Il y a une dizaine de jours paraissait un très court article sur PCGamer retraçant rapidement l’historique du studio CD Projekt RED et celui de ses jeux. Bien qu’incomplet, il a le mérite d’être clair et assez intéressant, raison pour laquelle nous vous proposons aujourd’hui une traduction de l’article en question. Vous pouvez toujours lire notre test du premier The Witcher ici, et je ne saurais que trop vous conseiller le livre L’Ascension de The Witcher : Nouveau Roi du RPG, disponible aux éditions Third, si d’aventure le sujet vous intéresse.

Vous pouvez retrouver l’article original à cette adresse.

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Depuis les imports de D&D jusqu’à la redéfinition totale du RPG fantasy.

CD Projekt RED est un phénomène qui n’aurait pu se produire qu’en Pologne, et pas à nimporte quelle epoque : celle des années 90. C’est une période qui explique bien plus que le titre ridiculement anachronique du studio. Ce n’était pas seulement l’âge d’or du CD-ROM, mais également l’âge d’or de la piraterie, du moins dans l’ancien Bloc Soviétique. Sous le joug communiste, sans aucun moyen d’accéder légalement au marché Occidental ni sans véritable loi concernant le copyright, la culture PC Polonaise grandit dans les marchés de rue, où les jeux étaient vendus l’équivalent de 3£ le CD, selon l’excellent rapport et spécialiste de The Witcher chez Eurogamer, Robert Purchese.

Tandis que le rideau de fer se levait, les entreprises locales, notamment deux jeunes gens pleins d’espoirs appelés Marcin Iwinski et Michał Kicinski, pouvaient enfin importer et vendre légalement les plus gros jeux du moment. Mais ce faisant, ils auraient dû concurrencer les Capitaines Kidd et les Calico Jack qui eux aussi avaient flairé le bon filon.

En guise de première sortie, le tout nouveau CD Projekt choisit le Baldur’s Gate de Bioware. En sa faveur était le fait qu’il venait en pack de 5 disques, réduisant la possibilité pour les pitates de le vendre au rabais. Et vu qu’il s’agissait d’un RPG, il était bâti autour des mots que CD Projekt pouvait traduire intégralement tout en en appelant à des acteurs locaux connus pour doubler les rôles principaux.

Et pour couronner le tout, la proposition offrait un luxe que ne pouvaient se payer que les plus gros jeux PC à l’époque : une carte sous forme de parchemin, un CD audio ainsi qu’un livre de règles pour D&D. Malgré la compétition des prix les plus bas, les ventes furent stratosphériques, et CD Projekt mit au point son principe fondamental : toujours faire plus qu’attendu.

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Des débuts simples

Baldur’s Gate offrit à CD Projekt bien plus qu’un premier succès en termes de ventes, bien sûr : il donna à l’entreprise un plan pour ses propres efforts de développement. Durant le processus de localisation, elle internalisa les crises du fer et mauvais augures de la Côte de l’Épée, la façon dont Baldur’s Gate mélange problèmes sociaux et économiques avec des liens aux dieux et comment il vous demande de gérer tout ce bazar. The Witcher demanda cinq ans et bien plus de fonds que les affaires le demandaient à l’époque, mais l’influence de BioWare fut manifeste dans le résultat.

CD Projekt connaissait Greg Zeschuk et Ray Muzyka suffisamment bien pour acheter une licence pour l’Aurora Engine, et les deux docteurs donnèrent même à leurs cousins Polonais un coin de leur stand à l’E3. (Ne vous y trompez pas : Bioware était derrière The Witcher. J’ai vu Geralt pour la première fois lorsqu’un artwork très dramatique apparut dans le launcher de Neverwinter Nights, à un endroit normalement réservé aux extensions du jeu.)

Grâce à l’expertise d’une demie-décennie d’avancements atmosphériques et visuels, CD Projekt mit la technologie de Neverwinter Nights à rude épreuve et avec bien plus d’ingéniosité que BioWare ne l’avait jamais fait. Déplaçant la caméra de la vue isométrique à l’épaule de Geralt, le le jeu plaçait le joueur dans la crasse de la faune et la flore de Wyzima. Et il y avait vraiment quelque chose de valeur dans tout cela : même si The Witcher avait ses problèmes, le jeu possédait aussi un petit quelque chose d’unique dans le genre.

Depuis le changement vers la 3D, les fans de RPG Occidentaux étaient devenus résignés quant aux animations rigides et aux conversations maladroites : les échanges obligatoires pour obtenir échelle et réactivité. Et pourtant, malgré son manque de pedigree et équipe d’anciens banquiers et docteurs, CD Projekt fit passer les standards à une nouvelle étape. Aucun de ses pairs ne pouvait offrir la vision de Geralt réalisant des pirouettes en coupant la tête d’un Noyeur de ses épaules bleuâtres, laissant le monstre en ragdoll dans la rivière battue par la pluie d’où il venait.

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Moindres maux

Même lorsque BioWare sortit Dragon Age: Origins deux ans plus tard, sa propre suite spirituelle aux jeux D&D des années 90, il ne parvint pas à égaler The Witcher quant aux dangers de la nature sauvage, un trait que Baldur’s Gate avait mis en exemple une décennie auparavant. C’était la première fois que CD Projekt avait surpassé ses mentors de chez BioWare, et cela ne sera pas la dernière fois.

Regardez simplement les Gardes Gris. Rétrospectivement, l’ordre des guerriers de Dragon Age est un écho clair à Geralt : un clan de chasseurs de monstres solitaires méprisés par la société, soumis à un étrange cocktail durant leur entraînement et qui tue la plupart des initiés pour ne garder qu’une poignée de mutants d’élite. Puis il y a les elfes, une classe inférieure pauvre vivant son existence en marge de la civilisation humaine dominante. BioWare cherchait une version plus sombre de D&D qui finit par se lire un peu comme The Witcher, mais sans le nom de la licence. En contraste, CD Projekt, avait l’avantage de travailler avec un matériau source déjà adoré en Europe de l’Est.

Les histoires d’Andrzej Sapkowski avaient commencé comme des réécriture comiques et tordues des contes de fées, mais devint par la suite un canon pour la Fantasy Polonaise : un monde ravagé par les goules et les striges, venant d’un pays ayant connu son content de fantômes après l’occupation de la Seconde Guerre Mondiale. En 2007, la culture jeux-vidéo était totalement prêt à accueillir une fiction se moquant des grands chevaliers en armure au-dessus de tout reproche. Après Fable et Knights of the Old Republic, les fans de RPG étaient prêts à plonger dans un monde moralement gris.

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Ker-punk

Il serait faux de dire que CD Projekt arrive à la hauteur de Sapkowski quand il s’agit de raconter son intrigue : le premier jeu n’arrive souvent pas à imiter parfaitement son style, reprenant ses thèmes et ses citations quant au moindre mal directement des livres. Mais au fil de ses deux suites, le studio a montré son talent pour l’adaptation, capturant même l’essence de la relation romantique “vont-ils se tuer ou non” entre Geralt et la sorcière Yennefer.

Comme les originaux de Sapkowski, les histoires de CD Projekt sont brillantes : sentimentalistes et mélodramatiques, entre autres choses. Le studio de développement a bâti le lit dans lequel se prélasse maintenant la série Netflix, avec le succès mondial qu’on lui connaît.

À chaque jeu The Witcher successif, CD Projekt a renforcé sa règle d’en donner plus qu’attendu: donnant des éditions enhanced gratuitement des mois après la sortie initiale du titre, bien avant que les jeux-services ne viennent bousculer les normes. Le studio s’est bâti une solide réputation de générosité qu’il est aujourd’hui possible de retrouver dans un autre développeur d’excellents RPG, Larian.

Cyberpunk aurait dû être le projet suivant parfait : une autre licence établie depuis longtemps, via un autre médium, truffée de particularités permettant à CD Projekt de ne pas rater, dans sa façon si exemplaire de le faire. Et pourtant, dans les années d’anticipation ayant précédé la sortie de Cyberpunk 2077, le studio a vendu au monde une combinaison impossible de The Witcher, de Deus Ex et de GTA.

Les attentes ayant été montées à un niveau historiquement haut pour l’industrie, le studio a manqué pour la première fois à sa promesse, et devant un public plus grand que jamais. CD Projekt retournera néanmoins probablement dans la lumière avec The Witcher 4, mais alors que le studio panse ses blessures, il est raisonnable de penser qu’il n’oubliera jamais son principe premier : surpasser les attentes. Et, tout aussi important, de ne pas trop promettre.

L’article original est disponible ici.

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Killpower

Merci Vincent pour cette traduction.