Il n’y a que sous la forme d’un dossier et notamment du format des Réflexions Gobelines qu’il m’était possible de traiter de ce sujet. Alors pour commencer, je ne pense pas que mon point de vue sur la question du RPG soit absolu et bien évidemment il est à discuter, mais dans le grand schéma des choses et le bordel qu’est devenu le jeu vidéo, il faut bien le dire : l’équilibre est rompu, on ne sait plus ce qu’est un RPG et c’est un foutoir complet pour faire comprendre ce qui était auparavant une évidence, NON Far Cry 3 n’est pas un RPG.

On a tous pressenti la crise venir quand les grands noms de la discipline ont commencé à expérimenter des trucs un peu bizarres. Certains diront que dès qu’on a abandonné la vue isométrique et que l’on a lentement concédé la gestion d’un groupe à la gestion d’un seul avatar, ça a commencé à sentir le sapin. D’autres – moins extrêmistes – diront plutôt que c’est à partir du moment où des arbres de compétences se sont glissés partout dans les jeux vidéo et que les points d’expérience ont envahi la moindre parcelle de contenu ludique autour de nous.

Je fais plutôt partie de cette seconde catégorie. Je ne te parlerai pas de la troisième catégorie : ceux qui s’en foutent et prennent la chose avec la légèreté légitime qu’on devrait tous avoir face à ce sujet. Non mais c’est vrai, qu’est-ce qu’on s’en fout que le genre du RPG soit dilué dans le jeu vidéo complet et enrichisse finalement tous les autres genres ? C’est vrai, on est bien content quand notre Assassin’s Creed, autrefois jeu d’action-infiltration durant vingt-cinq heures finisse en monde ouvert avec système de grinding et dialogues à choix illusoires s’étalant sur cent cinquante heures de jeu…

… Bon, ça aussi c’est un problème, mais on en parlera une autre fois, aujourd’hui, je vais marquer l’Histoire par une énième vaine tentative de vous expliquer ce que c’est qu’un RPG en… vous expliquant ce que n’est pas un RPG. Je sens que ça va être long.

Introduction

Le RPG est un genre de jeu s’inspirant du jeu de rôle sur table. On y incarne un ou plusieurs personnages que l’on va faire évoluer au cours d’une quête. Voilà, avec ce genre de définition, DOOM 2016 est un RPG parce que l’on fait évoluer l’arsenal de notre personnage et on pourrait appliquer cette définition à l’ensemble du jeu vidéo parce qu’en réalité : il est excessivement rare que les possibilités offertes par un jeu ne bougent pas de son début à sa fin. Cette définition – bien qu’elle soit pratique pour faire n’importe quoi avec – me paraît très discutable mais elle a bon sur un truc : le RPG s’inspire du jeu de rôle sur table, et là on touche quelque chose d’intéressant.

Si vous êtes un peu rôliste justement, vous savez que le jeu de rôle sur table, il y a souvent des livres de règles fournis avec, mais on peut faire du jeu de rôle sans règles, donc fatalement c’est aussi un peu le foutoir pour délimiter qui est quoi et où on va avec tout ça. Ce que l’on peut par contre dire, c’est que quelque soit le jeu de rôle, on incarne et on s’immerge dans un personnage (qui peut tout à fait être soi même si l’on a pas envie de se frotter à l’altérité) et on fait donc le choix d’incarner ce personnage, de l’habiter et de le faire vivre.

Cette dimension m’intéresse particulièrement, parce qu’elle sous-entend une liberté d’interprétation et renvoie à une idée de libre-arbitre : je fais ce que je veux avec mon personnage tant que ça correspond au cadre. Le cadre peut être totalement libre (quitte à virer au n’importe quoi) ou très restreint, quitte à un peu trop contraindre la liberté du joueur.

Il y a donc un certain équilibre à trouver ou des limites à assumer, j’ai tendance à penser que plus tu offres de liberté d’incarnation de ton avatar et de moyens de le personnaliser, et mieux ça sera pour l’immersion dans ce dernier. Encore faut-il qu’il y ait un univers avec lequel tu peux interagir et dans lequel tu peux avoir une influence, donc plus que la liberté d’incarner qui l’on veut, il faut qu’un univers serve à refléter ce que l’on est et ainsi se faire miroir en nous renvoyant et en jugeant nos actions.

Il faut donc un “autre”, cet autre dans le jeu de rôle sur table, c’est d’abord les règles qui peuvent définir ou non la progression de personnage, et s’il n’y a pas de règles, alors ce sont le ou les personnes avec qui l’on se prête au jeu. Naturellement, pour le joueur de RPG en tant que logiciel, c’est l’ordinateur qui fait le taff de refléter ce que l’on est et les conséquences de nos actions, et parfois les autres joueurs s’il y a une composante multijoueur dans le jeu.

Voilà, si l’on devait dresser un bilan quantitatif, on pourrait faire une liste super longue de tout ce qui aide à mieux incarner un rôle dans un RPG. De l’apparence physique au profil psychologique aux possibilités d’interactions avec l’univers on a un large panel de trucs qui peuvent enrichir l’expérience d’incarnation de notre personnage, autant dire : le roleplay. Maintenant que tout ça est posé, si j’impose un personnage à mon joueur, je lui impose un passé, une psychologie, un enjeu personnel et que je lui impose son physique, sa voix et son attitude mais que je laisse le choix dans quelques dialogues et le choix de ce qu’il peut porter, comment il se bat, et comment il oriente son style de combat, on peut dire que c’est un RPG…

… Plutôt pauvre. Parce que si incarner Geralt de Riv dans The Witcher 1, 2 et 3 va avec son lot de moments tout à fait sympathiques, reste que l’expérience globale demeure assez dirigiste et le jeu reste à un contrôle souvent strict de l’impact du joueur sur son personnage et sur l’univers autour de ce dernier. Bien sûr, certains moments de la trilogie du studio polonais CD Projekt Red, offrent des choix avec de fortes implications pour Geralt et le monde environnant, mais le postulat de départ c’est : ta gueule, tu es Geralt de Riv et ça va globalement se passer comme ça jusqu’à ce qu’on te demande ton avis.

Marcheur RPG 01
J’aime bien The Witcher,

Est-ce que c’est mal ? Je ne pense pas, en tant qu’expérience, The Witcher a beau être très cadré, ce qu’il fait, il le fait avec une certaine compétence, mais on est plus en “empathie” d’un personnage d’un récit dans lequel on t’implique via quelques choix, que vraiment immergé dans notre personnage, créé de toutes pièces dans un monde qui répondra au mieux à notre liberté.

Alors le choix de CD Projekt de cadrer à ce point l’expérience aide aussi à maintenir une certaine crédibilité à l’action : on ne peut pas réduire en cendre une ville et s’en tirer indemne, parce que cela détruirait la crédibilité de la trame narrative linéaire et cinématographique. Mais d’autres jeux préfèreront faire des choix différents et laisser le joueur très libre d’incarner bien des rôles possibles.

Par exemple : Fallout New Vegas laisse aux joueurs environ 4 voies pour mener la quête principale, chaque voie ayant ses variantes avec son lot de choix conséquents personnalisant encore plus l’expérience. Bien que 4 voies se soient peu, se sont des voies chargées d’un certain contenu idéologique et reflétant la “morale” de notre personnage dans laquelle on peut glisser de nombreuses nuances.

Notre personnage n’ayant ni voix, ni attitude et physique prédéfini ainsi qu’un seul surnom pour identité imposée, le jeu offre aux joueurs un bassin très large de possibilités d’incarnation et ne fait que rarement en sorte de réduire nos possibilités. Il préférera d’ailleurs les ouvrir pour qu’on ait le sentiment de pouvoir être “n’importe qui”.

Attention cependant : être n’importe qui, ce n’est pas juste être inclusif et dire qu’un diplomate charismatique peut être un expert en explosif et expert en combat au corps à corps. Incarner un rôle, créer un personnage, c’est aussi assumer que sur certains aspects, votre personnage il va être carrément défaillant, Fallout 2 permet même de jouer un débile profond parce qu’après tout : pourquoi pas ? Un RPG qui se respecte selon mes critères, ne propose pas d’additionner les possibilités au rôle que vous incarnez, mais vous demande de choisir et restreint vos possibilités de progression à mesure que vous vous enfoncez dans une voie.

Aussi, les mathématiques ont créé deux fonctions pour mieux expliquer cela :

Ou… Et.

Sachant que le “Et” inclut le choix qui suit avec l’option qui précède, et le “Ou” exclut les autres options si vous en choisissez une.

De la frustration d’avoir à choisir parmi un large éventail de possible, naît l’expérience roleplay, choisir, c’est renoncer, si l’on choisit sans renoncer à quoi que ce soit, alors c’est le buffet à volonté…

The Witcher 207
mais c’est lite niveau RPG tout ça.

Pouvoir ne pas faire n’est pas suffisant

Derrière ce sous-titre un peu casse gueule, se cache en fait une vieille observation que j’ai faite au cours de mon expérience de lecteur de site de jeux vidéo généraliste. Souvent, on attribue à l’existence de missions / quêtes / objectifs secondaires une dimension de “RPG”. Alors certes, on retrouve énormément de quêtes secondaires dans les RPG, souvent, elles enrichissent l’univers et permettent de chopper un peu d’expérience pour avoir une légère avance sur la courbe de progression de la quête principale. Dans les jeux plus médiocres, on vous contraindra à faire les quêtes “secondaires” pour pallier à un pic de difficulté dans l’histoire principale, permettant d’augmenter artificiellement la durée de vie.

Et s’il est vrai qu’il est toujours appréciable de pouvoir dire “non” quand on vous demande de faire un truc, si ce “non” est inconséquent et qu’au cours de l’accomplissement de la quête vous n’avez eu d’autres choix que d’accomplir la tâche originellement donnée, sans avoir à aucun moment le pouvoir de décliner la quête hors de sa trajectoire suggérée au départ…

Bah c’est pas très pertinent côté roleplay encore une fois. Le but d’une quête secondaire d’un RPG, est d’exploiter l’univers du jeu tout en permettant aux joueurs de l’aborder selon leur alignement moral, leur philosophie, leurs capacités, bref, de pouvoir faire la quête à leur manière, avec les conséquences importantes à l’appui. Conséquences qui peuvent être des gratifications tangibles comme de l’argent, de l’équipement, ou des choses plus abstraites comme un gain de réputation dans une faction ou un changement de relation avec des personnages du monde.

Marcheur RPG 02
Ici, un classique du RPG,

Vous m’aurez compris : ici on va s’attaquer aux quêtes qui ne vous demandent pas d’être quelqu’un de particulier pour les accomplir alors que leur intitulé laisse aisément penser le contraire. Vous voyez la guilde des mages dans Skyrim ? Bah j’étais une bille en magie, dans absolument tous les domaines, même la destruction, c’est dire, et pourtant, je suis l’archimage de Bordeciel, le mage le plus reconnu de la région. Ma spécialité ? L’épée à deux mains et l’armure lourde.

Ce genre d’abérations, ce n’est pas exclusif aux jeux de Bethesda, c’est en fait extrêmement répandu dans le milieu du RPG. Il faut dire que les développeurs se crevant le cul à travailler leur jeu pour qu’il offre des dizaines voire des centaines d’heures de contenu pour qu’au final le joueur moyen finisse peut-être une fois le jeu en ayant vu 30% de ce dernier, n’ont pas envie de restreindre le contenu accessible à leur public assez volatile.

Ainsi, la restriction qui serait nécessaire à la crédibilité de l’univers ainsi qu’à l’impact que devrait avoir l’incarnation et la personnalisation de l’avatar par le joueur, est souvent absente. Même les spécialistes du RPG simulationniste à tendance naturaliste (allez, on sort les gros mots pour cette fois !) Pyranha Bytes ont concédé quelques petites choses sur ce terrain au fur et à mesure de leurs jeux (notamment Risen 2).

Donc restreindre c’est compliqué, demander au joueur de choisir avec un choix basé sur la fonction “Ou”, c’est le priver d’une partie de ton jeu parce que tu as envie de pour une fois faire du bon travail en tant que maître de jeu…

… Mais arrêtons ici l’extrêmisme, et prenons la défense des RPG plus “dirigistes”…

Marcheur RPG 03
et là ? Une petite trahison.

Je déteste ne pas prêcher pour ma paroisse

Aujourd’hui, même les jeux qui n’ont pas de choix à conséquences nombreuses sortent truffés de bugs. C’est connu, Kotor IIFallout 2Fallout New VegasAlpha Protocol et d’autres jeux à choix aux conséquences nombreuses et importantes, ne sont pas des exemples de finitions impeccables. Et aussi, leur script bordelique basé sur des “Si le joueur a fait ça ALORS” n’ont sans doute pas la maîtrise du rythme ou la maîtrise de l’impact émotionnel d’un événement comme peuvent l’avoir ceux de jeux plus linéaires et plus restrictifs pour le joueur dans ses libertés.

Ainsi, si beaucoup considèrent les trilogie The Witcher ou Mass Effect comme “excellentes”, c’est surtout parce que dans la contrainte de la linéarité de ces deux séries (et je peux vous garantir que The Witcher III malgré son monde ouvert est ultra linéaire, voire parfois sur rail dès qu’il vous demande de renifler le derche d’un monstre pour le chasser en suivant ses traces) ces deux séries vous racontent de fort belle manière un récit qui veut vous amener à des points précis. Le but de ces deux trilogies, c’est de vous laisser avoir suffisamment d’impact sur les à côtés de sa grande histoire pour que vous ayez l’impression que tout dépend de vos actions.

Et cette philosophie qui va avec un personnage joueur souvent imposé sur bien des aspects, peut tout à fait être recevable si elle est bien faite. Moi-même, j’admets qu’il est nécessaire qu’il y ait un minimum d’invariant pour le personnage que l’on incarne (par exemple l’exilé de Kotor II est forcément l’exilé, forcément survivant des guerres mandaloriennes et a connu Revan et d’autres personnages) pour que le récit qui peut être très libertaire fonctionne. Bien sûr, certains vont forcer pour arriver à des goulets d’étranglement où les moyens pour rattacher les parcours de chaque joueur pour correspondre à la volonté de l’écrivain sont un peu trop gros (genre la fin de Mass Effect 3… Ou Mass Effect 3 en entier selon les points de vue) mais bon, encore une fois, quand on fait des choix, il y a des conséquences.

Mais on peut aller plus loin. Si on élargit notre spectre de vision, dans la famille du jeu de rôle sur table, on trouve aussi le genre du “porte monstre trésor” se concentrant sur l’exploration, les combats, la résolution d’énigmes, le pillage d’équipements et la montée de niveau avec le moins d’aspect social possible. C’est aussi du jeu de rôle, je vous l’accorde. C’est pour ça qu’on appelle ça aussi du “Hack’n’Slash” en jeu vidéo, ou Dungeon-Crawler, ou d’autres sous genres que vous saurez retrouver en y réfléchissant un peu, on peut notamment citer Path of ExileGrim DawnDiabloTorchlightLegend of Grimrock… Mais en l’occurrence on a tout un vocabulaire pour qualifier ces jeux que je mets à l’écart du “RPG” traditionnel.

Alors où on classe tous les trucs étranges nés dans les années 2000 ? Fable par exemple ? Système d’alignement, possibilité de se marier, choix manichéens avec conséquences, système de combat reposant partiellement sur des statistiques, possibilité de travailler, de personnaliser son personnage physiquement, de gérer un empire financier… Je dirais que lui, très honnêtement, les aspects qui composent sa formule restent assez superficiels, Fable étant un melting pot d’éléments issus de genres très différents.

Marcheur RPG 04
Les sous-genres de RPG restent pertinents dans leur approche.

Mais justement, le RPG n’exclut pas des éléments de genres qui lui sont extérieurs. Donc comment est-ce que je qualifierais l’aspect “RPG” de Fable, sachant que sur le papier y a à peu près tout qui va, bien que le récit soit tout de même très linéaire mais laisse des choix très conséquents bien que limités à des considérations morales manichéennes “bien ou mal”. Eh bien si j’avais à le juger, je dirais que Fable est un RPG relativement complet, mais superficiel sur de nombreux aspects et compte bien plus sur son récit et son aspect “action” directe pour captiver le joueur, et sa réalisation ainsi que son atmosphère.

Un… Action-RPG. Et pas un RPG-action, parce que le focus semble être sur l’action.

Et c’est là où arrive justement le moment où tout devient un peu bordelique : la création de la notion d’Action-RPG a foutu un bordel MONSTRUEUX dans le jeu vidéo. Tout est devenu dès ce moment bon pour qualifier n’importe quel jeu avec un système de leveling et de progression de “RPG”. Sauf que si vous retracez le peu que j’ai écrit ci-dessus sur le sujet, vous vous rendrez bien vite compte que créer des univers riches et immersifs, avec lesquels on peut interagir et influer par nos actions, y en a pas des tonnes. Y en a d’ailleurs pratiquement plus aucun du côté de l’industrie du AAA, ce qui me conduit à rétorquer face à ceux qui trouvent qu’on a désormais trop de RPG-action dans le paysage ludique actuel :

Non.

Non, ça n’existe plus. On a beaucoup de jeux d’action en monde ouvert avec des mécaniques de progression pour masquer des game design copiés collés où l’on cache derrière des barrières artificielles d’activités répétitives et besogneuses. Des mécaniques de jeux qu’autrefois on avait de base dans les jeux d’action, et qu’on doit désormais débloquer. La seule chose que les jeux AAA ont retenu des RPG, c’est cet aspect de progression, et l’ont appliqué à des jeux proposant des expériences autrefois courtes et condensées pour les transformer en gigantesques Escalator bourrés de contenu inintéressant exploitant une formule sur parfois cent heures plutôt que vingt.

Ce ne sont pas des RPG. Ils font des emprunts à ce que le RPG a introduit dans le jeu vidéo, mais en aucun cas n’approchent philosophiquement ce que l’expérience du RPG veut traduire en jeu vidéo : le jeu de rôle. Celui où on créait un personnage et où le joueur décidait des capacités de son avatar dans l’action ainsi que ses capacités et sa place dans le rôle environnant. Si vous n’avez pas le choix d’influer sur l’univers alentour de manière substancielle, alors vous n’êtes pas un RPG, au mieux vous pourrez être un Hack’n’Slash. Mais là encore, si vous n’avez pas conscience de ce que cela nécessite en termes de richesse de mécaniques de combat et de possibilités de construction des compétences martiales de votre personnage ainsi que le large spectre de spécialisation que ça sous-entend, alors vous serez probablement médiocre.

Et je vais éviter de vous faire la liste des jeux qui se prennent pour des RPG qui sont en fait des similis Hack’n’Slash et qui sont affreusement médiocres, j’en aurais pas assez de 4000 mots.

Marcheur RPG 05

Définir le RPG : c’est pas simple

J’aurais pu développer encore sur certains trucs qui me gonflent (comme le “J-RPG” qui ressemble méchamment plus à des jeux de grinding où on peut influer sur le rôle en combat de son personnage et quelques compétences d’exploration, mais très rarement aura t-on un impact sur l’univers autre que celui décidé par le récit lui-même) mais je veux revenir sur un point qui me paraît crucial.

J’ai tout à fait conscience que si on a une option dans un RPG, elle a été pensée et réfléchie par le développeur, et que la liberté n’existe que dans ce qui est pensé par le développeur. C’est juste. C’est sensé de le dire et de le rappeler. Mais comme toute partie de jeu de rôle, tout dépend des options offertes par le maître de jeu : s’il a décidé qu’un truc vous tombera sur la gueule, ça va vous tomber dessus, pas la peine d’esquiver, c’est le destin, c’est le script, c’est le scénario.

Mais la qualité d’un jeu de rôle, c’est aussi la capacité du maître de jeu à vous maintenir dans l’illusion de contrôle à vous offrir suffisamment d’actions pour que ce que vous avez décidé d’être en tant qu’avatar, puisse s’exprimer. Et ce, sans que vous ayez besoin de vous soumettre constamment à des décisions imposées contraires aux principes de votre personnage.

Marcheur RPG 06
Fallout a longtemps incarné

C’est pour ça que je suis de cette école extrêmement libertaire, considérant que si un personnage existe dans l’univers du jeu : je devrais pouvoir le buter. Avant que vous ne vous rendiez compte que ce que je viens de dire ressemble à un trait psychopathique et que vous n’appeliez les flics : sachez que cette remarque repose sur une logique effroyablement simple. Imaginons que dans Fallout, j’incarne une femme ou un homme qui pense très sincèrement que les goules sont des erreurs de la nature post-apocalyptique et que le monde se porterait mille fois mieux si on butait toutes ces saloperies.

Eh bien j’ai le droit d’incarner un survivant eugéniste. D’accord c’est limite et clairement on peut dire que mon personnage est un infâme fils de pute, mais j’ai décidé que j’incarnerai ce personnage là. Après, peut-être qu’au fur et à mesure de son histoire, le personnage va évoluer et reconsidérer sa position sur les goules (quoique si je les bute systématiquement, ça peut être compliqué qu’elles me convainquent de pas être que des tas de viandes purulentes et dégueulasses… hum) mais en attendant, c’est ce que je veux être, et le jeu devrait m’offrir ce droit.

Voilà, avec cet exemple, j’espère vous avoir montré pourquoi les RPG, ça existe, pourquoi c’est un genre, pourquoi tout le monde ne peut pas prétendre en faire partie ou même s’en inspirer. Il est possible de faire un RPG avec des mécaniques différentes d’un système de progression par montée de niveau ou prise d’expérience selon moi, le RPG est à séparer de l’héritage historique de ce qu’il a pu apporter. Je dirais presque que selon moi, le RPG est avant tout une manière de concevoir les récits et la place du joueur dans ce dernier.

Marcheur RPG 07
pour moi l’idéal du RPG.

C’est à dire d’offrir la liberté aux joueurs de créer un personnage relativement unique par rapport à des dizaines, voire centaines, ou milliers d’autres. Que ce dernier puisse être en interaction avec un univers et un récit dans lequel il doit pouvoir influer de façons diverses et suffisamment importantes pour que le joueur ait le sentiment d’avoir eu un rôle à jouer là dedans.

C’est sur cette idée de RPG sous une forme finalement plus “narrative” que “mécanique” dans la philosophie sous-tendue par le genre que je vais ici conclure. Je sais mon raisonnement sûrement faillible, et parmi les jeux qui se sont inspirés de l’héritage du RPG sur le jeu vidéo, certains sont plus pertinents que d’autres à mes yeux de figurer comme étant des dignes “RPG”, mais comprenez bien que le développement que j’ai fait ici répond à une crise.

Cette crise, elle est identitaire, dans le sens où la mention du genre “RPG” ne dit finalement plus grand chose de précis sur un jeu, pour ainsi dire, la mention est tellement banalisée que je pense qu’on pourrait la coller à tous les jeux avec une dimension de progression des capacités de l’avatar que le grand public (et les développeurs) n’y verrait que du feu. C’est un débat ouvert, probablement indéfiniment, mais quelque part, avec cet article, j’ai l’impression de m’être moi-même un peu rapproché de ce que j’ai toujours ressenti “d’unique” dans le RPG pur “à l’occidental” sans jamais vraiment avoir su mettre les mots dessus.

Bon, sur ce, je m’en vais jouer à Assassin’s Creed Odyssey, le dernier RPG d’Ubisoft.

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code34

Je ne trouve pas the witcher 3 si linéaire que ça, malgré les centaines d’heures passés dessus, je trouve encore des éléments hors quêtes qui sont relatifs au lore.

Les grosses quêtes peuvent avoir des fins bien différentes en fonction des choix (ce qui ne sera pas le cas des petits objectifs)
ex: la quête du baron rouge qui pour moi a été une des quêtes mythique du jeu vidéo