis pas plus, le spoil serait facile à faire.

Sachez juste que Deus Ex oblige, cela parle de complots, de transhumanisme, d’humain ou non; la question se pose une nouvelle fois et interpelle pas mal. Le jeu repose son intrigue autour de la neuropozyne, sujet intéressant et sous exploité chez son grand-frère.Placé dans la ville de Panama, le jeu nous fait explorer un univers toujours aussi noir et intéressant, cachant toujours son lot de secrets et de personnages crapuleux. L’intrigue, intéressante finalement, ne manque pas d’ambitions.

Elle laisse simplement à la fin un arrière-goût de « tu te fous de ma gueule ? ». Elle est aussi desservie par une mise en scène qui laisse gravement à désirer. Les plans de caméra sont souvent peu inspirés, les animations ridicules n’aidant pas. On se réjouit que le début de l’aventure soit riche en cut-scenes et enfin que la suite soit bien plus ouverte, permettant de mettre en avant un gameplay plutôt satisfaisant pour un Deus ex… portable… Oui j’annonce la couleur. 

Deus Ex : The Fail ?

 Ma plus grande peur était de voir le jeu se rétamer violemment sur son gameplay. Là encore, il semble qu’Eidos Montréal ait avant tout pensé à porter l’expérience Deus Ex sur portable, plutôt qu’adapter la licence au support. En d’autres termes, ce jeu est la parfaite illustration qu’un support limité techniquement n’empêche pas une certaine richesse. Mais, parce qu’il y a un mais, si la richesse est là, l’exécution est hasardeuse.

Le level-design, ici encore, fait son petit effet. Évidemment moins riche que celui de Human Revolution, du fait de la petite taille des niveaux, il se révèle suffisamment bien fichu pour permettre deux approches : l’infiltration, trop aléatoire et l’agressive, toujours bancale.Le level-design n’est pas à mettre en cause pour les défauts cités ci-dessus. L’IA en infiltration se révèle assez étrange, repérant le personnage s’il laisse sa tête dépasser de son couvert, mais ayant du mal à le repérer s’il se situe juste à côté d’elle…

On imagine que tous les PNJ ont un champ visuel très (très) réduit. L’IA garde aussi une grande agressivité et en combat, elle agit de bien étrange manière, pensant bien plus à allumer qu’à se déplacer. Pourtant la petitesse des niveaux ne l’empêche pas de rester plus ou moins cloîtrée dans son espace défini.Ce n’est pas tout, elle n’est pas aussi réactive que pour Deus Ex : Human Revolution, quoique l’IA du jeu cité ne soit pas une lumière non plus. Ici, c’est pire. Sûrement adaptée à l’ergonomie des tablettes et portables, il lui arrive plus ou moins fréquemment de rester plantée là à pilonner l’endroit où vous vous trouviez il y a deux minutes, juste le temps que vous contourniez l’adversaire pour lui coller une jolie tatane à l’aide des takedowns, toujours présents et toujours aussi stylés, complètement abusés et surtout incohérents, car ils mettent l’univers en pause.

L’équipement disponible pour le héros est étonnamment varié : arme lourde, mitrailleuse, fusil à pompe, taser, arbalète, pistolet, avec améliorations de ces équipements. Tout est surtout là pour assurer un arsenal conséquent d’équipements pour aborder les situations comme vous l’entendez. Discrétion : taser et arbalète. Violence : le reste de l’attirail. De plus, pour renforcer le côté personnalisation, sachez que vous avez à disposition un nombre conséquent d’augmentations, que vous pourrez débloquer en montant de niveaux ou en trouvant des kits de dynamisation en explorant des environnements qui recèlent quelques surprises. 


En effet, sachez que le jeu fonctionne de la même manière que son grand frère, battit autour d’un hub, « Panama », construit de plusieurs zones assez petites connectées par des temps de chargements heureusement courts. Le jeu révèle une exploration assez intéressante, même si le saut si cher à Deus Ex : Human Revolution a disparu, tout comme l’Iron Sight (pour ceux qui ne savent pas, c’est l’action d’aligner les organes de visée dans un FPS, Thief le FPS de 1998 en est le précurseur avec son fameux arc), donnant ainsi un certain sentiment de régression, le gameplay en gun fight évoque énormément Deus Ex premier du nom en termes de sensations.

Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle, mais bon, pas de miracle, ce côté était déjà raté chez son grand frère, ici c’est pire, les combats sont inintéressants, malgré tous les efforts pour faire varier l’attirail, ils se révèlent trop difficiles (la précision des ennemis est incroyable), et pas gratifiants, car à l’instar de l’épisode plus ambitieux de la série, ils ne donnent que peu d’expérience.Le piratage est de retour, toujours aussi riche et intéressant. Il permet de cacher pas mal de choses dans l’environnement du jeu.

Mais ici une chose déçoit, pas de vendeurs. Contre les fameux crédits, tout est accessible depuis le menu en jeu. Ce système, clairement pensé pour le portable avec de petites sessions de jeu (tout comme pour les niveaux relativement petits) donne un résultat de très fort mauvais goût sur PC. en effet, tout est accessible partout et vous n’avez pas à préparer votre équipement avant une mission. Vous pouvez remplacer les quatre armes que vous portez à tout moment ou encore acheter des accessoires…

Bref, mourir est dur, très dur, surtout si vous abusez des couverts. De plus, si vous usez du takedown, on frise alors le challenge zéro, sachant que le jeu n’intègre pas de mode de difficulté. Ça commence à faire beaucoup.Le système de dialogue est similaire au jeu dont il s’inspire. Le système de persuasion est toujours présent et efficace, avec même quelque choix à effectuer, et des répercutions toujours aussi minimes. On peut tuer les civils, et se battre contre les gardes… L’utilité ? Absolument aucune, mais dans votre folie meurtrière, vous dépeuplerez Panama, et récupérerez des crédits.

Aussi, il est à noter qu’il n’y a qu’un seul slot de sauvegarde. Honteux je suis d’accord, mais le jeu s’excuse en proposant une option de new game plus, permettant de s’éclater avec nos augmentations surpuissantes… Bon je vous l’accorde, c’est très gadget, et ces dernières sont toujours trop faciles à débloquer tout comme pour son grand frère. 


Et la durée de vie ? Eh bien, pour dix euros, vous aurez environ sept heures de jeux pour explorer totalement et faire les cinq quêtes secondaires, assez bien cachées. Le tout est assez distrayant mais souffre d’un manque de variété, un peu comme… bon, je pense que vous savez ce que j’allais dire. Mais les heures que vous passerez sur ce titre vous feront penser que vous jouez à un sous-Deus Ex. Même si ce n’est déjà pas si mal…

Pour un jeu “portable”, c’est tout le problème, il est plus cher que sur sa plateforme d’origine et propose le minimum syndical avec une durée de vie à peine satisfaisante et un gameplay trop bancal pour être gratifiant quoi que l’on choisisse. Pourtant, l’expérience n’est pas si mauvaise, si l’on est consent à fermer les yeux sur ses défauts, et que l’on a vraiment envie de se replonger dans un univers Cyberpunk : Deus Ex : The Fall peut proposer quelque chose de sympathique.

Médiocre ? Opportuniste ? C’est certain. Mais pas la purge à laquelle je m’apprêtais à jouer. J’ai passé un bon moment sur le jeu malgré tous ses côtés bancals, je n’ai pas eu trop de mal à les oublier, étant habitué à des jeux comme Alpha Protocol. Hélas, si le jeu est très correct sur portable, son fainéant portage sur PC le force à n’être qu’un produit destiné aux fans absolus de Deus Ex.
Avec son histoire intéressante, son ambiance plutôt réussie, une certaine liberté d’action, et un level design pas si mauvais, Deus Ex : The Fall peut prétendre à une présence sur votre bibliothèque Steam. Et il devient incontournable sur ses plateformes d’origines que sont le portable et les tablettes. D’ailleurs rajoutez trois points à la note si vous êtes sur ces supports.

Si vous souhaitez jouer au titre sur PC, prenez-le à moins de cinq euros pour minimiser les risques de déception.

+ C’est pas si dégueulasse, et c’est vraiment peu gourmand
+ Ça ressemble à Deus Ex : Human Revolution…
+ Histoire assez intéressante.
+ Une partie RPG assez présente.

Note testeur 04 sur 10

– IA à la rue à côté d’un marchand de fraise.
– .. Mais version bien inférieure.
– Portage du minimum syndical.
– Dix euros c’est quand même grave cher.
– La fin « je me fous de ta gueule ».

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