Les dredges étaient trop nombreux, et la caravane n’aurait jamais pu s’en sortir seule. Prier les dieux n’aurait rien changé à l’affaire, car ces dieux-là sont mort il y a longtemps. Même le soleil a arrêté sa course, et l’hiver semble sans fin. Non, j’avais besoin de guerriers, capable de manier une hache et de brandir un bouclier, qu’ils soient homme ou Varl. Non pour vaincre, mais au moins pour gagner un peu de temps, pour protéger le reste du convoi, ses femmes, ses vieillards et ses enfants. Si j’avais su … Je l’avais pourtant à l’oeil, lui et ses comparses. Des hommes durs sans aucun doute. Mais des hommes sans foi ni loi ? Non, du moins c’est ce que je croyais. Et désormais, voilà mon châtiment, ma punition pour avoir été si naïf. Des corps gisant désormais sans vie, teintant la neige immaculée d’un rouge sombre. J’ai à peine eu le temps de les pleurer que déjà le froid les ronge, à moins que ce ne soit les ailes noires des corbeaux. 

Bref, vous l’aurez compris, je suis dégoûté et j’ai grave les boules. Rare sont les divertissements – qu’ils soient des jeux, des films, ou des livres – à m’avoir fait ressentir autant d’émotions, à m’avoir scotché à mon écran de la sorte. Rien que pour ça, The Banner Saga est déjà une bonne claque. Vous voulez en savoir plus ? Suivez le guide, aujourd’hui, c’est gratuit.

Créé par trois anciens développeurs de BioWare qui ont depuis fondé Stoic Studio, ce RPG tactique se déroule dans un univers médiéval-fantastique très inspiré de la mythologie nordique. Point de Loki ou de Thor en revanche, car les créateurs ont pris soin de créer tout un univers, avec ses propres lieux, ses propres divinités et ses propres peuples. Si les humains sont vêtus comme des Vikings et voyagent en drakkar, ils côtoient pourtant des Varls – des géants cornus plutôt costauds. Face à ces deux peuples – qui depuis des lustres entretiennent la paix malgré leurs différents – se dresse une armée de noirs guerriers, les Dredges, qui avait autrefois été vaincus et repoussés dans les vastes terres hostiles du nord.


Le jeu commence de manière assez abrupte. Une cortège de Varls se dirige vers la cité humaine de Strand – place forte que certains joueurs ont déjà pu découvrir dans le spin-off multijoueur The Banner Saga : Factions sorti il y a quelques temps. Sur les lieux, tout n’est pas au beau fixe puisqu’un groupe armé tente de faire tomber le jarl du coin par la force. Ce premier affrontement fait office de tutoriel et permet au joueur d’en apprendre un peu plus sur le système de combat.

The Banner Saga dévoile alors une de ses multiples facettes et se présente comme un RPG tactique. Chaque combat se déroule dans un décor, une arène de bataille pourrait-on dire, où le terrain est quadrillé. Les deux forces en présence – le joueur et ses ennemis – jouent au tour par tour et chaque troupe est constituée de différentes unités. Premier constat, et contrairement à bien des RPG Stratégiques occidentaux, les membres de notre armée sont tous des personnages travaillés, rencontrés au fil de notre aventure, et non des soldats lambda.

Les amateurs de Tactical japonais penseront irrémédiablement à Fire Emblem et ils n’auront pas tort. Chaque personnage possède une personnalité qui lui est propre et qui se dévoile au fil de l’aventure. Cela se retrouve également au niveau des fiches de personnage, assez classiques de prime abord … De prime abord je dis bien, car Stoic s’est creusé les méninges pour développer un système de combat original.


Ici, chaque personnage a deux jauges principales qui évoluent au fil de l’affrontement : la force et l’armure. Classique, mais leur implémentation l’est beaucoup moins et révolutionne – oui, et je pèse mes mots en plus – complètement le concept. Les points de force représentent en effet à la fois la vie de notre personnage, mais aussi sa capacité à asséner des roustes aux ennemis. Cette jauge va de paire avec l’armure. Pour pouvoir entamer la barre de vie d’un adversaire, il faut que la force du personnage dépasse la jauge d’armure de l’unité ciblée.

Le total des dégâts assénés sera alors égal à la différence entre la force de l’attaquant et l’armure du défenseur. Ainsi, un personnage blessé est non seulement en difficulté car il risque de mordre la poussière d’un moment à l’autre, mais en plus il est moins efficace en combat. Un personnage vaincu n’est d’ailleurs qu’inconscient et sera, à la fin du combat, à nouveau opérationnel – mais affublé d’une ou plusieurs blessures qui réduisent sacrément son efficacité.

Dans tous les cas, il faudra veiller à s’attaquer aussi à la jauge d’armure des ennemis. Et pour ça, il y a une caractéristique spécialement prévue dans la fiche de personnage. Comme je le disais, les personnages rencontrés au fil du jeu sont très différents et cela se ressent dans les combats. Même si deux personnages peuvent sembler avoir le même rôle, par exemple en ayant tous deux le moyen de bien entamer les armures, ils ont également des capacités uniques, utilisables en combat grâce à une ressource appelée la volonté (Willpower, comme Killpower mais sans le kiki). Là encore, la fiche de personnage vient définir combien de points dispose chaque unité mais aussi combien elle peut en utiliser pour ses actions. Et cette ressource, bien que limitée, est très précieuse. Elle permet d’une part d’utiliser des pouvoirs spéciaux propres à chaque personnage mais aussi d’accentuer les effets d’actions plus ordinaires. En consommant plus ou moins de points de volonté d’un personnage, nous allons pouvoir par exemple le faire avancer d’autant de cases supplémentaires, ou infliger plus de dégâts.


D’apparence simples, les batailles sont en réalité bien plus complexes et proposent  bien des approches. Sans compter que l’on doit choisir parmi ses héros lesquels d’entre eux prendront part ou non aux combats. Les ennemis ne manquent quant à eux pas de ressources, en disposant également de capacités spéciales inédites et étant animés par une IA performante. Finalement, le système de combat se révèle être excellent sur bien des points et je dirai même plus, extrêmement cohérent avec l’univers : avant d’entailler la chair, il faut entamer la cotte de maille et percer les défenses adverses.

Pour autant, tout n’est pas encore optimal. Les personnages peuvent grimper de niveau, lorsqu’ils ont réussi à achever un certain nombre d’ennemis. Ils ont alors une “promotion”. Contre un certain montant de points de “renom”, le joueur peut choisir d’augmenter le niveau du personnage et ainsi ajouter quelques points à ses caractéristiques, mais aussi lui permettre de porter des objets plus intéressants. Le souci, c’est que certaines unités font clairement office de soutien et ne sont pas destinées à achever les troupes en combat.

Vous comprenez alors qu’il est bien plus difficile de les faire progresser que des monstres du corps-à-corps. Les rôlistes que nous sommes pourront aussi déplorer l’évolution assez limitée des personnages. Cinq promotions – et donc niveaux – sont débloquables au maximum, et chaque personnage ne peut s’équiper que d’un seul objet : il faudra faire des choix. Finalement, c’est bien dans la composition de son équipe que le joueur peut vraiment s’éclater, optimiser son escouade et utiliser du mieux possible la compétence spéciale propre à chaque personnage. 


The Banner Saga est déjà un chouette jeu tactique, proposant un vrai challenge, un système original et des combats qui demandent au joueur de se creuser un peu les méninges s’il veut limiter la casse – ou même tout simplement triompher dans certains cas. Mais si je vous disais que The Banner Saga, c’est bien plus que ça ? Vous ne me croiriez pas ? Attendez de lire la suite.

Car oui, à mes yeux Stoic fait preuve d’une insolence folle. Les combats ne constituent en effet qu’une facette de leur premier jeu solo. Et comme le titre l’indique, c’est une véritable saga épique qui nous est contée. Peu de temps après ce début de prologue riche en empoignades et distributions de bourre-pifs, et après avoir rencontré quelques uns des protagonistes, le joueur est propulsé à l’autre bout du continent et fait la rencontre de deux humains, Rook et sa fille Alette.

Ici aussi, les Dredges se sont réveillés et s’approchent en masse des territoires civilisés. La seule solution viable est la fuite et, ni une ni deux, une caravane se lance à corps perdu sur la route, dans l’espoir de distancer les noirs guerriers de pierre. Durant de nombreuses phases de jeu, le joueur est placé en position de spectateur plus qu’acteur. Sous ses yeux défilent les étendues glacées, et il suit à tour de rôle l’une ou l’autre des caravanes.

Ces phases de voyages ne sont pas pour autant inintéressantes, bien au contraire. Régulièrement, des événements scriptés ou aléatoires viendront perturber la progression de la caravane. C’est alors au joueur de prendre une décision, qui peut avoir un impact positif ou négatif sur le moral de la troupe, sur son renom ou sur ses réserves de provision.

Car une caravane comme celle-ci est amenée à évoluer. Sur le petit groupe au départ composé de Varls et de guerriers humains mais aussi de femmes et d’enfants, viendront se greffer ou non d’autres personnes au fil des rencontres. Parfois aussi certains décideront-ils de partir. Dans tous les cas, il faut nourrir tout ce petit monde. Chaque jour passé sur la route consomme plus ou moins de rations en fonction de la taille de la horde.

Il est possible de refaire des provisions à certains villages sur la route, mais on ne sait vraiment jamais sur quoi on va tomber. Pour acheter de la nourriture, le joueur va devoir puiser dans sa réserve de renom, qui est la même ressource que celle gagnée en combat et qui sert aussi à faire évoluer ses personnages. Il faudra donc savoir jouer sur ces deux tableaux distincts sous peine de manquer de provisions ce qui pourrait avoir de terribles conséquences, notamment sur le moral de la troupe.


Le moral de la troupe est une jauge symbolisée à l’écran par un portrait de Viking, traduisant l’humeur de la caravane. Cette jauge vient directement influer sur le total de points de volonté avec lequel les alliés démarrent un combat. Une troupe avec le moral au fond des chaussettes aura par exemple un malus de volonté, qui est pour rappel la principale ressource utilisable en combat, pour les actions spéciales notamment. Pour autant, rassurez-vous, il est possible d’améliorer le moral de la caravane en faisant un petit break et en se reposant : on vient alors taper un peu plus dans les réserves de nourriture pour restaurer tout le monde.

Sur le papier, c’est simple comme bonjour. Tant qu’on a de la bouffe, il n’y a pas de souci. Mais The Banner Saga ne se passe pas chez les bisounours, non. Stoic a réalisé un excellent travail sur le plan narratif et tout un tas de péripéties viendront perturber vos plans, et ce de manière très crédible. Un traître dans la caravane, une attaque de pillards, un village peuplé de gens peu avenants…

Vous comprendrez bien vite que le joueur peut essayer tant bien que mal de se préparer, d’anticiper, mais qu’il n’aura jamais toutes les cartes en main. Il peut potentiellement se prendre une grosse baffe dans la tronche, là où il s’y attend d’ailleurs le moins, et au moment où, ben c’est vraiment mais alors vraiment pas le bon moment … surtout que dans The Banner Saga, aucun personnage n’est à l’abri.  

Outre les décisions à prendre pendant le périple, des phases de dialogues imposées ou non viennent également ponctuer l’aventure. Tous sont intéressants, car ils permettent au minimum d’en apprendre plus sur le background du jeu ou les personnages qui sont au passage très variés et travaillés. Même les plus antipathiques ont une personnalité suffisamment développée et complexe pour que jamais on ne tombe dans le travers d’une dualité bon/mauvais – qu’on retrouve finalement dans bien des RPG.

Parfois, souvent même, ces dialogues vont plus loin que la simple discussion et de lourdes décisions sont à prendre – comme durant les phases narratives. Et dans ce cas, il n’y a rarement de bonnes ou de mauvaises réponses, juste des choix pour tenter de limiter la casse. La fuite en avant des héros est certes un principe éculé mais il fonctionne à la perfection ici. Le joueur est constamment sous pression, qui plus est avec des réserves qui fondent à vue d’oeil, et chaque décision est d’autant plus difficile à prendre.


En parlant de background, il faut à tout prix jeter un oeil sur la carte du monde, magnifique au demeurant. Du simple bosquet aux dorsales montagneuses, en passant par les estuaires, tous les lieux sont décris et ont leur propre histoire. De ce vaste territoire, les deux caravanes n’en traversent qu’une petite partie, ce qui représente pourtant déjà périple d’une douzaine d’heure de jeu. On se rend compte que le monde créé pour l’occasion est encore plus complexe et fouillé que la petite partie dévoilée, de quoi déjà donner des idées pour la suite.

Par son système de combat novateur et sa narration d’exception couplée à un paquet de choix cornéliens, The Banner Saga a déjà de très gros arguments pour séduire les rôlistes. Mais il reste un aspect que je n’ai pas évoqué : la réalisation. Les vieux de la vieilles, je les vois venir avec leur refrain sur les graphismes. Et pourtant… Loin d’être le nouveau benchmark pour les cartes graphiques, loin de mettre à genou votre PC de compet, The Banner Saga tutoie selon moi la perfection visuelle. C’est bien simple, il n’y a aucune différence entre les magnifiques premiers artworks dévoilés à l’époque et les graphismes du jeu. Une prouesse que très peu de jeux arrivent à égaler.

Le style visuel rappelle celui d’Eyvind Earle – qui a travaillé chez Disney, notamment sur La Belle au Bois Dormant – et c’est d’ailleurs une référence des créateurs. A condition d’adhérer au style, vous trouverez forcément le jeu beau à pleurer. En tout cas, je suis mille fois conquis. Les plaines pourtant désolées regorgent de détails, et chaque nouveau paysage est un nouveau tableau, comme une partie d’une immense fresque sur laquelle se dessine, petit à petit, cette immense saga.

Les personnages ne sont pas en reste, avec un style rappelant certaines pointures de la BD – un petit côté Thorgal ou Siegfried d’Alex Alice . Le character design fait des merveilles et contribue à rendre les dialogues encore plus intéressants. Comme quoi, pas besoin de millions de polygones pour faire un beau jeu, et un beau RPG, c’est mieux qu’un RPG moche, na !

J’allais presque oublier le travail titanesque fourni par Austin Wintory – compositeur maintes fois primé pour son travail sur Journey. La bande-son du jeu est en effet parfaitement adaptée. Tantôt mélancolique, tantôt vibrante lors des combats, la musique participe énormément à l’ambiance. Cela provient en partie de l’excellent travail de mixage effectué. Différentes pistes ou extraits sonores sont joués en accord avec la situation. Plusieurs fois, alors que le moral de mon convoi était tombé au plus bas, la musique s’était comme arrêtée ou faite très discrète. Le périple parait alors d’autant plus pénible, et l’ambiance n’en est que plus pesante. A l’inverse, dans certains combats et alors que la chance sourit – enfin – à mes guerriers, la musique reprend tout à coup de l’ampleur, comme pour les soutenir.


Bon, je récapitule. On a pour le moment : un système de combat original et bien fichu, un scénario intéressant porté par un excellent travail d’écriture et un jeu qui, surtout, implique le joueur dans le déroulement de l’aventure. Alors The Banner Saga serait-il infaillible ? Las, non, mais tout dépendra de votre niveau d’exigence.

Les dialogues, par exemple, ne sont jamais doublés en dehors de la cinématique d’intro. On a donc une succession de plans fixes sur les visages des différentes intéressés et le texte s’affiche en dessous de la scène. Dans le même ordre d’idées, les personnages ne sont guère animés durant les dialogues. Quelques regards, une mèche de cheveux dans le vent, mais rien de plus. C’est dommage, surtout pour un jeu avec des dialogues aussi travaillés. L’essentiel de la mise en scène durant les discussions passe alors par des didascalies qui ajoutent des détails sur la scène en cours.

Un petit parfum old school se dégage d’une certaine manière – on pourrait très facilement imaginer un maître de jeu les lire – mais globalement, cela nuit au dynamisme de l’ensemble. Les dialogues – tout en anglais – sont de ce fait moins simples à comprendre. Aucun voice acting ou expression faciale ne viennent nous aider à comprendre les intentions des personnages, ce qui peut avoir de lourdes conséquences dans ce genre de jeu. Sans parler du fait que The Banner Saga repose sur un langage très travaillé, avec un vocabulaire qui n’est plus forcément utilisé à l’heure actuelle.


Autre grief et pas des moindres, certains aspects du jeu restent assez nébuleux même après plusieurs heures, car ils ne sont pas réellement expliqués. Je pense par exemple à l’influence de la taille totale de notre caravane. Celle-ci est composée à la fois de guerriers, de Varls et de réfugiés ne prenant pas part aux phases de guerre. Dans certains cas en effet, les affrontements ont une dimension supérieure à celle des batailles classiques. Une comparaison se fait alors entre le total d’hommes armés dans notre caravane et le total de Dredges ennemis.

Plusieurs choix – comme charger l’ennemi sans attendre, superviser ou encore se mettre en formation – sont alors envisageables et la réussite dépend de la différence de taille entre les armées. Superviser la bataille signifie que vous n’y prenez pas directement part. La résolution est alors très mathématique. Charger en revanche permet de soulager un peu les troupes alliées et l’impact sur la caravane. En contrepartie, le combat sera plus difficile à gérer et vos héros seront plus exposés. Comme vous pouvez le constater, ces choix prêtent donc énormément à conséquence, et pourtant ce système est peu – voire pas du tout – expliqué…

A mes yeux, The Banner Saga est une très grande réussite, preuve en est, j’ai eu beaucoup de mal à m’en décrocher. Outre sa réalisation unique en son genre, l’aventure proposée par Stoic semble ne pas usurper son nom. Une vraie saga, qui démarre lentement, qui est portée par des personnages bien loin des archétypes de la fantasy, et qui se focalise plus sur leur vie et leur lutte pour la survie que sur leurs actes héroiques, car dans toutes batailles, même en cas de victoires, il y a de lourdes pertes.

Finalement, c’est pour ça que je conseille ce jeu. A condition d’adhérer à l’univers visuel – il semblerait que certains y soient hermétiques – et de passer outre le manque de dynamisme de la mise en scène, vous découvrirez une aventure qui prend réellement aux tripes et qui ne s’oublie pas une fois passé le générique de fin.

The Banner Saga est enfin là et il ne déçoit pas. Magnifique de bout en bout, poignant, porté par une écriture d’une rare finesse, le premier né de Stoic n’oublie pas d’être aussi un jeu et se pare d’un système de combat novateur qui ravira les fans de RPG tactiques. Il y a encore des failles, entre les mécanismes un peu flous et sous-exploités et les dialogues trop statiques. Mais l’aventure prise dans son ensemble, elle, a une saveur unique, une dimension folle et se révèle inoubliable. Pour faire simple, The Banner Saga, c’est un gros coup de coeur, et je le place direct dans le top de mes RPG préférés, mais aussi de mes oeuvres de fantasy favorites … Et puis c’est tout !

+ Beau à pleurer
+ Système de combat prenant
+ Narration et écriture de qualité
+ La bande-son, magnifique
+ Des choix cornéliens et des personnages travaillés

Note RPG 3 sur 5
Note testeur 09 sur 10

– Dialogues trop peu animés
– En anglais uniquement
– Manque d’explications sur certains mécanismes

La vision d’Andariel :
A mon sens, Ze Banane Saga, n’est pas vraiment un RPG et l’attendre au tournant de ce côté là est quelque peu malvenu. C’est avant tout un jeu de stratégie tactique “story driven” qui allie les mécaniques d’un King of Dragon Pass et la scénarisation d’un Bioware genre Dragon Age 2 (d’ailleurs la partie “Rook” rappelle vachement la fuite de Hawk et sa famille poursuivis par les engeances et allant se réfugier à Kirkwall, entre autres). Y a-t-il plein de dragons dedans pour autant ?

Non, le setting Vikingo-fantastique du jeu se veut assez éloigné des archétypes, du manichéisme et du côté peu dégourdi de la fantasy éculée. L’histoire, bien que convenue dans sa structure, suscite l’intérêt et met en scène des personnages principaux assez bien ciselés, même si pas mal d’autres plus secondaires (genre Hogun et Mogun) se révèlent peu développés. L’écriture est d’assez bonne facture la plupart du temps, mais certaines tournures font curieusement grimacer et brisent un peu la cohérence du tout.
Ses atouts les plus saisissants restent incontestablement sa direction artistique rotoscopique prodigieuse qui nous offre une seconde jeunesse et sa bande originale folklorique tout juste magistrale. Ce qui me marque le plus avec ce jeu c’est son lyrisme enchanteur et ses relents contemplatifs, espèce de pendant vidéoludique, et surtout onirique, du film Valhalla Rising. The Banner Saga arrive à subjuguer rien que par ses panoramas/fresques montrant une caravane lancinante passer à côté d’un Menhir céleste…

Le gameplay, en revanche, c’est une autre histoire. Les combats sont un peu trop simples dans les mécaniques à mon goût (une seule et unique compétence active par perso, un système d’initiative un peu bancal, un champ de bataille non-interactif et non-manœuvrable…) et je trouve que les enjeux stratégiques ne se renouvellent que très peu, voire pas du tout, au fil de l’aventure. Les affrontements se font sans déplaisir, comprenez-moi bien, (surtout pour un amateur de tour par tour) et offrent quelques subtilités bienvenues, mais pour un jeu censé être tactique, je trouve que ça ne vole pas très haut.
Cependant, là où le jeu laisse le plus transparaître ses fêlures et ses restrictions selon moi, c’est à travers les mécaniques de la phase “caravane”. Cette partie du jeu se révèle purement narrative et pratiquement dénuée de considérations de gameplay : les “clansmen” ne servent à rien dans le jeu, le moral admet à peine un effet sur les troupes, la famine de la caravane n’a aucune répercussion palpable sur la progression, le nombre d’ennemis dans les batailles se cale à celui des troupes (du coup, même sans la moindre armée, vous ne serez jamais pris au dépourvu !).
Finalement, toute cette histoire de caravane s’avère être uniquement de gros rails narratifs de façade, sans impliquer une notion de risque, de tension, encore moins d’échec, d’un point de vue gameplay et cette dissonance est franchement bien dommage… Mais malgré tout, il faut quand même admettre que le jeu de Stoic ne m’a définitivement pas laissé stoïque.
07/10

La vision de Dagon (avec son aimable autorisation) :
The Banner Saga fait partie de cette première fournée de jeux en financement collaboratif KickstarterStoic Studios, un petit studio de développement indépendant formé d’anciens de Bioware, avait en son temps réussi à réunir près de 700.000 $ de financement afin d’éditer ce jeu de rôle-aventure aux allures de saga viking avec combats tactiques en tour par tour.

D’emblée, ce qui frappe avec The Banner Saga est l’aspect visuel. Une fois n’est pas coutume, si l’histoire contée est très sombre, le design est coloré et semble sorti tout droit des dessins animés traditionnels de Walt Disney. On appréciera grandement la finesse des traits des personnages, les couleurs en nuances et en contrastes, les décours et l’ambiance générale portée par une musique de toute beauté. The Banner Saga a bénéficié d’une nomination pour « Excellence in Visual Art » dans la dernière édition de l’IGF (Independant Game Festival) et ce n’est pas pour rien. Tout n’est pourtant pas rose à ce niveau, il faudra toutefois noter l’absence ou presque d’animations sur ces magnifiques tableaux rencontrés aux détours des conversations. Les dialogues se déroulent sur une bande de texte en bas de l’écran, sans aucun mouvement des protagonistes, mis à part deux ou trois éléments de l’image fixe en mouvement, tel qu’un bout de vêtement ou une mèche de cheveux s’affichant dans 3 positions différentes. On relèvera aussi que les animations des protagonistes sur le champ de bataille possèderont chacun leur animation, …mais que celle-ci manquera cruellement de fluidité.

L’aspect visuel et sonore ainsi que l’ambiance n’étant pas tout, abordons plutôt le scénario et le gameplay. The Banner Saga raconte avant tout une histoire. Celle de deux cohortes que l’on joue tour à tour, partant d’endroits opposés du Pays et devant de fait se rencontrer à mi-chemin.

La première, ce sont les Varls, des géants cornus qui, revenant de leur tournée pour prélever la dîme, se rendent comptent que des créatures de pierres, les Dredges, sont de retour. Leur but, accompagné d’un prince humain, sera de rejoindre la capitale afin d’en informer le roi des Varls. La seconde, ce sera celle d’un père et de sa fille, aidés par un Varl, fuyant avec tout leur village l’avancée des Dredges.

Les deux histoires se dérouleront tour à tour, et les déplacements se borneront à regarder la caravane avancer sur les paysages glacés. Ce sera lors de la traversé des villages, ou lorsque le joueur décidera de monter un camp, qu’il sera possible de se reposer, de s’entraîner ou de soigner ses héros. Ces haltes seront l’occasion de dialogues, durant lesquelles le joueur devra décider de certaines options. A tout moment se fera sentir le besoin d’avancer au plus vite, afin d’économiser la nourriture, mais aussi celui de se reposer, de se soigner, afin de maintenir le moral des troupes, comme celui de soigner ses unités.

On apprécie grandement l’influence qu’auront ces dialogues. Si les déplacement et le scénario sont purement linéaires, ce n’est absolument pas le cas pour les protagonistes de l’histoire. Lors de certains événements, il ne sera pas rare de devoir faire des choix draconiens, se soldant par la mort de l’un ou l’autre des personnages clés que vous gérez. Vous aviez amoureusement monté votre archère en lui attribuant tous les points récoltés lors des conflits ? Celle-ci pourra passer de vie à trépas lors d’un vulgaire dialogue. Pourtant, c’est ce qui fait la puissance du titre. Une sauvegarde unique au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire. On apprend à vivre avec ses erreurs, et l’oppression est constante sans devenir trop pesante. Généralement l’absence d’options de sauvegarde est une malédiction des jeux consoles, ici ça en devient un élément même du jeu.

A cette avancée de cohortes entrecoupée de dialogues s’ajoutent de nombreux combats. Il faudra alors gérer vos quelques unités d’élite (maximum 6) en tour par tour afin de défaire l’adversaire. Si les combats ne gèrent pas la topographie du terrain pour servir de couverture, ce sera plus par la gestion des déplacements et des compétences que le résultat des combats se déterminera. Chacun des protagonistes aura 2 jauges à surveiller : l’armure et la vie. Les points de vie servant également de points d’attaque. Une attaque ordinaire déduira de votre attaque l’armure de l’adversaire et le solde constituera les points de dégâts que se prend l’adversaire. Alternativement, il sera possible de viser l’armure, afin que les attaques suivantes puissent porter. Si votre attaque est inférieure aux points d’armure de l’adversaire, il y aura 10 % de risques que votre attaque soit totalement déviée. Sachant en outre que les Varls prennent 4 cases de terrain, alors que vos unités humaines qu’une, tout combat se transforme en une sorte de jeu d’échec dans lequel il faut calculer vos points de déplacements, ceux de l’adversaire, et les caractéristiques d’attaque et de déplacement de l’adversaire. Afin de pouvoir détruire un ennemi, il faut faire baisser ses points d’armure, mais ce n’est qu’en faisant baisser sa jauge de vie que ses attaques feront moins mal. Le problème étant que vos attaques seront de moins en moins puissantes au fur et à mesure que vos prendrez des dégâts, et qu’au final, vous ne parviendrez plus à passer à travers les armures.

A cela il faut rajouter une foule de coups spéciaux, propres aux différentes classes de personnages proposées dans le jeu, ainsi que la volonté, caractéristique permettant pendant un combat d’améliorer vos déplacements ou vos attaques. Bref, le système de combat a été visiblement réfléchi, et si celui-ci ne parait pas très logique à bien des égards, il fait de The Banner Saga un jeu se rapprochant plus d’un jeu de plateau tel un jeu d’échec qu’un Wargame en tour par tour. Enfin, si les déplacements des deux hordes et l’histoire de ce premier jeu de Stoic Studio sont immuables quelque soit les décisions du joueur, la qualité d’écriture des dialogues sauve le tout et en fait clairement un jeu à part.

Dans les regrets, on verra certains choix de design. A trop vouloir être originaux, les combats ne sont au final pas des plus intéressants, et finissent par être très répétitifs. Heureusement à ce titre, que le jeu ne propose pas une durée de vie trop conséquente. On notera également un combat final d’une difficulté trop relevée, obligeant pour la plupart à refaire ce dernier de nombreuses fois.

On notera enfin que nos unités d’élite pourront être améliorées au fur et à mesure de l’avancée du jeu, grâce à l’expérience (pardon, la renommée), dans la mesure où elles survivront à vos choix de dialogues ou aux événements qui se dérouleront.

En définitive, The Banner Saga est un RPG tactique très original. On apprécie particulièrement son design, ses musiques et son ambiance. Le fait d’avoir créé de bout en bout un système de combat mettant la gestion des déplacements et la fusion de la force et des points de vie en fait quelque chose d’inédit et force le joueur à remettre en question certains mécanismes propre aux jeux de stratégie tour par tour et à adopter des tactiques déroutantes, voire parfois peu logiques.
Graphismes & sons : 4/5

Les graphismes sont vraiment beau, avec des visuels plein de poésie et originaux. On apprécie aussi grandement la musique. C’est plus au niveau du gros manque d’animations que se situent les regrets.
Interface de combat : 3/5
Du tour par tour très original où l’on perd un peu ses repères. Quelque part ça ressemble plus à un jeu de plateau où il faut gérer les déplacements et compter les cases. La gestion de la vie couplée à la force est intéressante, mais globalement le système de combat reste répétitif et décevant.
Scénario : 4/5
Malheureusement totalement linéaire, sa force réside plus dans l’écriture et les rebondissements concernant le sort des protagonistes qu’au niveau de l’histoire. La carte du monde proposée dans le jeu est visiblement un travail de passionnés et possède une richesse incroyable, avec une foule d’informations inexploités sur le monde.
Jouabilité (fun) : 3/5
Un titre d’ambiance aux graphismes et à la musique enchanteresse
07/10

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