On vous avait longuement parlé de ce lieu de triste réputation. Antre de sorciers malfaisants, d’engeances démoniaques, de hordes de créatures gobelinoïdes. Certains prétendaient même que le lieu était hanté par les âmes des précédents aventuriers et héros ayant trouvé la mort dans de mystérieuses et atroces circonstances. Tout cela ne relevait pas de la légende ou du mythe. Tout ceci était bel et bien réel. La double porte en bois massif se voyait ornée d’un gigantesque crâne de bronze flamboyant, auréolé de branches de ronce.
L’endroit, fallait-il le souligner, glaçait le sang des plus valeureux. Mais pas le vôtre. Votre maître vous avait déjà enseigné toute la théorie sur l’exploration de donjons. Pas de quoi s’inquiéter donc. Il suffirait de mettre en pratique la théorie et tout se passerait bien, du moins le pensiez-vous avant d’entrer à l’intérieur de ce dernier. On vous avait dit que tout donjon commençait par un couloir au bout duquel se trouvait un croisement. Mais à peine aviez-vous fait quelques mètres que la théorie se barrait en sucette, car devant vous, un escalier plongeait dans les tréfonds de la terre, au cœur des ténèbres…
Vous êtes un Dungeonman et vous commencez à vous dire que cette histoire pue la merde. Et vous n’avez pas tort…

Dungeonmans ! Aaaaah quel plaisir d’avoir à parler de ce jeu. Moi, qui suis un rôliste de la vieille école, avec du papier, un crayon et des dés. Non pas dédé ! Le premier qui me parle de cochon, verra son personnage finir dans un cachot avec un lépreux ! « Mais quel est donc cette merveille vidéo-ludique, qui changera à jamais nos existences ? », me demanderez-vous. Pas d’inquiétude, jeunes disciples, car je m’en vais vous narrer les aventures trépidantes de mon expérience d’explorateur et nettoyeur de donjons. Quoi ? Des dragons ? Ah bas non, on n’a pas le niveau…

Comme un voyou !

Dungeonmans est un jeu créé par Jim Shepard et son équipe. Qui a dit Mass Effect ? Toi le gobelin vert au fond, tu sors et tu iras te faire fouetter !!! Insolent ! Il ne s’agit pas du commandant Shepard et du Normandy ! Que nenni, mes braves. C’est l’homme derrière Quake 4 ou bien Star Wars : The Old Republic. Avec sa petite équipe toute fraîche, notre bon Jim développe donc ce charmant roguelike à la sauce PMT. 

Nota Bene : PMT est l’abréviation de porte-monstre-trésor, un système de quêtes très connu par les vieux joueurs de D&D, qui consistait à ouvrir une porte, bâcher du monstre à tour de bras et récupérer les trésors, avant d’ouvrir une nouvelle porte et de recommencer. Cf HeroQuest.

C’est donc un roguelike, avec beaucoup de références au jdr papier. Mais n’allons pas plus vite qu’un viking pressé de trouver l’Angleterre. Commençons par le début. Dungeonmans se présente comme un jeu en 3D isométrique, mais pas la belle 3D iso de RPGmaker. Non, la vieille 3D isométrique de Final Fantasy 1. Pourtant, ce n’est pas déplaisant. C’est même plutôt attrayant et nous émeut d’une certaine nostalgie. Nous commençons le jeu par la création d’un monde aléatoire. Oui, la génération du globe, si tant est que le monde soit rond, se fait de manière aléatoire. Nous allons lui donner un petit nom bien à lui, puis entamer la création de notre personnage qui partira à l’exploration de ce monde.

Comme on est bien poli (Attention pas d’allusions phalliques !) on commencera par se présenter en donnant un nom à notre PJ. Ensuite, on choisira ses valeurs de caractéristiques, générées aléatoirement, parmi une liste de cinq tirages. Nous aurons ensuite le choix entre sept classes de personnages, chacune spécialisée dans un domaine précis, magie, arc, duel à la rapière etc.

On choisira ensuite deux dons, qui vont nous accorder des bonus, différents les uns des autres, et parfois certains malus. Enfin on terminera par le skin de notre PJ. Une fois toute cette procédure accomplie, nous entrons dans le vif du sujet. Nous sommes un jeune étudiant de l’académie des Dungeonmans, fraîchement diplômé, et nous devons explorer le monde, afin de trouver les trésors qu’il renferme pour faire fructifier notre académie et devenir ainsi un héros.

Je sais tuer un homme avec un seul doigt…

Oui un seul doigt ! Vous voulez savoir lequel ? Mon index droit. Bizarrement, c’est celui qui me sert pour faire des clics avec ma souris. Et oui, Dungeonmans peut se jouer avec un seul doigt ! Voilà des développeurs qui ont tout compris ! Pourquoi se cramer le cerveau avec des tas de touches et combinaisons dont on ne se servira pratiquement jamais ? Le jeu se joue au tour par tour. Chaque fois que vous avancez d’une case ou effectuez une action, vous effectuez un tour de jeu. Les ennemis bougent en même temps que vous. Quant aux PNJ dans les villes, ils ne sont pas soumis aux mêmes règles temporelles que vous. Ils se baladent comme ils le veulent. Rien à battre de votre tour par tour. Mais quel est le but de ce jeu ? Explorer des donjons ! Poutrer du monstre, looter des objets et trésors et gagner de l’XP ! Ah si ! Il vous faudra faire évoluer votre académie en trouvant divers artéfacts : livres, objets de valeur, œuvres d’art, etc. Elle est le bastion du savoir, centre du jeu et point central de votre évolution. C’est l’endroit qu’il vous faudra faire croître pour apprendre moults sorts et autres compétences pour faire évoluer votre personnage.

Quand je vous disais que nous n’irions pas plus loin qu’un HeroQuest, on n’est pas tombés loin. Mais derrière ce petit jeu se cache un je-ne-sais-quoi qui vous titille et qui fait que vous accrochez au jeu. Un sentiment de nostalgie peut-être ? C’est sûrement ça. Bon, inutile de dire que ce n’est pas la panacée, mais ce jeu a le mérite de reprendre de vieux codes des jeux de rôle papier, voire même plateau. Les chances de trouver des salles secrètes ou bien de faire des dégâts conséquents, tout cela sera géré par un système de jets de dés automatique. D’ailleurs, les descriptions de vos armes vous indiqueront si vous ferez 1D4+1 points de dommages, ou bien  2D8+4. Revenons-en à nos moutons, je vous prie. 

Notre personnage se déplace donc au tour par tour, case par case, et ce sans animation. En effet, votre avatar n’est qu’une image fixe représentant un glandu ou une glandeuse voyageant de par le monde. Notez qu’il en est de même pour tous les personnages de ce monde. Tout le jeu peut être géré avec un seul doigt, ce qui est génial pour tous ceux qui ont perdu un bras, mais on peut également user de différents raccourcis qui vous éviteront une luxation de l’index droit. Quel effet cela fait une luxation de l’index ? La même chose qu’un claquage au mollet après un entraînement de cinq minutes au badminton. Enfin, je présume…     

 T’as pas une torche pour y voir plus clair ? 

Mais pas besoin, je vais vous éclairer de mes savantes connaissances. En soi, Dungeonmans s’illustre grâce à son système de personnalisation d’avatar qui offre de vastes possibilités, malgré une interface ressemblant à la dentition d’un adolescent pourvu d’un appareil dentaire… La création de héros nous propose bel et bien de choisir un set de statistiques générées aléatoirement, certains étant simplement meilleurs que d’autres.

Puis de sélectionner une classe, mais pas d’inquiétude, nous ne serons pas cloisonnés. En effet, la route qui mène à l’évolution des skills de notre avatar sera plus ou moins libre. Chaque classe dispose de son propre arbre de compétences, renforcé par des sous-écoles plus généralistes. On pourra donc jongler entre les diverses compétences de chaque classe, à condition d’investir la quantité de points d’aptitudes nécessaire. Au fil des niveaux, un simple guerrier sera capable d’apprendre l’archerie, la magie, l’invocation de créatures, le duel à deux dagues, etc. Tout ceci n’est qu’une question de niveaux et donc de temps ! Et le temps sera votre pire ennemi !

En effet, plus ce dernier avancera, en même temps que votre xp, plus la survie de personnage sera ardue ! Les divers donjons disponibles ne resteront pas indifférents face à l’inexorable montée en puissance de votre héros. Certains donjons se rendront sans poser de question, estimant que vous êtes trop fort pour eux, tel Obélix débarquant dans un camp de romains. D’autres encore gagneront en puissance et chaque étage sera l’occasion de croiser des menaces renouvelées, plus puissantes, plus nombreuses et parfois accompagnées de champions, puis carrément du boss, souvent très énervé, de l’endroit. Agro agro !

L’évolution de la difficulté se fait donc très vite et très naturellement. Il va très vite falloir faire travailler vos méninges si vous voulez éviter d’agrandir le cimetière de votre académie. Comme souvent dans les roguelikes, la progression sera parsemée de grosses surprises capables de ruiner même le plus puissant des avatars et il faudra toujours se méfier du courage (ou de l’orgueil) qui accompagne une rapide montée en niveaux. On appréciera au passage la mémoire sadique du jeu, qui n’oubliera pas de vous rappeler que tel donjon dirigé par tel boss a déjà coûté la vie à votre précédent aventurier. De quoi nous motiver à revenir afin de nous venger, et surtout de laisser un deuxième cadavre à côté du premier.

Comme la plupart des roguelikes, Dungeonmans est sans pitié. Vicieux, fourbe, sournois et tricheur. Un peu comme votre Maître de Jeu de D&D 3.5 ou de Warhammer JDR. Il en arrive même parfois à être rageant, mais l’envie de recommencer après chaque décès est présente, preuve que la formule arrive à faire une bonne mayonnaise. Le rapport entre le jeu et la mayo ? Aucun !

Oh, c’est de l’art ça ?

Difficile de ne pas remarquer ces graphismes à vous défoncer le crâne avec une petite cuillère. Mais rappelons que le projet, financé par Kickstarter, ne demandait pas une somme faramineuse. Seulement 30.000 $. À ce prix-là, vous aurez le toit et les murs. Et encore, parce que c’est du préfabriqué, mon bon monsieur. 

Sans rire, même avec RPGmaker on fait des choses plus abouties que cela. Mais malgré le graphisme proche d’un dessin de ma fille de quatre ans, il faut reconnaître que le tout est très harmonieux, très coloré et qu’on a le droit à de belles animations de combat pour ce qui est des sorts, des compétences et bien d’autres.

N’ignorant pas son propre délit de faciès (rappelons que nous avons comparé cela à la dentition d’un ado portant un horrible appareil dentaire), Dungeonmans arrive à compenser son manque d’esthétique par son humour. Comme me disait ma tante, si tu veux emballer une fille et que t’es pas un beau gosse, t’as pas d’autre solution que d’être drôle et d’avoir du bagout. Ou bien avoir du pognon, mais on appelle ça du racolage… Hum hum…

Malgré son univers heroic fantasy générique, le jeu décide de prendre en dérision tout ce qui fait la fantasy classique, depuis la création de personnage jusqu’à son décès. L’humour n’est pas une chose facile à exploiter, surtout quand on vous en sert au petit déjeuner, puis à midi, à quatre heures, et enfin au dîner… Une longue journée pour un hobbit. Certains jeux en ont parfois abusé jusqu’à la nausée (de l’humour ! Pas du hobbit ! Bande de pervers !). Comment peut-on avoir la nausée d’humour ? Bah prenez Franck Dubosc, regardez en boucle l’un de ses spectacles et si à la fin du cinquantième visionnage vous vomissez des arcs-en-ciel, c’est gagné !

Dungeonmans ne s’en tire pas trop mal de ce côté, en maintenant une approche globalement absurde sans faire d’excès. Après une petite dizaine d’heures de jeu, on ne peut pas dire que cette lassitude ait eu le temps de s’installer et, si l’on ne se roule pas au sol toutes les cinq minutes non plus, le jeu parvient à rester occasionnellement drôle sans pour autant en faire des tonnes. Les dialogues sont inévitablement grotesques sans pour autant perdre leur intérêt informatif, la description des objets se moque forcément des habitudes installées par des années de jeu de rôle et même le bestiaire tourne en dérision les créatures de la culture populaire du milieu.

Les artwork sont plus beaux que le jeu… C’est normal, docteur ? 

Bon, à tout cela, il faut ajouter le fait que tout ce que vous aurez entrepris avec votre héros ne sera pas perdu. Grâce à votre académie, si vous aviez débloqué des améliorations d’équipement auprès du forgeron, vos futurs héros en bénéficieront. Il en ira de même pour les villes que vous aurez aidé à se développer. Cela permet de relâcher le stress du genre roguelike, où mort est synonyme de fin et d’éternel recommencement. C’est un point important qu’il faut souligner et ajouter au crédit de ce dernier.

Dungeonmans est un excellent jeu pour se divertir et passer quelques dizaines d’heures dessus de temps en temps, en se fendant d’un sourire au coin de la bouche. Il reste néanmoins un roguelike, et il est inutile de dire que ce n’est pas le jeu sur lequel on passera plus de 200 heures pour tout collectionner. Néanmoins, il a l’avantage de reprendre certains codes des vieux JDR, de tourner en dérision la fantasy, et d’avoir un gameplay léger mais efficace.
Le jeu mérite allègrement de faire partie de votre bibliothèque Steam, mais pas pour 15 euros. Cela fait assez peu, mais au vu du contenu qu’il affiche, attendez plutôt les soldes d’été. En tout cas, je me serai bien marré avec lui, pendant plus de trente heures.

+ Un jeu difficile et tactique
+ Des maps générées aléatoirement
+ Des codes de JDR papier Oldschool
+ Un humour dosé

Note RPG 2 sur 5
Note testeur 06 sur 10

– Des graphismes qui piquent les yeux
– Un background pas ou peu développé
– Gameplay limité et répétitif

La vision de Killpower :
A l’instar d’un Tales of Maj’eYal, Dungeonmans nous propose un roguelike complet avec univers et donjons. Pourtant moins riche que ce dernier, Dungeonmans est plaisant avec son univers 2D avec tilesets et je l’ai trouvé plus simple. Ce roguelike est centré sur l’Académie, lieu qui restera votre préoccupation principale confronté à la haute mortalité de vos héros qui se succéderont mais apporteront leur pierre à l’édifice et permettront à leurs descendants plus de facilité. L’univers propose de nombreux clins d’oeil à d’autres jeux et surtout une envie d’avancer. Personnellement, je le classe parmi mon Top 5 des roguelikes qui peut être conseiller au débutant, même s’il est tout en anglais.
08/10

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