Le genre apocalyptique semble pour beaucoup être né en 1997 avec la série Fallout d’Interplay. Or s’il est vrai qu’elle l’a propulsé sur le devant de la scène, elle fut précédée de divers titres dont l’action se passaient dans un monde succédant à une guerre totale. Le plus complet, le plus grand, le plus marquant, le plus emblématique même, fut Wasteland, oeuvre justement de la même équipe que Fallout. Sorti en 1988 sur Apple 2, Commodore 64 et PC, grâce au travail acharné de Brian Fargo et d’Interplay – ce titre est sur le point de voir sa suite officielle débarquer en 2012, soit 25 ans plus tard. C’est l’occasion pour moi de vous présenter cet objet unique en son temps, et de faire un petit bilan.

La pochette du jeu est tout d’abord ce qui marque les esprits : un groupe de survivants, vu de très haut, dos au soleil, dans une rue en ruine de ce qui fut une grande métropole comme New York. Cette image est presque plus célèbre que le jeu lui-même. Elle vous met dans l’ambiance. Mais n’allez pas croire que vous passerez tout votre temps dans une grande mégalopole. Avec Wasteland, vous verrez du pays, surtout des plaines, où après une guerre nucléaire, les survivants s’organisent comme ils le peuvent, luttant contre les pillards et les animaux mutants engendrés par la catastrophe.

Certains utopistes ont construit des villages auto-suffisants – des villages de bases autonomes durables ou BAD survivalistes – d’autres se sont organisés en hordes guerrières et des villes commerçantes se sont aussi créées. Certains bâtiments d’avant la catastrophe sont encore en bon état et sont le plus souvent occupés par des puissantes organisations comme les Rangers, sorte d’ancêtre de la Confrérie de l’acier, vestige de l’armée américaine. 
Ce scénario n’est pas sans nous faire réfléchir à des questions de moins en moins “science fiction” : la pollution, la guerre mondiale et surtout “l’après”. Comment reconstruire ? Si tant est qu’il le faille ou qu’on le puisse. Ici, plus d’hypocrisie démocratique : il ne règne que la loi du plus fort. La visite des ruines provoquerait une douce mélancolie sur ce qui n’est plus si le danger n’était pas omniprésent.

 

Dans les Terres désolées, personne ne vous entend cliquer

Vous commencez l’aventure avec le personnage que vous avez créé et les trois compagnons prédéfinis remplaçables par des créations de votre choix, lâché en pleine nature. Représenté en vue de dessus par son chef vu de face, votre groupe évolue dans trois niveaux de cartes : la carte générale, sur laquelle le sprite est plus gros qu’un village ou une montagne, la carte de village, où vous allez de maison en maison, et la carte de bâtiment, qui vous permet d’en explorer l’intérieur.

Vous êtes libre d’aller où bon vous semble, de parler avec les PNJ rencontrés, de tenter de fuir les monstres qui vous attaqueront ou de rechercher le combat. Attention cependant, vous êtes très fragile. Aucun sentiment de puissance dans ce jeu. Même après une montée en niveau, vous restez très vulnérable et la mort est vite arrivée. Heureusement, le jeu permet la sauvegarde à tout moment, sauf pendant un combat. Et ceux-ci sont légions, et pas toujours glorieux, d’autant que vos personnages seront la plupart du temps mal équipés, avec des armes qui s’enrayent.

De plus, si vos personnages sont blessés, ce qui ne manquera pas d’arriver, ils ne guériront pas automatiquement. Il leur faudra trouver un médecin, professionnel qui ne court pas les rues, ou plutôt les chemins. A ceci s’ajoute l’absence de carte ou de boussole. Oui, vous avez compris que ce jeu est d’essence même old school, un terme très rebattu ces derniers temps. Heureusement que le travail des fans vient à notre rescousse.


Du point de vue jeu de rôle, on notera une progression des attributs automatique, la présence de compétences, une gestion d’inventaire et une totale liberté d’acion qui rappellent davantage un Phantasy Star sur Master System – en moins joli, plus difficile et technique je vous l’accorde – qu’un Dungeon Master,  plus “occidental”. Les compétences, puisque j’y suis, sélectionnables lors de la création du personnage, sont très nombreuses et presque aussi variées que dans Fallout : armes de poing, combat à main nues, natation, perception, combat au couteau, marchandage, bureaucratie, premiers soins, métallurgie… De quoi monter une équipe de personnages complémentaires. Mais il faut savoir que l’intelligence – qui augmente l’expérience gagnée -,  les armes à énergie et la dextérité sont un trio indispensable à tous les personnages sous peine de ne pas aller bien loin.

Alors, c’est beau les Terres désolées ?

Du côté de la réalisation, on conseillera l’activation d’un filtre, afin de lisser les polices parce que vous aurez souvent les yeux rivés au texte. Notons une originalité liée à la limitation du format de stockage de l’époque : comme tous les textes ne rentraient pas sur la disquette, le jeu a prévu des numéros renvoyant aux paragraphes dans la notice papier : on en dénombre 162. Cela permet d’avoir de longues explications qui n’encombrent pas l’écran, et qui ne sont pas absolument fondamentales au déroulement de l’histoire. Graphiquement, c’est lisible mais très rudimentaire, avec des couleurs étonnamment chatoyante pour le contexte et des images de monstres assez fines, légèrement animées pendant les combats. Les menus sont plutôt bien conçus et tombent bien sous le clic.

Parfois, il faut entrer ses questions aux PNJ sous forme de texte et là, ça fait mal car cela marche rarement comme on le voudrait, ce qui fait tache avec le reste de l’interface, entièrement en icones. Enfin, l’absence de musique et la rareté des sons le rangent dans la catégorie des « presque muets », qui a au moins l’avantage de ne pas nous rendre fous par des boucles de musiques répétitives en chiptune mono.

Quid de la version Commodore 64 (et Apple II) ?

La version Commodore 64 est visiblement supérieure techniquement à la version PC, avec des couleurs plus réalistes, des dégradés, des effets sonores, une mini cinématique minimaliste et des animations plus travaillées, ce qui n’est pas difficile. C’est du travail bien fait. On se plait à imaginer ce que le jeu aurait pu donner sur Atari ST ou Amiga, projet amateur qui fut un temps envisagé mais ne déboucha sur rien d’autre qu’une jolie image fixe avec une musique minimaliste.


Sur Apple II, compte tenu des spécificités de la machine, le jeu est au contraire encore moins beau que sur PC, avec un personnage monochrome, des images d’ennemis assez grossières et peu de couleurs.

Alors que penser de Wasteland aujourd’hui ? J’avoue n’avoir pas pu y jouer très longtemps. La rigidité des commandes pendant les combats et la difficulté ahurissante du jeu, le fait d’être livré à moi même m’ont fait prendre conscience que j’avais changé… d’époque ! Je ne peux pour conclure que rêver à une remise de ce premier épisode au goût du jour. Il suffirait de peu de choses pour faire passer sa note de 5 à 8 : des combats à l’ergonomie plus travaillée, un moteur de jeu d’aujourd’hui, des dialogues à choix multiples à la Fallout… Qui sait, peut-être la sortie de sa suite donnera-t-elle des idées en ce sens à la communauté.

Si vous êtes l’ultime geek du RPG, plus old school que Brian Fargo lui-même, si les rogue-likes sont pour vous de la rigolade et si vous jouez à Phantasy Star les yeux fermés avec les orteils parce que vous avez fini Demon’s Souls et Dark Souls avec toutes les classes de personnages, si vous aimez les pixels de la taille d’une noisette et que vous tracez vos cartes vous-même sur des feuilles à petits carreaux, si vous ne vous nourrissez que de malbouffe, faites peu le ménage et dormez peu, alors ce jeu a de fortes chances de vous captiver. Sinon, essayez-le pour vous faire une idée, mais je crains bien que devant cette pièce de musée, pour respectable et culte qu’elle soit, vous passiez rapidement votre chemin.

+ Une totale liberté de mouvement
+ Un graphisme lisible et une interface intuitive
+ Un univers immense, ultra travaillé, avec une réflexion sur l’avenir
+ La possibilité de sauvegarder presque à tout moment
+ La variété des environnement traversés

Note RPG 4 sur 5
Note testeur 08 sur 10

– Les combats pas ergonomiques
– La difficulté excessive
– Pas de son ou presque
– Le manque d’indications pour savoir quoi faire
– Les questions à entrer en mode texte

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All_zebest
Vieux gamer ayant connu les premiers jeux vidéos (Pong, Asteroids...), amateur de hack'n slash, de JDR en général, de shoot them up, de beat them all et de jeux de baston, mais aussi de jeux de puzzle (et de vrais puzzles en carton), amoureux du français et du japonais, expatrié vivant au Japon traducteur amateur de l'anglais (les quatre jeux de Soldak Entertainment notamment) et du japonais... Que dire d'autre... Ah oui ! Ecrivain ! Lisez mes livres. On les trouve en Kindle sur Amazon et ici.
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