Soldak Entertainment, petit studio de développement inventif, décide, après un Depths of Peril plutôt hardcore, d’aller dans la direction opposée en proposant avec Kivi’s Underworld, un jeu de rôle tout public au maniement simplissime et dont la difficulté variera du casual pour enfant, au défi pour connaisseur. Ce grand écart fut-il un pari réussi ?

Soldak Intertainment est un petit studio indépendant américain quasi-familial, fondé en 2004 par le designer et programmeur Steven Peeler et sa femme la scénariste Delilah Rehm. Ensemble et avec d’autres membres, ils créent un nouveau concept avec Depths of Peril en  2007 : le hack’n slash avec de la stratégie, ou plus précisément de la diplomatie. Situé dans un monde d’heroic fantasy extrêmement fouillé et cohérent, Depths of Peril comprenait en bonus 40 nouvelles originales de Delilah Rehm à lire dans le jeu ou à imprimer, avec des PNJ au caractère et à l’histoire fouillés. Même si tout le jeu pouvait se faire sans rien lire, il a fait l’unanimité critique, mais a partagé les joueurs, ne laissant personne indifférent.

Une histoire originale

Kivi’s Underworld, en 2008, se situe dans le même monde et quasiment à la même époque. Kivi, le héros, un lumen, sorte de lutin vivant sous la terre, est un guerrier courageux qui viole l’interdit de sa tribu proscrivant à quiconque de quitter le territoire, à cause d’une prétendue maladie – le « tremblement » – qui affecterait l’espèce dès qu’elle se hasarderait à l’extérieur. Kivi, qui a eu vent de l’invasion imminente de son pays par les elfes obscurs – je n’en dirai pas plus pour en laisser la découverte au joueur – part seul à l’aventure, ralliant à lui au fur et à mesure de ses quêtes d’autres résistants particulièrement originaux et combatifs.

Bien que pouvant se jouer sans s’occuper des textes, à la manière d’un « porte-monstre-trésor », le jeu possède un arrière-plan très profond avec des personnages attachants, un scénario prenant, fruit du travail de la scénariste Delilah Rehm, par ailleurs nouvelliste.

Une jouabilité optimale

Le jeu comprend 30 niveaux ou « aventures » assez vastes, aux décors variés, et propose une jouabilité extrêmement simple et intuitive à la souris avec quelques boutons pour les compétences. Pour résumer, vous commencez chaque niveau, appelé « aventure », au niveau d’expérience 1 et vous gagnez des points, au fur et à mesure de la mission, que vous répartissez pour améliorer temporairement, le temps du niveau, vos attributs – attaque, défense, santé, mana –  ou vos compétences actives et/ou passives. En chemin, vous trouvez des bonus ainsi que des armes et armures, qui vous apportent des compétences temporaires supplémentaires, que ce soit pour un temps très limité – une minute par exemple – ou le temps de l’aventure dans le cas de l’équipement. Comme vous ne pouvez porter que trois bonus, il vous faut faire le bon choix. Pour chaque niveau, vous avez une mission principale à remplir impérativement pour passer à l’aventure suivante et une ou deux quêtes annexes facultatives.


A cela, s’ajoutent trois objectifs facultatifs mais non négligeables : trouver tous les secrets du niveau (des portes cachées donnant sur des salles au trésor le plus souvent, parfois des raccourcis), éliminer tous les monstres, lesquels ne respawnent pas, et ne pas perdre plus d’une vie sur trois. Selon que ces trois conditions soient remplies ou non, vous gagnez ou pas un trophée de bronze, d’argent ou d’or. Chaque trophée vous donne droit à un certain nombre de points à dépenser entre les niveaux pour obtenir des améliorations de personnage permanentes. Il va sans dire que c’est très motivant.

Le tracé des niveaux n’est pas aléatoire, mais chaque carte a été pensée, avec son lot de surprises.

Enfin, un système de “titres” vient compléter le tout, pour donner envie au joueur d’aller toujours plus loin dans la performance, transformant un petit jeu casual en exercice de haute technicité. Par exemple : essayer de finir une aventure sans tuer un seul monstre ou encore sans recevoir un seul coup, une gageure dans un hack’n slash. Et pour les plus acharnés, voire masochistes, il existe aussi – Attention Spoiler – des super secrets très bien cachés.


Au cours de ses aventures, Kivi rencontrera, ou plutôt délivrera d’autres aventuriers de classes différentes, avec des compétences et une jouabilité propres, certains avec des faiblesses, pour ceux qui aiment les handicaps volontaires. Sans vouloir tous les dévoiler, citons par exemple une kunoichi (ninja féminin), une voleuse, un mage de feu, un paladin… En tout, cela représente vingt personnages à délivrer. Une fois fait, un personnage permet de rejouer n’importe quelle aventure déjà réussie autant de fois qu’on le souhaite, pour apprécier le jeu d’une manière différente, notamment pour réussir un succès difficile. Par exemple, un personnage possédant une compétence de furtivité sera bien utile pour  obtenir le “Prix du Pacifiste” (0 mort ).

En niveau facile, Kivi est fait pour les enfants, même si le monde est assez sombre et l’histoire assez mature, si on la lit. Mais en mode légendaire, Kivi offre un défi old school très corsé. Sans se faire tuer, un niveau, donc une aventure, peut se terminer en une demi-heure, en principe… Bien sur, on peut interrompre un niveau et la sauvegarde est automatique en quittant. Au choix, on reprendra alors là où on avait laissé son personnage, voire au début de l’aventure, ou encore on peut recommencer une aventure déjà réussie.

Le scénario, même si on peut le négliger et ne rien lire du tout, est très bien mené, et est raconté par un narrateur joué un peu rapidement par Tori Kamal. C’est un doubleur musicien, plutôt doué, auteur d’un patch de voix masculines pour Depths of Peril indispensable. D’ailleurs, les références au monde de ce dernier jeu sont nombreuses. Le choix toujours laissé au joueur de ne pas perdre son temps à tout lire pour s’amuser immédiatement, est à saluer. Pour peu qu’on soit patient et consciencieux, il y a de quoi se faire plaisir. La version anglaise peut être pour certains difficile à comprendre, car on est loin de l’anglais basique, mais il existe un mod de traduction française réalisé par mes soins.

Notons enfin que plusieurs profils peuvent être créés : par exemple, un facile pour un enfant, un moyen pour la maman et un difficile pour le papa hardcore gamer, dans l’ordre que vous voulez.

Du point de vue visuel et sonore

Du point de vue technique, le jeu est graphiquement dépassé et tourne donc sur la plupart des configurations, même les anciennes et les modestes. On pourra donc lui reprocher ses rochers un peu polygonaux, ses couleurs parfois criardes et une interface « cheap », mais paradoxalement, il présente une certaine cohérence artistique et, inexplicablement, un charme discret et sympathique. Il donne l’impression d’avoir été réalisé avec beaucoup de soin, d’amour même.

En outre, il est parfaitement optimisé – avec un support sur le forum officiel par le développeur lui-même – et beaucoup d’options graphiques, marque de fabrique de Soldak Entertainment.

Le côté sombre, effrayant, des niveaux jure un peu avec la volonté affichée d’un jeu tous publics, ce qu’a regretté le développeur dans un texte d’auto-critique ou chronique « post-mortem » très intéressant que nous invitons le lecteur à lire. De plus, le design des personnages est particulier : ils sont tous très laids, voire hideux, mais les lumens sont ainsi faits, peu gâtés par la nature pour ce qui est de leur apparence. En contrepartie, ils ont plutôt des tenues stylées, de chics pourpoints, des pantalons brodés ou en cuir du plus bel effet. Si le joueur peut dépasser cette mauvaise surprise des graphismes et accepter le principe « casual » du jeu mais pouvant aussi être joué à l’ancienne, bien hardcore, il ne sera pas déçu. La musique est bien faite, pas mémorable, mais efficace et les bruitages font bien leur office. Lorsqu’on obtient un point d’amélioration temporaire, on a même droit à un « Yeah ! » jouissif.

Un multi payant ?! Oui mais un bon rapport qualité-prix !

Le jeu, actuellement vendu à 9,99 $, ce qui correspond à un rapport qualité/prix extrêmement intéressant, est en l’état pour joueur seul. Ceux qui voudront y jouer en multijoueur devront malheureusement acquérir l’extension ad hoc pour le même prix, ce qui nous semble un peu cher. Nous n’avons pas testé cette fonctionnalité payante, donc nous ne nous prononcerons pas sur ce sujet.

A noter enfin, la présence d’un éditeur de niveaux réservé aux apprentis programmeurs, qui nous a laissé bien circonspect, d’autant qu’on ne trouve quasiment pas de cartes de joueurs.

Difficile de noter Kivi’s Underworld, quasiment unique en son genre. Les graphismes « particuliers » risquent de repousser les joueurs adolescents ou les personnes attachées aux technologies dernier cri. Il n’est en outre pas sûr non plus qu’un jeune enfant adhère à cet univers sombre et violent, même si la difficulté est dosée pour lui. En revanche, un adulte jouant dans les modes de difficulté supérieures peut trouver un challenge à sa mesure et se découvrir une rage proche de celle du scoring dans un shoot them up. Le côté jeu de rôle est certes en retrait mais le plaisir de jeu est bien présent, à l’état brut, d’une pureté de diamant, à l’image des cristaux qui éclairent les niveaux d’une bien inquiétante lueur.

Pour conclure, il faut bien se renseigner sur ce que le jeu propose et l’accepter en l’état. C’est à prendre ou à laisser ! Mais pour les amateurs de hack’n slash ou de scoring, c’est un bijou.

+ Scénario
+ Cohérence artistique
+ Jouabilité et les personnages à délivrer
+ Défis proposés notamment via les trophées et les titres

Note testeur 07 sur 10

– Graphismes dépassés
– Monde trop « dark » pour un enfant
– Dialogues non doublés
– Multi payant

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