Je vous propose de découvrir une interview du directeur du jeu de Eastern Exorcist, Shao Yan, effectuée auprès de Gamasutra le 2 octobre dernier. C’est un action-RPG asiatique dont on n’a pas encore parlé et c’est donc l’occasion de faire connaissance avec ce titre qui est sorti en accès anticipé en août sur Steam (Windows 7+).

Bande-annonce.

L’histoire derrière Eastern Exorcist, le jeu d’action RPG en 2D à défilement horizontal, de Wilfire Games, est très intéressante. Le petit studio chinois a commencé à développer ce titre sur un canapé de seconde main dans une toute petite pièce chichement éclairée, mais malgré ces humbles débuts, il a réussi à décrocher un contrat d’édition avec le média géant Bilibili qui annonce une version en accès anticipé, voire une sortie complète sur PS4 et PC. 

Nous apprenons que l’esthétique est inspiré de l’opéra chinois, une antique forme d’art qui combine et exagère des éléments tels que la musique, la danse, le mime, la comédie, la tragédie, les acrobaties et les arts martiaux.

Curieux de savoir comment Wilfire Games avaient peaufiné et intégré leur approche lyrique vers l’animation, nous avons retrouvé le directeur de jeu de Eastern Exorcist, Shao Yan, pour une rapide interview.

L’interview suivante a été publiée pour plus de clarté.

Gamasutra : J’aimerais en savoir un peu plus sur vos processus d’animation, à commencer par le personnage jouable. Comment avez-vous animé le protagoniste en vous assurant que les attaques paraissent à la fois fluides et puissantes ?

Shao Yan : C’est sympa de votre part de dire ça mais je pense qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité de notre animation. Parlons de notre approche générale de la conception, qui est une combinaison d’images-clés dessinées à la main et d’images intermédiaires faites avec un logiciel. La production d’animations en 2D a ses avantages. Comparé aux animations en 3D, l’exagération et la déformation qui apparaissent dans les animations en 2D, et qui semblent bafouer les lois de la mécanique, sont plus expressives.

C’est un avantage de l’animation traditionnelle, et nous jouons dessus. Pour ces images-clés dessinées à la main, en particulier concernant les animations en mouvement, il faut énormément de patience et d’attention au détail car cela concerne beaucoup d’aspects du personnage. Honnêtement, c’est un travail de titan. 

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Quel a été le plus gros défi à relever en créant ces animations ? Y a-t-il eu un ensemble de mouvements ou d’attaques spécifiques qui a été particulièrement compliqué à animer ? Comment avez-vous surmonté cette difficulté ?  

Yan : Le plus gros défi pour nous a été de combiner au mieux les images-clés dessinées à la main avec celles du logiciel. Jusqu’ici, nous avions tous travaillé sur des projets 3D, alors revenir sur de la 2D avec Eastern Exorcist revenait à apprendre et maîtriser tout un tas de techniques qui étaient nouvelles pour nous. 

En plus, le jeu comporte quelques animations basées sur des mouvements d’arts martiaux tels que tourner autour ou se retourner. On savait que si on voulait que cela rende bien, on devait le faire à la main. Cependant, une animation faite entièrement à la main aurait pris bien trop de temps alors nous avons dû faire en sorte que l’ensemble de ces images-clés et celles générées par le logiciel s’articulent harmonieusement. De ce fait, combiner au mieux ces deux sortes d’images a été le défi le plus difficile à relever tout au long de la production. 

Du début de la production à aujourd’hui, le logiciel que nous avons utilisé a changé deux fois et les moyens d’action de notre protagoniste ont, eux, changé trois fois. Prenons par exemple l’animation que nous avons utilisée pour les mouvements de « parade » – nous avons essayé au moins 10 versions différentes. L’utilisation des ressources de performance pour quelques actions a été également compliquée à débugger, de sorte que nous devions repartir de zéro avec ces mouvements. Il n’y a pas de raccourci. Il faut de la patience, c’est du travail de fourmi.

Quels outils avez-vous utilisés pour animer vos personnages et leurs attaques ? Quelles sortes d’avantages et de désagréments ont-ils apportées ?  

Yan : Nous avons utilisé Unity3D, mais aussi Spine et Photoshop. L’avantage de ce logiciel  est qu’il accélère l’efficacité. En fait, nous avons envisagé le plan de production de l’animation à la main et de l’action 2D plus par rapport à l’effet, l’expressivité et le coût de production.

Avec la méthode d’animation des personnages en 2D dessinée à la main, au moins le résultat est visible de suite. Et nous pouvons mieux le contrôler. D’un autre côté, nous étions relativement à court de personnel pour LA partie 3D, et nous sommes un peu inquiets du fait que la restauration du rôle en 3D n’est pas assez bonne mais également par rapport à son potentiel coût de production.

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Les joueurs peuvent déployer toute une gamme d’attaques, des simples coups aux frappes et sorts imprégnés de magie. Comment avez-vous utilisé l’animation afin de créer un langage visuel qui permettrait aux joueurs de comprendre facilement ce qu’il se passe à l’écran ?  

Yan : Notre objectif est de refléter la relation primaire et secondaire tout en maintenant une faible saturation de l’ensemble des nuances de gris. Nous espérons que le graphisme, dans son ensemble, sera intuitif, car il intègre le rôle, la scène, les effets spéciaux, l’interface utilisateur et d’autres éléments. En tant que jeu d’action, nous devons équilibrer ces éléments sinon la saturation à l’écran sera trop importante et les joueurs risquent d’avoir du mal à assimiler les détails importants.

Nous avons peint la scène avec de l’encre de type chinoise, comme c’est un thème majeur, ce qui lui a donné ce style artistique évident mais l’a aussi doté de nuances de gris. Nos personnages sont légèrement plus voyants que les scènes qu’ils occupent et produisent des effets dynamiques colorés, leur permettant ainsi de se démarquer lors d’un combat. 

En tant que jeu 2D à défilement horizontal, les joueurs peuvent attaquer dans de multiples directions. Comment avez-vous créé l’animation pour ces attaques et ces mouvements multidirectionnels, assurant des transitions en douceur et de la fluidité, en sachant que les joueurs peuvent éliminer des ennemis dans tous les sens.

Yan : Dans le processus de production d’une animation, le mouvement est fixé, mais l’effet de déplacement doit être plus pris en considération. En outre, nous avons mis en place le programme du jeu vis-à-vis de la gravité, du pilotage et d’autres interfaces de réglage connexes afin de rajouter du réalisme ainsi que de la souplesse à la correction d’erreurs. À l’inverse des jeux en 3D, ceux en 2D ne possèdent que des attaques allant dans des directions soit horizontales soit verticales, et le contrôle de la caméra est relativement simple.

Cependant, simple ne signifie pas facile, parce que les joueurs ont tendance à plus se concentrer sur l’action. S’attaquer à des images de grande classe, à des écrans de discussion interactifs, à des effets grandioses, à des effets sonores, cela peut paraître simple pris individuellement, mais pris ensemble, il faut énormément de temps pour les configurer de façon à ce que le tout s’harmonise au mieux.

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En ce qui concerne les ennemis, comment avez-vous utilisé l’animation pour leur donner à chacun un sentiment clair d’identité, permettant aux joueurs d’appréhender et de contrer leurs schémas et comportements d’attaque ?

Yan : Je pense que c’est un domaine que nous continuons d’améliorer et d’ajuster. Peu importe que nous parlions de jeux d’action en 2D ou en 3D, dans des jeux comme les nôtres, l’action de départ, avant que les monstres attaquent, est très importante pour les joueurs car cela leur permet d’identifier les mouvements du monstre.

Nous avons essayé de rendre l’action de départ des différents monstres aussi claire et identifiable que possible afin que les joueurs puissent adapter leurs routines de combat par l’apprentissage et la répétition. Dans l’ensemble, je pense que l’identification du design dans les titres en 2D est plus complexe que pour les jeux en 3D, donc nous cherchons à nous améliorer dans ce domaine en ajoutant des petits trucs par des effets sonores ou des effets spéciaux, annonçant les actions de départ des attaques de monstres.

De manière plus générale, quelle aura été la plus grande leçon que vous tireriez d’avoir travaillé sur l’animation de Eastern Exorcist ? Une « règle d’or » que vous pourriez appliquer à vos futurs projets ou transmettre à d’autres développeurs.

Yan : La chose la plus importante que j’ai retenue est que bosser sur des jeux en 2D, c’est super dur ! Je pense qu’il est essentiel d’être patient et attentif. C’est un état d’esprit très important à avoir lorsque vous fignolez votre jeu. J’espère que nos futurs projets prendront quelques détours, et peut-être qu’ils intégreront des éléments de RPG, d’exploration, d’armes, ce genre de choses.

Nous pouvons toujours améliorer et créer des jeux meilleurs. De toute façon, je pense que la chose la plus précieuse à retenir, comme je l’ai dit auparavant, c’est le développement de la patience et de l’attention, qui, à mon sens, sont les traits qui vous aideront à vous grandir dans le futur.

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