Les jeux pas finis, ça me connaît, vous en voulez une liste à la Prévert ? Star Wars : Kotor II, Fallout : New Vegas, Gothic 3, Recore, We Happy Few, Tyranny… Bon, je vais pas aller plus loin, la blague, c’est que d’habitude, les jeux pas finis, j’y joue quand ils sortent à la fameuse “1.0” mais en fait, on est plus proche de la bêta instable au contenu charcuté qu’à une vraie sortie. Il est rare que je joue littéralement à un accès anticipé, et lorsque ça arrive, c’est souvent parce que le jeu en question a capté ma pleine attention. Tainted Grail donc, le Graal Pollué, le Graal corrompu, on voit déjà l’univers crépusculaire Dark Soulsien qui se profile, et son cortège de personnage aigris, dépressif et résigné pour égayer des paysages dévastés aux couleurs ternes.
On connaît la chanson et la musique, la Dark Fantaisie est désormais bien installée et a le don de commencer à me courir sur le haricot, pourtant c’est ma came, c’est ma dose, mes veines noircissent au souvenir de toutes les aiguilles Dark Fantaisistes qui les ont traversé avant que je n’y injecte la si précieuse dopamine qui perturbe le système de récompense de mon Amygdale. Et je replonge à nouveau, trop excité à l’idée de découvrir un Elder Scrolls-like développé sous Unity par une équipe de trente gaillards. J’ai bien envie de découvrir ce genre de connerie, moi, je veux retrouver le frisson de découverte d’un Morrowind ou d’un Skyrim, mais sans doute est-ce trop demandé ?
L’hommage est évident, presque parodique, Tainted Grail démarre en prison, et on sait ce que ça veut dire, c’est un démarrage à la Elder Scrolls, le destin va vous offrir une seconde chance, une nouvelle vie, vous étiez, et vous allez renaître, l’occasion de créer un personnage, sélectionner quelques compétences basiques, et partir à la conquête (ou plutôt à la reconquête) de l’Avalon, territoire fictif sur lequel se déroule cette relecture des légendes Arthuriennes.
Comme prévu, c’est sombre, c’est glauque, la fin des temps approche et vous êtes là pour contrecarrer le merdier déjà installé et à venir, à grand coup de lames, de masses, de flèches, de verbes et de parchemins magiques, vous allez rechercher Excalibur pour bolosser le mal une bonne fois pour toute (pour la deux cent soixante trois millièmes fois, et oui, la catharsis du récit où le valeureux chevalier pourfend le mal est encore très efficace en l’an de grâce deux-mille-vingt-quatre) et au passage, rendre service à mille quidams parce qu’il faudrait pas que vous loupiez le travail que les développeurs ont investi dans la réalisation d’un univers crédible.
C’est plutôt travaillé d’ailleurs, n’ayant accès qu’au premier chapitre et à sa quinzaine d’heures de jeux, le boulot abattu sur l’univers est assez conséquent, entre la narration environnementale, les quêtes secondaires travaillées, les nombreux documents à lire et les conversations à mener, vous allez découvrir une relecture Arthurienne plutôt emballante. Pas grand chose de bien neuf, c’est désespérant, mais le travail est bien fait, et les personnages de cet univers bénéficient d’un certain entrain plutôt bienvenu. Si le casting est bourru, il est surtout témoin d’une volonté de faire des personnages du jeu des individus résolus à vivre et à confronter la réalité avec hardiesse, ces cons là ne sont pas si désespérés qu’on le pense, du moins du côté des hommes en arme, on ne courbe pas l’échine, on va faire face, même si ça demande sa bonne grosse dose de déni.
Le moral étant bon du côté des vivants, le contraste est assez frappant avec ce que l’on découvre en quittant les sentiers battus : grand dieu que c’est déprimant, morts vivants, squelettes, bandits, paysans et nobliaux rendus fous, noyers, comprenez bien, c’est encore un univers de la sombritude désespérante de l’apocalypse corrompue, tout est noir, plus d’espoir, sauf à ramasser des trucs sur les corps pour acquérir le saint équipement qui nous permettra de pourfendre le mal, mal qui a d’ailleurs une grande faiblesse : de l’homme à la bête, du vivant au mort, tout le monde est résolument con.
Oui, l’intelligence artificielle a pris d’assaut le monde réel, mais dans les jeux vidéo, cela fait longtemps qu’elle sévit à plafonner depuis trois bonnes générations. Conne comme pas deux, les ennemis se montrent incapables de la moindre manœuvre stratégique, allez vous planquer au sommet d’un rocher, prenez un arc, bombardez, et vous verrez en face de vous de la pure sidération : ils ne savent plus rien faire sauf à servir de carquois plus ou moins mobile, plus parce qu’ils pourront potentiellement transporter cinq de vos flèches, mais pas la sixième, celle de trop, qui fera passer la triste IA de vie à trépas virtuel.
Le système de combat est -comme d’habitude- plus adapté au combat au corps à corps, où pour une fois dans un jeu en première personne, les coups ont des impacts, et la palette de mouvement est convenable, coup fort, coup rapide, parade parfaite ou classique, esquive, ça bouge bien, avec une barre d’endurance qui descend et remonte vite, les combats sont rapides et brutaux, sympathique comme tout épée à la main, abrutissant et atterrant arc en pognes, et je suis amateur d’archerie, voyez vous, je suis lésé, je n’ai pas droit de rencontrer le sacro-saint challenge.
Maintenant, parlons du système de progression : “c’est en forgeant que l’on devient forgeron” est le crédo commun de Tainted Grail avec son modèle Elder Scrollsien, plus inspiré de Skyrim que d’un autre, vous monterez vos compétences à l’usage des outils liés aux spécialisations (utiliser un arc fera monter votre niveau d’archerie, user de persuasion fera monter la persuasion, crochetage avec un crochet, bref…) et vous aurez malgré tout un niveau de personnage général qui sera influencé et par la croissance de vos compétences, mais aussi par tout autre action génératrice de points (tuer un ennemi en tête, comme souvent). Le système est classique et plutôt robuste, même si le sentiment de progression est bien davantage lié à vos trouvailles en termes d’équipement que de la prise de compétence de votre personnage. Ce n’est pas au demeurant un défaut, tant le titre compte davantage sur l’exploration, la collecte et les combats pour vous accrocher que la dimension sociale -pourtant significativement présente-.
En l’état, Tainted Grail : Fall of Avalon a des systèmes robustes, et le jeu s’avère assez accrocheur grâce à ses personnages travaillés, son atmosphère crépusculaire et sa structure de jeu ouverte sans être trop étalé. Je lui trouve personnellement un feeling particulièrement plaisant une fois en jeu, l’usage du moteur Unity était au départ questionnant pour moi, mais à l’usage, le titre dégage d’assez belles qualités esthétiques et s’avère techniquement plutôt stable, même si sur la machine sur laquelle j’ai joué (le Steam Deck) il faut bien avouer que l’optimisation actuelle rend le jeu difficile à appréhender, on est plus souvent en train de compter les FPS sur les doigts de nos pieds et mains (malheureusement, parfois ça suffit !) que de voir le nombre d’images par seconde se stabiliser, mais le Deck étant la machine portable qu’il est et le jeu étant en accès anticipé, on attendra de voir la sortie finale pour voir comment le bousin se comporte en conditions réelles.
Tainted Grail : Fall of Avalon, est le premier jeu inspiré des Elder Scrolls qui semble avoir compris et bien dosé les qualités et faiblesses de son modèle. Si tout n’est pas aussi interactif et “vivant” que sur un jeu du Creation Engine, le titre parvient à être suffisamment compétent dans l’exécution de ses inspirations pour ne pas faire pâle figure.
Ce n’est cependant pas pour autant que le jeu se contente d’être inspiré, son ambiance de fantaisie noire, ses combats percutants et son univers propre, explorent des pistes qui diffèrent de ses modèles, et si l’équipe derrière le titre prend le temps et se donne les moyens pour accoucher de la version la plus sublime possible de son projet, on pourrait enfin, voir un jeu de rôle en monde ouvert en première personne digne de ce qu’un Bethesda peut proposer. Affaire à suivre avec enthousiasme, et de mon côté, même grand enthousiasme.
Note RPG : 3 / 5
Note Actuelle : 6 / 10
Note Potentielle : 8 / 10
Trouvable aux alentours de vingt euros en période de promotion, c’est à ce prix que je vous conseille de soutenir l’effort de guerre.
J’ai beaucoup (trop?) d’attente pour ce jeu. Je vais attendre sagement sa release finale.
Merci pour ton avis, Sieur Marcheur.
Merci Marcheur. je l’ai acheté day one suite à la démo et j’attends maintenant sa sortie pour m’y plonger en espérant qu’il soit aussi bon qu’on puisse l’espérer.
Comme dit dans l’avis, c’est déjà fondamentalement un jeu très correct. Mais comme rappelé dans la conclusion (et la distinction entre la note actuelle et la note potentielle) il pourrait faire parti du club assez sélec’ des 8 / 10. Je le vois pas devenir un classique parmi les grands, mais il y a clairement de quoi espérer un très, très bon jeu.
8, c’est quand même la note qu’a reçu un Pentiment ou un Pillars 2, pas de la daube !