Un peu de rigueur que diable ! Avec le confinement, je deviens une larve, incapable de faire quoi que ce soit de constructif, il faut dire que passer les cours en amphithéâtre à s’emmerder, cela aide largement à ma productivité. Après ce propos révélateur, présentons les choses proprement : The Surge 2 est la suite d’un “Souls-like” développé par Deck 13 en 2017 pour le compte de Focus Home Interactive.

On retrouve l’éditeur et le développeur à peine deux ans et quatre mois plus tard pour signer une suite qui n’a qu’un seul objectif : faire mûrir une formule déjà très enthousiasmante, pour faire de la franchise The Surge une valeur sûre pour les amateurs des jeux From Software (et probablement les amateurs de BDSM mais c’est un autre débat). Avec ce nouvel opus, le moins que l’on puisse dire, c’est que Deck 13 a eu le courage de revoir quelques fondamentaux, mais a surtout eu la décence d’affûter toutes les qualités de son premier essai pour faire de cette suite une réussite presque totale.

Beau comme un camion

Vous aussi vous n’avez jamais pigé cette expression ? Je pourrais vous faire un cours pour vous expliquer la signification de cette dernière et toute sa force métaphorique, mais on va la prendre au pied de la lettre parce que pour The Surge 2, ça fonctionne très bien : le jeu est plutôt laid.Je dirais même plus : il est massif, brut de fonderie, avec un style visuel disharmonieux, et la plupart des équipements et environnements semblent avoir été inspirés par un passage chez Leroy Merlin. Tout ressemble plus ou moins à ce que l’Allemagne sait nous offrir de mieux en bon goût visuel, tout est brillant, clinquant, métallique, tout me rappelle plus ou moins le garage de mon père, avec son lot de scie sauteuse, de tronçonneuse, de visseuse électrique…

Bref, on dirait que le jeu fait l’apologie de l’esthétique de l’équipement de bricolage, et le résultat est le suivant : bordel, que c’est laid.Pour un peu, en regardant bien les environnements, j’ai déjà des remontées d’odeur des salles de musculation, dont les bancs en mousse sont imbibés de sueur qui se mêlent aux odeurs du caoutchouc et de la fonte. Oui, si The Surge 2 sentait quelque chose, il sentirait ainsi : un mélange de matos de bricolage et d’équipements de musculation. Restons dans le thème : du sport, il va y en avoir.  


Car là où la réalisation se révèle largement plus léchée, c’est sur les animations. Toutes les classes d’armes ont leurs petites particularités et les animations suivent la puissance des équipements et ainsi, on sentira bien plus l’ampleur de la force des coups donnés pour une arme à deux mains tandis qu’on sentira plus la rapidité et la précision des frappes avec des gantelets de combat. Quelque soit votre arme de prédilection : Deck 13 a assuré que la prise en main et l’impact des coups soient adaptés, donnant aux affrontements une texture à la fois viscérale grâce aux jets d’hémoglobine et d’huile et un dynamisme certain grâce à des animations étudiées.

Pour ce qui est de la musique, on admettra que là encore, ça ne sera pas au goût de tout le monde. Si le thème principal aux accents science-fiction très prononcé trouvera son public dont je fais partie, on sera beaucoup plus dubitatif face aux musiques d’ambiances globalement plates et les musiques de combats qui varient entre le métal un peu mou du genou et l’électro qui manque de lisibilité pour s’avérer pleinement entraînante. Au moins, les bruitages font un bon travail pour rendre les lieux plus hostiles et les coups portés plus impactants.

Carton jaune par contre pour les comédiens de doublage. Malgré une VASTFR qui pouvait nous faire espérer une performance d’acteur relativement solide, l’écriture comme la performance des comédiens font gravement défaut à The Surge 2. Le résultat est bien simple : impossible de prendre au sérieux des échanges pris à la légère par la plume des dialoguistes comme par les interprètes de ces derniers, qui ont eux aussi dû ne pas trop comprendre comment on avait pu écrire des dialogues aussi bancals.

L’histoire décolle… Quand elle va se finir

On va vite se débarasser de l’histoire de ce The Surge 2. Prenant la suite plus ou moins directe du premier opus, on retrouvera quelques références à ce dernier, ainsi qu’un personnage, mais globalement, l’histoire piétine et entretient une fausse atmosphère de mystère tout au long des douze premières heures, de quoi faire monter une sauce qui ne prend pas parce que… Bah pour faire monter une sauce, il faut montrer des éléments qui permettent de comprendre qu’il va se passer quelque chose. N’étant pas le point fort de Deck 13, ce n’est pas tant la qualité de l’histoire de The Surge 2 qui pose souci (car au final elle se tient et propose des idées intéressantes) c’est la qualité de la narration.

Et sur ce plan, entre la narration environnementale qui n’avance rien de rare, les dialogues absolument mal écrits (le ton est inconstant, on baigne dans le comique gras mêlé à des situations sérieuses, à la frontière du désespoir absolu), et une absence de mise en scène à l’exception d’un final qui parvient enfin à se faire épique… Que c’est minable.

C’est d’autant plus dommage que le premier opus, sans être parfait, arrivait aisément à nous rendre empathique de son personnage principal dès le départ avec un habile détail de mise en scène au début de l’histoire. Ici, même le “but” de l’aventure nous paraît bien abscons : on doit retrouver quelqu’un parce qu’on y est lié sans que l’on nous donne la moindre piste du pourquoi et du comment. Alors pour tenter de donner des éléments de narration, le jeu dissémine ça et là des contenus de flash back pas bien passionnants que l’on collecte pour le succès mais pas vraiment pour les éléments narratifs.


Après, pour être tout à fait franc, j’ai plutôt adhéré à la mise en scène des débuts et fins de combats de boss, ainsi que certaines transitions entre les phases de ces derniers. Mais ça fait peu.

À ce point du test, vous êtes probablement en train de vous demander si ce que j’ai écrit en fin d’introduction représente une sorte de troll pour sous-entendre un certain suspens dans le contenu de la conclusion. Je comprendrais aisément que vous ayez des doutes sur la qualité de ce “The Surge 2“, pourtant c’est sur ce qui compte le plus que Deck 13 signe probablement le meilleur Souls-like hors de la production de From Software, donnant probablement même quelques leçons à Nioh et la Team Ninja.

Yharnam et Dark Souls approuvent

Qu’est-ce qui fait la différence entre un bon jeu avec une bonne jouabilité et un excellent jeu avec une bonne jouabilité ? Ici ce n’est pas juste une question à laquelle seuls les Inconnus auraient eu réponse, ça se joue sur comment est conçu le jeu pour exploiter ce bon gameplay. The Surge premier du nom avait une jouabilité solide, avec un système de jeu robuste et intéressant, laissant deviner un potentiel certain, le souci était la conception globale des niveaux, intéressants mais peu lisibles et trop labyrinthiques.

The Surge 2 revoit quelques fondamentaux : fini le système “d’esquives” de parade et de posture casse gueule qui ne permettait d’éviter que quelques coups très précis portés à l’horizontale qui nous forçait juste à privilégier le pas de côté. The Surge 2 introduit donc un système de parade directionnel à quatre options : haut, bas, gauche et droite. Le tout est intégré avec une animation de parade rapide et nerveuse permettant de rendre le système particulièrement dynamique et tactique, car chaque parade coûte une certaine partie de votre endurance selon la réussite de votre tentative.

Une parade parfaitement placée, c’est affaiblir la posture adverse significativement, et à la manière d’un Souls, plus qu’un Sekiro, permet de placer un contre dévastateur. Mais une parade ratée, c’est beaucoup d’endurance en moins, et des dégâts loins d’être significativement amoindris. Il existe un entre deux avec la parade neutre, réduisant significativement les dégâts reçus, mais détruisant presqu’intégralement votre endurance.

Toujours est-il qu’à côté de ça, vous pourrez placer des attaques légères et lourdes, avec un système de combo à la clé qui est désormais vraiment efficient dans la dynamique des affrontements car en complexifiant vos attaques, vous améliorez vos dégâts infligés, ainsi que le rythme de votre assaut, permettant de limiter les fenêtres d’action de vos ennemis pour répliquer. Vous ajoutez à cela des drônes qui sont enfin utiles en combat, permettant de briser des parties d’armure de vos ennemis, de les étourdir momentanément, bref, de vous soutenir. D’autant que cette fois encore, les drônes ont des capacités pour ouvrir de nouvelles zones à l’exploration, à la manière d’un métroïd-vania.


En plus de tout cela, vous pouvez ajouter à l’équilibre du jeu un système de “batterie”. Système qui vient habilement complémentariser les “mods” que vous installez sur votre exo-squelette pour modifier les compétences de votre personnage. Ainsi, si avant vous aviez un nombre prédéfini de charges pour vous soigner à récupérer à chaque fois que vous passiez à l’atelier pour vous reposer et modifier votre personnage, cette fois, vous avez une batterie à gérer.

La gestion de la batterie est simple : attaquez, parez, et vous remplirez les jauges. Chaque jauge remplie, équivaut à une charge de soin, ou une charge d’action pour votre drône. Ainsi, le jeu encourage moins les allers-retours que par le passé, conduisant donc les joueurs à prendre des risques.

Et des risques, The Surge 2 en comporte beaucoup. Avec ses niveaux dont le caractère labyrinthique est désormais bien plus lisible et vertical, dont la conception remplie de raccourcis et de petits secrets force le respect, The Surge 2 propose une grande variété de pièges et de rencontres mortelles avec lesquelles le joueur devra composer.

Bien sûr, vous pourrez compter sur l’environnement pour piéger vos adversaires, mais la complexité de l’ensemble vous forcera à étudier continuellement l’espace pour prendre bonne note des avantages et inconvénients offerts par chaque lieu. Très vite vous vous rendrez compte que les environnements, malheureusement assez peu variés visuellement et à l’aspect très clinique de The Surge 2, compensent largement par le caractère organique de chaque zone et la cohérence ludique qui s’en dégage : tout est à sa place.

Un point sur le bestiaire : les ennemis se montrent retors et agressifs comme il le faut, certains même assez malins, profitant de la complémentarié de certains profils d’adversaires pour vous en mettre plein la tronche. Même si vers le final on retrouve un malheureux recyclage de ces derniers : les boss de The Surge 2 se trouvent particulièrement bien conçus et ingénieux en terme de stratégies et d’enchaînements à apprendre. Ne prenez donc pas à la légère les différentes rencontres.

Avec sa campagne principale courte, mais assez dense, son petit nombre de quêtes secondaires, mais ses niveaux complexes et bien conçus, The Surge 2 vous occupera entre vingt et trente cinq heures selon vos profils et vos compétences de joueur. L’important étant que le jeu ne dégueule jamais de contenu de remplissage et s’arrête à peu près au moment où il a tout dit, voire juste un peu avant, histoire qu’on ait envie d’y revenir avec son excellent système de nouvelle partie où l’on reprend avec sa progression pour une expérience de jeu légèrement différente. De quoi permettre d’exploiter d’autres styles de jeux que l’on aurait pas eu le temps d’expérimenter en première partie.

The Surge 2 n’est clairement pas parfait et compétent dans tout ce qui le compose, seulement, le cœur de sa proposition est en béton armé. Et rien que pour la richesse de son système de jeu et la manière dont l’environnement a été conçu, on ne peut que s’incliner face au plaisir qui s’impose à nous quand on parvient à maîtriser les moindres aspects du titre. Deck 13 signe là de loin son meilleur jeu, le plus varié et le plus dense dans la proposition.
Seulement, il manque encore au studio allemand à imposer une patte visuelle plus charmante et une narration plus maîtrisée pour prétendre au très, très haut panier… Mais quand on voit d’où le studio vient avec l’assez médiocre Lords of the Fallen, on ne peut qu’applaudir la formidable progression de la qualité de leur production, voire se dire que le studio allemand a mieux géré sa suite que le pourtant très réputé studio Team Ninja avec son Nioh 2, qui aurait parié là dessus ?

+ Systèmes de jeux jouissifs
+ Un monde passionnant à explorer
+ Les combats de boss mémorables
+ L’histoire finit par décoller…

Note RPG 3 sur 5
Note testeur 08 sur 10

– C’est esthétiquement très… voilà
– Du recyclage vers le final
– L’écriture globale est catastrophique
– … Mais faut se cogner les douze heures qui précèdent

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