Souvenez-vous, il y a un peu plus de deux ans, sortait sur nos plateformes de téléchargement favorites l’excellent Legend of Grimrock, un dungeon crawler oldschool ayant réussi à se faire choyer tant par nos lecteurs que par notre justicier national. Le titre des finlandais d’Almost Human avait alors su ressusciter et moderniser un gameplay vanté par l’une des niches les plus hardcore du jeu vidéo, celle qui ne jure que par les sombres et profonds donjons bourrés d’énigmes, les cartes tracées au crayon à papier ou encore le frisson du loot et de la survie.

Son level design ingénieux, son éditeur de niveaux et sa réalisation remarquable firent le reste, et le titre se vendit à plus de 600 000 exemplaires, attirant tant les vieux routards du genre que nombre de jeunes joueurs, curieux de sensations aujourd’hui bien difficiles à retrouver dans la production rôlistique. Et depuis le 15 Octobre dernier, c’est à sa suite, sobrement dénommée Legend of Grimrock II que peuvent s’adonner les joueurs en manque de déplacements case par case et de pièges fourbes. Mais cette suite, qui fait le pari d’ouvrir largement ses environnements tout en ne retouchant que superficiellement ses mécaniques de jeu, parvient-elle à reproduire la réussite de son prédécesseur ? 

Bigger, richer, better

Le jeu débute, à l’instar de son prédécesseur, par la création d’un groupe de quatre personnages. On retrouve avec plaisir un système de jeu toujours aussi complet pour un jeu du genre, qui se paye le luxe de s’enrichir encore dans cette suite. On note ainsi, en marge de l’arrivée des homme-rats, qui font de très bons alchimistes, l’apparition de 5 nouvelles classes de personnages, en plus des magiciens, guerriers et voleurs qui reprennent du service dans cette suite. Deux d’entre elles, le chevalier et le barbare, sont deux variantes du guerrier, l’une orienté tank, l’autre orientée dégâts. Le mage de bataille, dérivé du magicien, portera plus aisément les armures et pourra ainsi s’utiliser tant au premier qu’au second rang de vos troupes. Enfin, les deux dernières classes, plus atypiques, sont celles de l’alchimiste et du fermier. Le premier se révélera très utile de par sa capacité de multiplier au fur et à mesure de ses pas les ingrédients en sa possession, tandis que le second s’apparente plus à une blague des développeurs. Celui ci n’a en effet aucune capacité propre, si ce n’est celle de progresser en expérience non pas en tuant des monstres mais bien en se nourrissant. De plus, s’il peut répartir des points de caractéristiques et choisir des traits, il ne possède aucun point de compétence à dépenser au départ.

Ce qui m’amène à vous parler des autres éléments de personnalisation. Les statistiques, tout d’abord, sont au nombre de quatre : Force, Dextérité, Vitalité et Volonté, avec les influences classiques que l’on imagine. La force influera ainsi, entre autres, sur les dégâts physiques et le poids portable, la dextérité sur la précision et les dégâts à distance, la vitalité sur le nombre de points de vie et la résistance au poison et enfin la volonté sur la jauge d’énergie et son taux de régénération. Aucun changement notable par rapport au premier volet ici, à l’instar du système de traits qui se voit simplement enrichi, (on passe de 15 à 24 traits) avec notamment plus de traits propres aux différentes races du jeu. A l’inverse, les compétences ont connu quelques notables changements. 

Tout d’abord, on constate que certaines compétences, à savoir le staff défense (qui permettait à un mage d’augmenter sa défense), le spellcraft (qui augmentait leur endurance) et le combat à main nues ont totalement disparues. A l’inverse, on note l’arrivée d’une compétence pour l’alchimie, la précision, la concentration, les armes à feu et les dégâts critiques. De même, les compétences d’armes sont désormais mieux regroupées, avec notamment une distinction de poids pour les armes de corps à corps. Au passage, l’apparition des armes à feu est très sympathique car on reste dans des armes peu modernes qui s’enrayent aisément, ce qui est toujours très cocasse dans une situation difficile.


Mais au delà de cela, ce qu’il faut retenir, c’est que les différents skills sont désormais accessibles à tous, et ce sans aucune distinction de classe, ce qui nous octroie une latitude bien plus agréable dans l’évolution de nos personnages. Vous voulez un guerrier capable de tirer à l’arc, un mage ayant la possibilité de porter une armure et de manier une arme en cas de danger, ou encore un voleur capable de manier des armes lourdes ? De même, il est désormais tout à fait possible de donner des points de magie du feu à notre guerrier, et ce quand bien même il sera totalement incapable de lancer le moindre sort. Des builds infiniment plus variés se profilent ainsi sous nos yeux, et ce sera à nous de faire les bons choix, d’autant que la manière dont ces skills progressent a également été modifiée.

En effet, l’ancien système de skill de Legend of Grimrock​ , basé sur la répartition de nombreux points, avec des compétences ou bonus divers obtenus une fois un certain seuil atteint, cède la place à un nouveau système de skill sur seulement 5 rangs, avec des bonus mieux repartis. 

Cela permets d’éviter le calcul assez mécanique qu’on faisait dans le premier épisode pour atteindre un seuil arbitraire, par exemple lorsque l’on dispatchait beaucoup de points dans une compétence en vue d’un objectif intermédiaire et où l’on se dispersait après en espérant obtenir un bonus dans les autres compétences. Là, le joueur doit se fixer des objectifs clairs et bien penser en amont la création de son personnage, car les points sont plus rares. Chaque franchissement est un ainsi vécu comme un accomplissement, et est bien plus gratifiant. Par exemple, augmenter d’un rang votre compétence de dégâts critiques vous octroiera un bonus de 3% aux chances de coups critiques, tandis qu’atteindre le troisième rang vous permettra d’effectuer des backstab avec une dague, limitation d’équipement qui disparaîtra une fois le cinquième niveau atteint.

Enfin, dernière étape avant de se lancer pour de bon dans le titre, la customisation de la difficulté du jeu. Le premier Legend of Grimrock avait déjà su se faire aimer des joueurs à l’ancienne avec son mode oldschool, qui permettait de désactiver la fonction d’automap, nous contraignant à dessiner nous même notre carte. On retrouve ici ce mode, accompagné de deux petits nouveaux  : le mode Iron man, qui n’autorise la sauvegarde qu’aux seuls cristaux de soins, disséminés dans les niveaux, et le mode Cristaux uniques, qui rends ces mêmes cristaux utilisables une seule et unique fois. Je vois déjà briller les yeux des grands malades du challenge, et j’ai hâte de voir les premiers speedruns avec toutes ces limitations activées

“Demain le soleil se lèvera, et qui sait ce que la marée peut apporter.”

Mais il est maintenant temps de voir ce que le jeu à proprement parler vous réserve. Lors de la cinématique d’introduction du plus bel effet, signe du haussement de budget alloué au développement, vous voyez un navire s’échouer mystérieusement, mais avec fracas, sur les récifs de l’île de Nex. A son bord : une cage, abritant vos quatre personnages. Vous parvenez on ne sait trop comment à vous en tirer et débarquez alors, sous le plein soleil, sur l’île  qu’il vous faudra explorer à la recherche d’un moyen d’échapper à l’emprise du mystérieux maître de l’île .. 

Et oui, comme annoncé au cours de la campagne de promotion du jeu, la licence Grimrock s’extirpe des seuls donjons et vous offre avec l’île de Nex des décors bien plus variés. Je ne m’étendrais pas trop sur cela afin d’éviter tout spoil, mais vous pourrez rapidement arpenter des marais, une forêt lugubre, des plages ou encore un cimetière. Certains seront peut être déçus du virage du jeu, qui offre désormais des environnement plus ouvert à la Lands of Lore ou Ishar au lieu de perpétuer, comme avec le premier opus, le système de donjon unique propre aux Dungeon MasterChaos Strikes BackBlack Crypt et consort. Je craignais aussi ce choix mais force est de constater que la cohérence de l’ile fait son petit effet. Au final, on est toujours aussi démuni, dans un environnement toujours aussi hostile, et la mayonnaise prends comme de coutume.

En découle des environnement beaucoup plus variés, dans lesquels on prends plaisir à se balader. Au final, cette prise de risque a à mon sens porté ses fruits, car si certaines transitions de territoires sont à mon goût trop brutale, cela rends l’exploration de l’île particulièrement agréable, à l’aune du légendaire Lands of Lore. D’autant que l’ambiance moite et tropicale rappelle parfois les meilleurs moments de la saga Risen.


De plus, l’immersion est assurée par un level design toujours aussi réussi, avec des énigmes inventives qui parviendront parfois à vous retourner le cerveau. Entre les pièges séquencés, les plaques à pressions aux effets plus variés que jamais, les messages sybillins des statues, les nombreux types de clés qui, à la manière d’un Zelda 1, peuvent être utilisées dans n’importe quel donjon, les énigmes de cette suite se révèlent tout aussi inspirées que dans le premier opus.  Elles empiètent toutefois moins sur la progression, vu que l’on peut très bien explorer les différents lieux et donjons dans l’ordre que l’on veut. Elles sont aussi moins fréquentes, et plus rapidement résolue une fois maîtrisée, ce qui fluidifie la progression et rendra certainement le reroll plus agréable. Seul regret, la disparition des énigmes qui exigeaient de l’adresse et de la maîtrise du système de déplacement en plus de la réflexion.

Les donjons, quand à eux, sont plus nombreux mais moins labyrinthiques, du moins dans un premier temps. Avec le temps, on se retrouvera avec des donjons vraiment impressionnants, comme les ruines de Desarune, qui feraient presque jeu égal avec de nombreuses portions de donjon du premier opus. Et encore, croyez-moi, on trouve bien plus impressionnant plus tard. Même si les ressemblances avec le premier opus font qu’on tâtonne moins et que cela atténue un peu le plaisir de la découverte, c’est une toute nouvelle aventure, à l’intérêt et à la variété rehaussée à laquelle vous invite la talentueuse équipe de Almost Human. Je suis personnellement assez impressionné par la manière dont le studio a réussi à renouveler ses mécaniques en terme d’énigme dans cette suite utilisant pourtant le même moteur.

Mais au delà de la progression principale, on retrouve avec délectation un grand nombre de secrets cachés, tant à l’extérieur, notamment dans des coffres que l’on pourra déterrer à l’aide d’une pelle, que dans les donjons, avec les biens connus boutons secrets et clés dorées. Chaque petit progrès, que ce soit en niveau ou en acquisition d’objet , est pleinement savouré et on se délecte grâce à un sentiment de progression rarement atteint dans le genre. Il vous faudra longtemps, au moins 20 à 25 heures, pour faire un premier tour de ce que ce titre a à vous offrir.

” … Que les barbares montent, à l’assaut !”   

Sur le plan des combats, le jeu demeure juché sur les bases classiques instaurées par Dungeon Master en 1987, avec son savoureux mélange de déplacement cases par cases, de combat en temps réels et de système de magie à base de runes à combiner. Et on constate rapidement, d’abord avec surprise, puis avec plaisir, que dès le mode normal le jeu a subi une petite piqûre de difficulté. Exceptés au début, beaucoup de monstres vous feront vite assez mal, et surtout, vous serez rapidement confrontés à votre premier combat de boss, qui s’ils ne sont pas follement originaux, sauront dans l’ensemble se montrer exigeants. Il faudra faire preuve de maîtrise dans le déplacement, dans l’administration des potions et dans le choix des attaques portées et bien d’autres. J’ai d’ailleurs personnellement eu l’impression d’être plus sollicité en terme de maîtrise dans les combats lors des premiers combats de boss de cette suite que dans les derniers niveaux, ou même contre le dernier boss du premier opus

Les combats conservent donc leur niveau d’exigence, d’autant que l’IA a -ô joie!- été grandement améliorée. Certains ennemis rapides vous empêcheront ainsi d’abuser de l’IA, car ils se déplaceront très vite de case en case, ce qui vous forcera à être beaucoup plus rapide pour porter votre coup en restant en sécurité. Même si le nombre reste l’atout principal de vos opposants, les ennemis sont en règle général bien plus retors qu’auparavant. Surtout que le nouveau bestiaire (20 nouveaux monstres) saura vous surprendre et que le système de blessure, qui peut affecter différentes parties du corps de nos hommes (tête, bras, jambes etc … ) nous met face à une nouvelle pression. Celles-ci peuvent par exemple empêcher vos ouailles de se régénérer en se reposant, vous poussant donc à utiliser des potions ou a courir vers le cristal le plus proche.

Mais si les combats sont aussi agréables, c’est également grâce au ravalement de façades subi par l’interface. On apprécie particulièrement l’apparition de deux sets d’équipement pour chacun de nos personnages, accessibles de façon aisée sur leur fiche, ce qui permets de changer à la volée l’armement de nos troupes, mais surtout d’équiper une potion qu’on pourra ainsi prendre bien plus aisément que par le passé. De même j’ai personnellement bien apprécié le nouveau système de lancer de magie, qui consiste à passer sur les différentes runes pour lancer les sorts, au lieu de simplement sélectionner les runes, ce qui donne un meilleur feeling. La sensation se rapproche, certes d’assez loin, de ce qu’on trouvait dans The Void ou Arx Fatalis. La carte est également beaucoup plus agréable à utiliser, au vu de la possibilité de zoomer et de mettre des annotations plus variées.


Un petit mot sur la réalisation du titre, qui est assez similaire à ce qu’on a pu trouver sur le premier opus, avec toutefois quelques substantielles améliorations. Les animations sont toujours aussi plaisantes à observer, d’autant que le design des monstres, s’il n’est jamais original, est plutôt réussi. Sur le plan sonore, on note une nouvelle fois une musique de menu véritablement épique et intrigante, symbolisant bien l’île, en somme. En jeu toutefois, les bruitages et autres sons d’ambiances prédominent largement dans le mixage général. Ceux ci sont toujours plutôt réussis, bien que redondants.  

Avant de conclure, je tiens à préciser qu’un mod tool, similaire à celui du premier opus et à première vue toujours aussi complet que simple d’utilisation, est disponible dès le lancement du jeu. Rappelons que le premier opus avait notamment permis des remakes de Dungeon Master et Chaos Strikes Back. Voilà qui promets un bel avenir à ce titre réussi sur tous les plans.

S’il n’est pas le Chaos Strikes Back que certains attendaient, Legend of Grimrock II s’impose sans peine comme un Dungeon-Crawler de grande qualité. Son ouverture et sa variété, mises au service d’une progression toujours exigeante mais extrêmement gratifiante, exhale le même doux parfum d’addiction qu’il y a deux ans. Cohérent, bien réalisé, mais également très complet et promis à un bel avenir, il vient en ce mois d’Octobre conclure en gloire une fantastique année pour le RPG indépendant, marquée par les petits bijoux que sont Wasteland IIDivinity : Original Sin, ou encore The Banner Saga et Transistor dans des registres différents.

+ L’interface, à la fois plus souple et plus complet en informations
+ Des environnements plus variés et plus ouverts …
+ … Mais accompagnés de donjons qui savent rester oppressants
+ La richesse du système de jeu et la difficulté
+ Une réalisation et un contenu qui forcent le respect

Note RPG 3 sur 5
Note testeur 08 sur 10

– Le respawn abusif de certains ennemis
– Un très léger coté Grimrock 1.5

La vision de Batman :
Cette suite m’a tout autant conquise que le premier opus. Quelques éléments de gameplay on été légèrement revus, comme le système de sort ou celui de traits, pour rendre le jeu un peu plus abordable même s’il n’en avait pas forcément besoin. L’aspect monde semi-ouvert rend le jeu beaucoup moins dirigiste et linéaire que le premier, mais il faut faire partie des joueurs qui aiment se perdre et chercher pendant des heures, sinon la difficulté à progresser pourra s’avérer frustrante. La bande son reste d’excellente qualité, les graphismes également. Le bestiaire est varié, et le jeu est toujours aussi bien dosé entre les combats et les énigmes. Si vous avez aimé le premier, vous aimerez à coup sûr cette suite !
08/10

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