Développé par le très regretté Black Isle Studios et édité par le récemment ressuscité Interplay Entertainement, Fallout a indubitablement marqué au fer rouge le monde vidéoludique.  Si bien que même quinze années plus tard, la licence n’a pas trop perdu de sa superbe et continue à déchaîner les passions, notamment avec le plutôt bien accueilli Fallout New Vegas. C’est là que les p’tits d’jeuns et les somnolents de la rangée du fond vont se dire « Euh, ouais mais comment ? Pourquoi ? Obi-Wan Kenobi ? ». Eh bien, grimpez dans ma DeLorean pour une visite guidée de ce monument du RPG !

Nous sommes fin 1997, et tout ne va pas pour le mieux pour le RPG. En effet, la plupart des gamers n’ont d’yeux que pour la vague déferlante des FPS Science-fiction genre Doom et Duke Nukem 3D. Et le RPG, tenu en laisse dans sa niche, attaché par les poncifs un peu nunuches de l’Heroic Fantasy, manque de plus en plus de popularité depuis quelques années. Et ce ne sont pas les quelques titres, prometteurs mais peu originaux, tel que TES Daggerfall qui risquent d’y changer quelque chose… Pourtant, du fond de son abri souterrain qui sera plus tard baptisé Black Isle, un certain Tim Cain et sa petite bande (dont Feargus Urquhart, le fondateur) préparent une bombe à retardement qui va très vite remédier à cette situation. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une bombe thermonucléaire !

War… War never changes…

Brian Fargo, grand manitou d’Interplay, qui cherchait désespérément un fils spirituel à son Wasteland dont il ne détenait pas la licence, trouva en Fallout l’héritier post-apocalyptique parfait. Mais dans sa bienvenue démesure, le bébé de Black Isle poussait le bouchon Science-Fiction encore plus loin, en l’imprégnant d’une grosse dose de Rétrofuturisme.  En effet, Fallout se déroule dans un futur uchronique où le monde s’est vu subir une évolution technologique radicalement différente de celle que nous connaissons, le Transistor n’ayant jamais vu le jour. Le monde garde alors un lien très étroit avec les années 1950 et leur imagerie. Pourtant, la guerre étant immuable, cela ne l’a pas empêché de sombrer dans un conflit global à cause des ressources énergétiques. Conflit qui, en fait, finit par donner lieu à un holocauste  nucléaire en 2077, décimant une grande partie de la population  mondiale et exposant le reste aux retombées radioactives. Heureusement, quelques-uns furent épargnés en allant trouver refuge dans des abris anti-atomiques…   

C’est ainsi que l’histoire de Fallout prend place en 2161, où vous incarnez un habitant d’un de ces fameux abris dont le “Vault Boy” est la mascotte, l’abri 13. Un abri longtemps préservé de tout contact avec le monde extérieur, mais qui voit sa survie menacée à cause d’une puce de filtrage d’eau défectueuse. Pas de bol, parce que c’est justement vous qu’on a choisi de jeter en pâture au monde dangereux et impitoyable. Et vous avez 150 jours, pas un de plus, pour trouver une puce de rechange dans un autre abri, sous peine de condamner tout ceux auxquels vous tenez à une mort lente et douloureuse. Et cette quête va se révéler n’être qu’une partie apparente de l’iceberg, qui laissera très vite place à des enjeux encore plus sérieux et à une échelle encore plus grande…     

Maybe…

D’emblée, comme tout RPG qui se respecte, on ne nous épargne pas un passage, quoique pas obligé, dans un riche menu de création de personnage. Menu dans lequel se mêlent le fameux système de règles S.P.E.C.I.A.L. et ses caractéristiques (Force, Perception, etc…), le choix d’un ou deux traits de naissance à double tranchant, la gestion de points de compétences (entre divers types d’armes, persuasion, médecine, science et autres) et sans oublier le choix du sexe et de l’âge. Et hop, on valide tout ça, frémissant à l’idée de partir pour un trépidant périple de survie dans le monde inhospitalier des Terres désolées. Mais à votre grande surprise, c’est plutôt les graphismes et l’interface du jeu que vous trouverez les plus inhospitaliers à première vue…

Parce que la 2D isométrique de Fallout est pour le moins fade et austère. On essayera tant bien que mal de se consoler en se disant que c’est le post-apo qui veut ça, mais le fait d’apercevoir les décors plutôt pauvres et les sprites assez grossiers de PNJs, souvent clonés qui plus est, n’aide pas des masses. L’interface, pas vraiment des plus faciles à prendre en main, surtout lorsqu’il s’agit de gérer son inventaire, aura même tendance à devenir pénible lors du commerce avec les PNJs. Ajouté à ça, une IA et un pathfinding pas folichons dans leurs genres ; j’en tiens pour preuve les célèbres zigzags du PJ et la relative bêtise des compagnons autonomes que vous enrôlerez (ou pas) au fil de vos aventures, surtout que la gestion de ceux-là est plutôt limitée et pas commode. Et là l’hésitation s’installe. Là vous vous dites, peut-être qu’il faudrait larguer ce jeu, vilain et lourdingue comme tout… Peut-être qu’il faudrait vite passer à autre chose… Peut-être

You think you can destroy me destroy me?

En tenant bon malgré tout, vous vous apercevrez assez vite que ce n’est pas sa technique à la ramasse qui pourrait espérer avoir raison du monstre Fallout. Oh que non ! Parce que, disons-le tout de suite, les petits gars de l’Ilot Noir signent déjà un coup de Maître qui éclipse très rapidement tous les écueils techniques dont il aurait pu souffrir. Ici, le maître mot, c’est la liberté. Liberté qui donne toute son épaisseur à l’univers richissime, et qui laisse le joueur s’imprégner profondément de son ambiance à la Mad Max. Le monde est ouvert, on peut vadrouiller dans toutes les directions et y faire ce que bon nous semble (‘fin, “bon” c’est juste une façon de parler…).

Tout cela se fait dans une optique survivaliste, sans subir les intrusions dirigistes de marqueurs de quêtes ; le “Pip-Boy”, votre journal de bord, ne vous prenant jamais par la main. Mais ce n’est pas le genre de liberté que l’on voit dans de nombreux autres RPGs, et qui se limite souvent à parcourir une carte, y ramasser les objets qui traînent, faire des commissions et trucider des ennemis pour l’appât de l’expérience. Non, ici la liberté est interactive : On n’explore pas qu’une carte, mais beaucoup plus un univers cohérent et complet, en bonne et due forme. Un univers extrêmement réactif aux différentes actions du joueur ; d’où un système de karma et de réputation. Un univers immersif et réaliste. Un univers vivant.

Bien entendu, l’exploration se fait en temps réel. Et en ce sens, pour voyager d’un endroit à un autre, on a accès à une carte satellite du monde, de la Californie plus précisément. Une carte à découvrir tout au long de la quarantaine d’heures nécessaire pour bien explorer les environs. Ces voyages sont alors agrémentés de diverses rencontres aléatoires, hostiles ou amicales, pour pimenter le tout. Dans les situations de combat, le jeu bascule au tour par tour, avec  la gestion de points d’actions et dans les règles de l’art. Ce qui promet des affrontements pas mal tactiques, précis et réfléchis.

Il est notamment possible de cibler une partie du corps de l’adversaire et au fur et à mesure des gains de niveaux, à coté des points de compétences, on pourra acquérir divers Perks, des espèces de talents qui procureront des bonus très sympathiques à exploiter, pour ne pas dire bien délirants parfois. Dès lors, les combats peuvent s’avérer assez jouissifs et entraînants. Pourtant, il faut dire que les combats n’ont pas vraiment été la priorité dans Fallout et qu’il y a plus stratégique et plus poussé dans le genre. Ici on a préféré se concentrer sur l’aspect social et les dialogues, et en ce sens Fallout se présente comme un des rares RPGs que l’on peut pratiquement finir sans mener le moindre combat, rien qu’avec du social et un peu d’infiltration. Un véritable havre de pacifistes, quoi.  

You’re a hero… But you have to leave.       

Nom d’un compteur Geiger ! Au diable le pragmatisme et disons les choses comme elles sont ! Fallout est un petit chef-d’œuvre d’écriture, bien que les sommets aient étés vraiment atteints avec sa suite.  Son univers sombre, pessimiste mais empreint d’un humour noir/décalé bien inspiré, bardé de références et surtout non-manichéen à souhait. Un univers où même les enfants peuvent faire face à une mort atroce (et ouais Bethy et Obsi !), où la prostitution, la violence, la débauche et la drogue sont monnaie courante – et d’ailleurs à ce propos, Fallout a été un habitué de la censure et des polémiques – où on côtoie les pires rebus de l’humanité, qu’on partage leur décadence et qu’on est aux premières loges face à leur dégénérescence.

Non content d’avoir dépeint un tel univers, on y insuffle en plus une profondeur inouïe à coup de scénario non-linéaire, marqué de considérations philosophiques sur la nature humaine. Et de surcroît, un univers évolutif, très réceptif au role play du joueur, où l’expérience de jeu est sensiblement différente selon les choix du personnage (perso de faible intelligence powa !), les choix des dialogues et les choix des possibilités pour la résolution des situations… Attendez !  Avant de partir, n’oublions pas de saluer comme il se doit le héros qu’est Mark Morgan et son OST atmosphérique de génie, qui constitue l’un des nombreux atouts du jeu.

Hé ! Pas si vite ! Sachez aussi que le jeu est a priori compatible avec les systèmes d’exploitation récents. Dans le pire des cas, il faudra juste passer en mode de compatibilité Windows 95 via les propriétés. Par ailleurs, il est désormais tout ce qu’il y a de plus stable grâce à un patch communautaire plutôt complet et il y a même le tutoriel tout aussi complet qui va avec. En outre, il existe un autre patch, compatible avec le premier, permettant de le faire fonctionner dans de hautes résolutions. A noter que le jeu est disponible aussi bien sur les plate-formes de téléchargement comme Steam et GOG, qu’en version boite chez Amazon et Priceminister.    

Oui, ce premier rejeton de Black Isle ne brille pas par sa technique. Oui, ça a l’air plutôt vieux et peu accessible. Et oui, ce n’est pas de la 3D HD neuneu-proof et clinquante qui fait baver. Pourtant, il s’inscrit à côté des meilleurs RPG jamais produits, un des plus gros succès de la boite, une des plus grosses inspirations RPG de l’époque, et même jusqu’à aujourd’hui, il est défendu corps et âme par un bon paquet de puristes. Un peu plus que son successeur Fallout 2, jugé un peu trop incohérent dans son approche délirante et décalée (l’effet Chris Avellone dans le design), mais non moins réussi et très salué pour sa richesse, sa durée de vie et les possibilités qu’il offre.

Au final, ceux qui feront preuve d’un minimum de largeur d’esprit et qui ne s’arrêteront pas à l’apparence peu attrayante des Fallout, y trouveront assurément une expérience RPG des plus complètes et des plus saisissantes. Les autres, qu’ils servent de pâture aux mutants !  Ouais, c’est vache de dire ça, mais Moo, je dis…

+ Univers original soutenu par une ambiance trash
+ Liberté interactive et immersive
+ Un bijou d’écriture et de role play
+ Scénario accrocheur et non-linéaire
+ Gameplay plaisant doté d’une rejouabilité accrue

Note testeur 09 sur 10

– Techniquement inégal (Graphismes, interface et IA)

La vision de Killpower :
Fallout
ne paye pas de mine aujourd’hui, mais qu’est ce qu’il était bon à l’époque. Tout était super dans ce jeu (dialogues matures parfois décalés dépendants de votre intelligence, combats au tour par tour, design, délire post nucléaire) sauf peut-être la durée de vie, car vous aviez 150 jours pour trouver la solution, après c’était le game over. Et puis, il y avait l’interface pas franchement ergonomique à l’époque et les bugs qui étaient légions à sa sortie.
08/10

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