Je t’ai vu Wasteland 3. Je t’ai vu et promis juré frère, on va partir en vacances ensemble maintenant que tu es passé chez le mécano’ pour qu’il corrige le gros de tes problèmes techniques, maintenant arrête de me coller à la jambe, tu as giclé de l’huile sur mon futal. Franchement c’est dégueulasse tu pourrais apprendre à…
… ah merde, je crois qu’on est sur le test d’un autre jeu. Et qu’on peut me lire… reprenons :
Oui, oui je sais, We Happy Few et Haven, c’est un peu abusé. On pourrait presque croire que l’on est plus sur RPG France, mais c’est pas tout à fait de ma faute : si les développeurs pouvaient prendre des cours avec moi pour prof afin d’enfin piger ce qu’est un RPG, on serait épargné du fichage de nombreux titres. On est bien tous d’accord que c’est Mass Effect 2 le premier simili-RPG qui a foutu le bordel, hein ?…
… hein les gars ?

Y aura t-il seulement l’ombre du contour du reflet d’une structure dans ce test !?

Haven est le quatrième jeu des français de chez The Game Bakers “We make games like we make food. With a lot of love.” Non, ce n’est pas le slogan foireux d’une corporation dans The Outer Worlds ni même le slogan nouvelle génération de Black Isle Studios (repose en pièces) mais bien le slogan du studio français. Si le nom vous est familier, sachez que c’est normalement le titre Furi qui devrait vous venir en tête, un jeu de boss rush / action furieux plutôt excellent dans lequel le game designer Emeric Thoa et les compositeurs : Carpenter BrutDangerThe Toxic AvengerLorn et j’en oublie m’ont particulièrement fait rêver.

Mais on est pas là pour faire l’historique de la structure, même si on retrouve Emeric Thoa dans son rôle de game designer et Danger seul à la musique, Haven est une création un brin différente. Ô trois fois rien, on passe juste d’un boss rush nerveux à la musique dont les seules sonorités pourraient provoquer l’épilepsie, à un jeu d’aventure / RPG / tour par tour détente très épuré en mécaniques avec une bande sonore plutôt détendue elle aussi.

Si vous vous demandez les raisons de ce grand écart créatif, sachez que je n’en sais rien, mais je pense qu’il y a surtout chez Game Bakers cette volonté de s’essayer à d’autres genres et de se mettre en danger en ne se reposant pas sur une formule ou même un moule et continuer de laisser libre court à la créativité. Donc on va épiloguer sur le cas Haven qui est un jeu très spécial du début à la fin et qui mérite son petit avertissement avant que vous lisiez la suite :

Il s’agit d’un jeu explorant l’intimité d’un couple de jeunes adultes perdu sur un monde vierge de toute civilisation, dans lequel ils vont apprendre à vivre par eux-mêmes après une vie dans une société pour le dire : assez peu libérale.


Si rien que ce descriptif vous rebute, sachez aussi que Haven ne se veut pas difficile et s’avérera aussi fatalement assez répétitif et l’assume totalement, parce qu’au-delà des mécaniques de jeux, c’est surtout l’aspect visual novel qui caractérise l’oeuvre de Game Bakers.

Vous êtes toujours chauds ?

Allons-y.

Donc tu vas vraiment garder cette introduction ?

Commençons par le sujet le plus neutre du jeu, sujet sur lequel il sera difficile de diviser les foules. Développé via le moteur Unreal Engine 4 qui est désormais le moteur que l’on retrouve partout, de l’indépendant aux AAA, Haven est plutôt mignon. Alors certes, ce n’est pas un foudre de guerre, mais le jeu affiche quelques jolis effets, de belles modélisations et une réalisation globalement adaptée à une direction artistique qui rappelle le style visuel de Furi, inspiré notamment des mangas.

Niveau performance, le jeu étant relativement peu gourmand et disponible sur Xbox Series / One ainsi que sur PS5 et Windows, vous ne devriez pas rencontrer de soucis techniques. Pour ma part, j’ai préféré jouer au jeu sur ma Series X et ma One X (Ah… les choix de noms de Microsoft…) et je n’ai rencontré pour ainsi dire qu’une chute de framerate notable, le reste étant d’une finition impeccable faisant honneur au studio qui avait aussi livré un Furi très bien terminé.

C’est plus sur le champ du son que j’aurais des choses à dire. Si le jeu souffre peut-être un peu de la relative pauvreté des décors et leur manque de variété, c’est aussi un peu le cas des musiques. Mettons-nous d’accord : j’adore Danger, et sa composition sur Haven frise le parfait à mes yeux, je réécoute fréquemment les pistes. Seulement, Haven est un jeu constamment en musique, sans silence, et les pistes sont des boucles. Bref, vous n’aurez pas besoin d’écouter la bande son hors du jeu pour connaître une partie des pistes par coeur. C’est un souci car les pistes sont bonnes, mais de base très entêtantes, donc très vite, vous en serez gavé.


Ce constat est d’autant plus dommage que les bruitages et les doublages sont eux très bons et sont bien intégrés et moins envahissants que la musique. L’harmonie sonore générale aurait pu être parfaite avec un sound designer qui aurait pu mieux découper les musiques et les intégrer de manière plus dynamique à l’exploration du jeu, à la manière d’un Olivier Derrivière sur The Technomancer ou GreedFall. Je m’étends sur le sujet, car c’est pour moi un point très dommageable, il est pour moi rare qu’une réelle excellente bande sonore soit au final sabotée par une trop grande exposition et répétition des pistes.

Toujours sur le plan de la réalisation sonore, je tiens à saluer la performance des comédiens de doublage et notamment ceux jouant nos deux protagonistes principaux (Yu et Kay… Putain vous auriez pu trouver plus génériques comme noms ?) qui délivrent une performance extrêmement nuancée… D’autant plus nuancée que ce qu’on leur demande de jouer n’est pas simple. Je parle de jeu parce que clairement, donner vie à une relation de couple est extrêmement complexe lorsque la seule chose que vous avez à votre disposition, c’est votre voix et vos intentions. Poutant, les nuances émotionnelles sont parfaitement rendues et les voix s’accordent à merveille au profil des deux personnages.

Vous n’échapperez pas à quelques moments de “malaises” dans la relation, car c’est une romance établie, mais aussi une romance adolescente avec son lot d’échanges un peu embarassant. Mais la volonté des comédiens de jouer à 100% la partition parfois bancale de l’écriture générale, donne finalement un rendu très vivant et authentique aux voix, et notamment à leur timbre assez chaleureux.


Si j’ai choisi de prendre ces deux illustrations pour présenter le delta du ton usé par le jeu. On est constamment dans une tension dans le récit du jeu : tension face à l’angoisse de ne pas s’en sortir seul sur ce monde éloigné de la civilisation, et tension classique de couple avec des sujets qui divisent, ceux qui rassemblent et les inévitables tensions sexuelles. Le jeu n’est en effet pas avare en termes de remarques sur le physique du couple, ou les deux commentent ce qui plaît chez l’autre, manifeste leur appétit sexuel de manière très ouverte. C’est une alchimie complexe que de réussir à évoquer ce sujet sans tomber dans le graveleux, et Haven s’en sort en allant parfois à fond dans le commentaire physique et notamment sur la zone basse du dos.

Vous aimez les culs ? Le couple de Yu et Kay parle très fréquemment de leur boule. Sans déconner, le sujet revient plusieurs fois dans le jeu, au point d’être un refrain aux échanges du couple dès qu’il commence à évoquer la sexualité. On sait où on est : dans l’intimité de leur relation, et le thème des ébats n’est clairement pas un point qui est esquivable car il fait partie d’une des dimensions de leur couple. Maintenant toute la question est sur la mesure : est-ce que c’est acceptable pour vous que le récit se penche à ce point sur l’intimité et mette au final si peu en avant les “vraies problématiques” traditionnelles d’un récit de jeu vidéo ?

Parce que le “grand enjeu” de Haven, c’est la relation du couple. Comment ils tiennent ensemble ? Comment s’aiment-ils, comment se construit le quotidien, comment ils occupent l’ennui, comment ça se passe au pieu, tout ça, en passant par les émois de chacun, leurs centres d’intérêts, vous en saurez beaucoup sur le couple que forment Yu et Kay. Est-ce que c’est inintéressant ? Certainement pas, est-ce que c’est mieux qu’un récit traditionnel qui se serait servi de la relation comme d’un levier dramatique amplifiant les enjeux jugés plus “importants” comme la fin du monde ou autre plaisanterie ? Je ne pense pas. J’ai personnellement apprécié la relation dépeinte dans le titre et je pense l’avoir d’autant plus apprécié qu’elle vient avec les petits malaises du quotidien et les petites sorties “grasses” que l’on peut avoir chacun dans notre vie de couple.

Voilà, l’histoire de Haven est plutôt solide. Mais sachez que le coeur de celle-ci, c’est la relation de couple.

Mais comment ça se joue Marcheur ? Donne-nous quelque chose de concret !

Il faut vraiment que je refasse l’éducation du moi qui écrit les sous-titres, ça va plus du tout.

Haven est comme vous vous en doutez vu l’introduction, un jeu d’aventure narratif avec des éléments de jeux de rôle. De très légers éléments de jeux de rôle émaillent les mécaniques de jeu de notre bon ami ici présent. Répondant présent nous trouvons : un système de dialogue à choix, quelques mécaniques d’évolutions du couple et leurs capacités, des combats au tour par tour avec gestion de statistiques, quelques éléments de jeu de survie immergeant le joueur dans l’univers, on y trouve même un hub où l’on peut dormir et approfondir la relation entre les deux personnages.

Alors listé comme ça, on pourrait presque croire que c’est riche tout ça. Dans les faits, tout est très superficiel, pas de gestion d’équipements à part quelques consommables, l’aspect survie est limité à un peu de récolte d’ingrédients et d’énergie qui ne vous ralentiront que peu dans votre exploration. Au mieux, vous serez forcé de revenir à votre hub toutes les 5 à 6 zones explorées ou vidées de leur contenu.

Aussi, le système d’évolution ne compte que 7 palliers, et au final, les mécaniques permettant de régénérer votre santé tournent autour d’une poignée d’objets de soin et les plats que vous pourrez déguster sont en nombre important, mais n’ont pas tant d’incidences sur le gameplay.

Et le gameplay, parlons-en concrètement. Vous allez glisser. Glisser à ne plus savoir qu’en faire. Il y a trois modes de déplacement dans Haven : la marche (peu utile sauf pour s’immerger dans l’univers) la glisse (avec des bottes rendant possible la glisse dans les airs grâce au “flot”, traînée énergétique permettant de s’envoler) et un dernier moyen dont je ne spoilerai rien. Sachez en tout cas qu’à part explorer, vous aurez aussi quelques combats au tour par tour fonctionnant sur deux attaques, une protection, et une “purification” afin de libérer les ennemis de leur corruption après les avoir vaincus.


C’est creux. Pas totalement inintéressant, assez dynamique, mais les combats sont relativement tranquilles et sans grand challenge. Ils sont heureusement assez peu nombreux au début du titre, mais le sont presque trop dans la fin du jeu. Ce n’est pas le coeur de la proposition, mais quelque part tant mieux, parce que c’est dans toutes ses petites interactions avec l’environnement que le titre tire son épingle du jeu (les différentes animations lorsque vous ne “jouez plus”, les caresses qu’on peut administrer aux différentes créatures).

Mais au final, ce n’est pas vraiment en jugeant chaque aspect d’une oeuvre indépendamment des autres que l’on fait une “bonne” critique à mes yeux. Le but est de s’assurer que tout ce qui est présent est cohérent avec l’orientation globale du projet, et en ce sens, Haven touche du doigt la perfection. Cela ne veut pas dire que le jeu est parfait : loin de là, la monotonie pouvant poindre le bout de son nez assez rapidement, mais il développe son idée de manière cohérente et conscient de son objectif du début à la fin.

Le dernier né de Game Bakers, Haven, ne laisse pas indifférent. Pas loin de parfois chercher la merde avec certains choix notamment d’écriture, il souffle fréquemment sur les braises de sujets sensibles pour souvent provoquer chez le joueur quelques malaises. Pourtant, derrière ce qui pourrait facilement devenir du “voyeurisme”, se cache l’assez noble volonté de vous faire découvrir une relation de couple de la manière la plus “complète” possible. Si vous n’avez pas peur d’un récit aux enjeux terre à terre évitant comme il peut de ne pas tomber dans le grand guignol quitte à parfois paraître un peu plat et monotone, Haven n’en demeure pas moins une œuvre très intéressante et cultivant une différence rafraîchissante.

+ Plutôt joli
+ Deux protagonistes attachants
+ Une expérience très reposante
+ Glisser c’est grisant
+ Sait quand s’arrêter

Note RPG 2 sur 5
Note testeur 07 sur 10

– Tout de même bien répétitif
– Le gameplay est riche en mécaniques, toutes superficielles
– Peu de variété au niveau des environnements
– L’écriture assez inégale

– Confond parfois

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