Bon. La sortie de State of Decay 2 le 22 mai 2018 fut un véritable crève coeur pour moi. Grand fan du premier épisode, en témoignent mes quelques cent heures sur ce dernier, j’ai été frappé par les bugs pourrissant l’expérience de ce second opus ainsi qu’une certaine vacuité se dégageant de l’aventure au global, avec un scénario plus qu’en retrait. Vous avez ici globalement mon avis sur le jeu original à l’époque. Le 11 juin 2019, ce fut l’occasion pour le jeu d’accueillir un add-on significatif : Heartland.

Situant son action dans la même région que celle du premier opus, l’emphase était cette fois sur deux nouvelles histoires : bien mieux narrées et plus immersives. Après ce petit baume au coeur, State of Decay 2 a décidé de faire peau neuve dans la Juggernaut Edition, disponible depuis le 13 mars 2020 sur Xbox One, Windows et pour la première fois sur Steam, les promesses sont nombreuses. C’est à cette occasion que j’ai redonné une chance au jeu de survie en territoire zombie d’Undead Labs, édité par Xbox Game Studios, pour aller vérifier que le titre s’est en effet vraiment racheté une conduite, ou s’il demeure un bug interactif vide de sens… La réponse va être longue.

Un honnête ravalement de façade

Bien sûr, on ne va pas se mentir : si on a aimé le premier State of Decay, ce n’est pas pour ses graphismes au mieux passables. Mais au regard du changement de moteur pour sa suite, passant du Cry Engine à l’Unreal Engine 4.0, on pouvait s’attendre à de grosses améliorations. Malheureusement, si le jeu était évidemment plus fin : les éclairages passables, les couleurs délavées, les modélisations grossières et les environnements vides n’ont pas aidé le titre à se dégager du sentiment d’une série qui ne réussit pas à s’embellir.

Fort heureusement, la mise à jour “Juggernaut” probablement poussée par des nouveaux recrutements de développeur dans le studio, voit l’arrivée de personnes plus expertes dans le moteur d’Epic Games. Le résultat – sans être transcendant – reste tout à fait remarquable : densité de végétation, éclairages, textures, modèles de personnage, tout semble plus travaillé et réussi, sans pour autant toucher à une fluidité impeccable sur Xbox One et Xbox One X.

Ce changement ne permet pas à State of Decay 2 de faire arme égale avec le reste de la production, certes, mais avec son prix doux de trente euros et son statut de AA assumé, le jeu d’Undead Labs apparaît visuellement finalement compétent, et surtout massif dans ses environnements ouverts et foisonnants de lieux à découvrir. On regrettera par contre la direction artistique tout à fait quelconque et un global manque de variété dans les endroits à découvrir, signe d’un studio qui a privilégié la quantité d’espace à la grandeur de son jeu, à la qualité de réalisation de ce dernier.


Si le visuel se montre désormais honnête faute d’être renversant : le département sonore s’en sort admirablement bien. Entre les compositions de Jesper Kyd sublimant l’aspect survie contemplative qui peut se dégager des moments d’exploration du titre, et les bruitages sacrément percutants des divers zombies, Undead Labs ne se moque de personne. Le studio profite même de cette édition pour retravailler les bruitages des coups que l’on donne au corps à corps, mais aussi des armes à feux, faute de corriger l’agaçant bruit des moteurs de voiture.

Si l’on demeure donc toujours critique à l’égard de la présentation, il faut reconnaître que cette dernière fait désormais meilleure figure que par le passé. Mieux encore : l’immense – et je dis bien – l’IMMENSE majorité des bugs qui détruisaient l’expérience sont désormais de l’histoire ancienne. Il doit bien subsister ici et là deux trois choses qui font tache, mais State of Decay 2 est maintenant un jeu stable, débarassé de son défaut majeur, ce qui permet d’aborder bien plus sereinement le coeur de l’expérience : le gameplay et la survie.

Construire un avenir… la boule au ventre

Dans son mode de difficulté normal (il y en a deux autres au dessus, pour les masochistes) State of Decay 2 paraît relativement aisé. Pour ainsi dire, si vous exploitez correctement les mécaniques de jeux, vous ne serez guère inquiété que par les zombies spéciaux, ou les coeurs de peste (qui représentent les challenges principaux du jeu, des masses organiques à détruire attirant autour d’elles des zombies pestiférés vous infectant, pouvant vous transformer si vous ne vous soignez pas). Mais c’est tout le sel de State of Decay : vous faire croire que vous êtes en sécurité pour mieux vous rappeler, au pire moment, que si vous perdez un personnage, c’est pour toujours.

Ainsi, que vous le vouliez ou non : la mort est permanente dans State of Decay 2. Que votre personnage soit un survivant de longue date (voire de début de partie) ou une toute jeune recrue, sa mort est définitive. Cette perspective est d’autant plus probable si vous négligez l’état de santé de votre avatar : plus vous l’utilisez sans lui permettre de guérir de ses blessures (influant sur sa santé et son endurance maximales) ou se reposer, plus il sera vulnérable aux attaques. Ainsi, la fatigue, la faim, et la santé des membres de votre communauté, sont des données à ne pas négliger.

J’ai dit communauté ? Oui, car dans State of Decay 2, vous êtes aux commandes de multiples personnages. Que ce soit un groupe de 2, ou de 10, vous pourrez contrôler et devrez gérer chaque personnage. Sachant que chaque profil a des avantages et des inconvénients : votre bagarreur est un as de l’infiltration, du combat, du tir et de l’endurance ? Malheureusement, il peut aussi être une vraie tête de con et pourrir la vie des autres résidents de la communauté lorsqu’il n’est pas en mission. Tous les paramètres sont à prendre en compte : passe-temps, personnalité, points forts et faibles, et si vous parnevez à lire les besoins de chacun, vous pouvez constituer un groupe soudé capable de surmonter maintes épreuves et contribuer à la vie en communauté.


Bien sûr, un groupe de 3 dans une maison de campagne, ça peut passer. Mais plus vous serez nombreux, plus il faudra envisager de choisir une base plus grande, ou du moins, d’aller en conquérir une. À force d’évoluer dans votre partie, vous devrez apprendre à vous faire des alliés parmi les autres groupes de survivants, afin de faire face à la menace des coeurs de peste et autres zombies exotiques.

Bien sûr, State of Decay 2 ce n’est pas que la gestion d’une base et ses différentes installations (jardin, dortoir, atelier, réserve d’eau…) c’est aussi un jeu dans lequel l’exploration, l’action et l’infiltration sont autant de facettes de son gameplay… Ce qui nous conduit à…

La guerre ne change jamais

… L’exploration du monde de State of Decay 2. Pour faire face aux zombies, vous aurez droit à des attirails de 3 types : armes de corps à corps simple et à une main, armes à deux mains (nouveauté de la Juggernaut Edition) et armes à feu. Je vous arrête tout de suite : ici les sensations de frappes et de tirs sont tout à fait scolaires, pour ne pas dire molles. Heureusement que les exécutions d’ennemis demeurent plus convaincantes, car la visée aux armes à feux est très perfectible et imprécise, et les combats au corps à corps sont mous du genou.

Mais ce n’est pas vraiment les sensations de jeu pures des affrontements qui comptent, c’est plus la tension derrière. Se faire attraper par un zombie : c’est chiant, se faire attraper par six zombies, c’est mortel. En ce sens, State of Decay 2 compte plus sur le danger des affrontements que les qualités ludiques de ses contrôles (largement améliorés sur cette édition, finies les combinaisons de touches absurdes) pour procurer des sensations de jeu intéressantes aux joueurs.

Et pour le coup, State of Decay 2 distille ainsi quelques rares, mais savoureux, moments de tension intense durant lesquels il sera difficile de ne pas ressentir ce frisson le long de l’échine qui vient nous dire “Ah… Je n’aurais pas dû m’en sortir là.”

Et si vous venez à mourir ? Et bien vous pourrez toujours venir chercher les affaires de votre défunt sur son cadavre encore chaud. Et si vous perdez tous vos personnages ? Le jeu se fendra de vous offrir un nouveau personnage tout frais, qui devra recommencer sur les cendres de votre précédente communauté.


Sinon, il y a bien évidemment la voiture, qui permet de transporter plus de marchandises afin de permettre à votre communauté de subvenir à ses besoins, ou même d’écraser masse de zombie et ouvrant les portières pour plus de tripailles sur la carosserie… Oui, c’est le plaisir coupable ultime de l’expérience State of Decay.

Une expérience à la carte

Mais tout ceci, se déroule essentiellement sur 4 grandes cartes, plus ou moins bien bâties, dans lesquelles on vit surtout des événements générés procéduralement sur une trame globale qui n’occupe pas plus de 30 heures. Bien sûr, quand on a écumé le contenu d’une carte en éradiquant tous les coeurs de pestes, on peut déplacer sa communauté sur une autre carte pour un maximum de 4 cartes vidées de leur contenu avec une seule communauté. Lorsque vous aurez décidé que cette aventure est finie, vous pourrez mettre au point “l’héritage” de votre groupe, qui constitue un ensemble de bonus/ressources/personnages dont vous pourrez jouir dans une toute nouvelle partie.

Si tout ce côté “procédural/mécanique” est intéressant, il sera difficile pour de nombreux joueurs de ne pas trouver tout ceci un peu vain, sans la couche narrative nécessaire essentiellement due aux interactions entre les personnages, souvent assez mal menées d’ailleurs.

Fort heureusement : le mode “Heartland” permet d’explorer une carte avec une difficulté accrue, avec 2 campagnes aux histoires d’une durée principale de 15 heures chacune, se concentrant sur la narration plus que la gestion/survie. Sans être très bien mises en scène, ces histoires demeurent bien plus convaincantes et intéressantes que le scénario de base du jeu. En plus de ce “Heartland“, on trouve aussi le mode “Daybreak“, qui est basiquement un mode de jeu où l’on tue des vagues de zombies, parce qu’après tout pourquoi pas.


State of Decay 2 est donc un jeu tricéphale, proposant énormément de contenu. De quoi satisfaire les demandes d’un peu tout le monde en proposant un contenu tout à fait massif. On ajoutera que désormais, l’absence de défauts de finitions majeurs, permet à State of Decay 2 de jouir pleinement de son ambiance délicieusement faussement paisible, en offrant quelques belles sueurs froides aux joueurs.

À bien des égards, State of Decay 2 demeure, malgré de nombreuses corrections et ajustements, un jeu profondément imparfait. À peine convenable visuellement, un peu mou sur les bords, souvent rébarbatif dans sa structure principale et misant plus sur la quantité que la qualité, le jeu d’Undead Labs jouit par contre d’une proposition ludique unique et d’une expérience à la carte des plus impressionnantes.
Rempli à ras bord de contenu, offrant de beaux moments de tension, suivi avec amour par ses développeurs et résolument dévoué à écouter sa communauté, State of Decay 2 est passé de catastrophe à proposition sincère et intéressante. De quoi offrir à ceux qui imaginent l’expérience de survie en territoire zombie comme vraiment impitoyable et n’ayant pas peur de porter le deuil de leurs personnages fétiches sur un sombre concours de circonstances, le jeu d’Undead Labs parvient à se hisser comme un immanquable. Imparfait, mais terriblement attachant, sans doute la marque des jeux qui durent dans le temps.

+ Tous les ajouts de la Juggernaut Edition sonnent juste
+ Une expérience impitoyable
+ La dimension gestion, immersive et digeste
+ Du contenu en veux-tu, en voilà
+ Une offre variée malgré tout

Note RPG 3 sur 5
Note testeur 07 sur 10


– C’est encore un peu laid
– C’est toujours assez rébarbatif
– L’absence de mise en scène fait mal à la narration
– Manque de variété dans les environnements
– Le bruit de moteur des bagnoles… Un défaut à part entière

S’abonner
Notifier de
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments