Bethesda sont forts. Non vraiment, après un Fallout 3 tout à fait honnête dans ses mécaniques mais discutable dans ses choix d’écriture, on pensait vraiment que New Vegas allait les forcer à admettre qu’ils n’ont juste pas fait les efforts nécessaires à faire un Fallout 3D digne de ce nom… Puis en fait il y a eu Fallout 4 fin 2015.
Et on a plus ou moins compris que désormais, Bethesda avait décidé que Fallout allait définitivement changer de voie laissant à d’autres le soin de faire vivre l’esprit des deux chefs-d’oeuvre de Black Isle. Heureusement, entre temps, inXile n’a pas attendu de feu vert pour nous offrir Wasteland 2.

Alors pourquoi j’écris tout ça ? Parce que fondamentalement, Fallout New Vegas, même si fidèle à l’esprit des jeux d’origine, restait une proposition singulière qui poussait les mécaniques de Fallout 3 dans des retranchements insoupçonnés. Après plus de neuf ans, on a fini par se faire à l’idée qu’il n’y aurait plus de jeu s’approchant de son feeling, jusqu’à ce jour, 25 octobre 2019, où The Outer Worlds voit le jour.
Si nous sommes nombreux à avoir été particulièrement enthousiastes à son annonce, Obsidian a vite tenté de tempérer nos attentes, car nous étions déjà à voir en ce titre le retour d’un RPG 3D ambitieux. La réalité c’est que The Outer Worlds n’est pas tout à fait le successeur de Fallout New Vegas, pas dans l’envergure du moins…

Alors pour la petite histoire…

Au cas où vous ne le sauriez pas : je suis très nostalgique de l’année 2010 en ce qui concerne Obsidian. Entre Alpha Protocol et Fallout New Vegas, j’ai été submergé d’émotions positives en cette sainte année et je pense que jamais plus je ne revivrai une année similaire, car après tout, 2010 c’est : BayonettaMass Effect 2VanquishFallout New VegasAlpha ProtocolTwo Worlds 2Fable 3Halo Reach et Demon’s Souls en Europe.

Quelle année peut tester celle-ci ? Sachant que j’ai oublié du monde dans l’équation. Enfin, trèves de nostalgie, quoique, le sujet du jour est souvent en train de flirter avec cette dernière, une tradition chez Obsidian depuis le Kickstarter de Pillars of Eternity en 2012 : chercher la niche qui pourrait les faire subsister… Jusqu’à se faire racheter en 2018… La vie n’est pas toujours comme on voudrait qu’elle soit.

Spacer’s choice ?

Donc on va aborder le sujet du jour de manière classique en parlant de l’enrobage de l’oeuvre d’Obsidian. On avait pris l’habitude de voir le studio faire usage de Unity pour développer Pillars of Eternity premier et second du nom, ainsi que Tyranny. Pour The Outer Worlds, vu qu’il s’agit d’un jeu en 3D, on ne sera pas surpris de les voir user du désormais célébrissime Unreal Engine 4. Le choix du moteur est plus ou moins logique car il s’agit d’un moteur assez souple permettant de créer des genres de jeux très variés dans des espaces relativement ouverts.


Ce qui tombe bien, vu qu’Obsidian opte pour The Outer Worlds d’une structure d’un monde semi ouvert, composé d’une poignée de planètes explorables à la manière d’un Star Wars : Knights of the Old Republic, avec des temps de chargement en moins quand même. Dans cet espace ouvert, on retrouvera plusieurs instances dans lesquelles on va retrouver des donjons et autres villes que l’on pourra explorer dans leur espace dédié, ce qui ressemble plutôt à la structure d’un Elder Scrolls.

Les environnements ne sont pas très vastes, mais le sont suffisamment pour qu’on ressente une liberté de mouvement satisfaisante faute d’être aussi grisante que dans un jeu de Bethesda ou même un Piranha Bytes. Le moteur permet au jeu d’afficher des environnements assez denses en matière d’éléments à afficher, avec une végétation qui – malgré son côté factice – est très colorée et dégage de l’ensemble un certain dépaysement. L’ennui, c’est qu’Obsidian n’a pas su mettre autant à profit ses artistes que sur un Pillars of Eternity, si ce dernier était d’une remarquable cohérence visuelle et d’une élégance rare, The Outer Worlds paraît souvent très criard, avec pour gros point fort, ses cieux toujours très soignés visuellement.

C’est plus la réalisation des visages qui surprend : la modélisation s’avère très solide, mais souffre d’animations très rigides, qu’un focus sur le visage des interlocuteurs ne fait que rendre plus évident. Le rapprochement aussi exagéré sur les visages des personnages, est une manière de faire directement référence aux premiers Fallout où les interlocuteurs importants bénéficiaient d’un modèle en 3D qui nous parlait en vue rapprochée. L’ennui c’est que si le modèle 3D dans les années 90 était encore une assez remarquable prouesse technique et un signe d’un soin bien particulier, les animations de The Outer Worlds en 2019 font assez peine à voir.

Le titre se rattrapera par contre sur quelques solides effets visuels et de lumière, permettant de redresser quelque peu le bilan esthétique. Au global The Outer Worlds n’est pas laid, mais se révèle techniquement daté et artistiquement peu abouti, rares sont les moments qui arracheront un peu de plaisir esthétique. C’est d’autant plus dommage que les doublages sont eux pour leur part, relativement soignés, mais sont là encore contrebalancés par des bruitages sans génie et des musiques elles aussi très ternes.

Mais tout ce que j’écris, vous pouviez vous en douter. Bien évidemment : c’est un successeur spirituel de Fallout New Vegas, évidemment que ça va pas être très beau. Par contre, c’est plutôt bien fini, et en ce sens on peut être surpris de la prestation, d’autant que de la part d’Obsidian c’est d’autant plus à saluer.

Un système de jeu S.P.E.C.I.A.L

Non, ce qui nous intéresse, c’est tout ce qui à trait à la dimension “jeu de rôle” et construction de personnage. Et là dessus, Obsidian ne s’est pas moqué de nous, même s’ils sont partis s’inspirer de… Fallout, évidemment.

On ne retrouve pas de “S.P.E.C.I.A.L” parce que vous savez : Obsidian n’ont pas les copyrights, cela dit, l’esprit y est. On a donc droit à un système de 7 classes de compétences (comme Fallout, donc) avec pour chacune d’elle 3 sous-compétences liées à la classe de compétence.

Vous pouvez évidemment choisir de vous spécialiser, mais sachez que chaque classe de compétence peut être investie avec un seul point pour faire grimper chaque sous-compétence d’un point elle aussi. C’est seulement arrivé à un score de 50 dans la classe de compétence que vous devrez investir des points individuellement dans chaque sous-compétence. Ce qui fait qu’il est tout à fait possible et viable de jouer un personnage multi-classé, bien qu’à haut niveau, il soit tout de même préférable d’incarner un spécialiste.

Et fort heureusement, des spécialisations il y en a. Orateur émérite, combattant au corps à corps rôdé, artilleur d’exception, tireur d’élite, scientifique compétent et même leader invétéré, autant de spécialisations non exhaustives qui permettent de dessiner un destin tout particulier à votre personnage. De quoi parfaitement se coupler à un système d’avantages (similaire aux traits de Fal… Vous m’avez compris) qui se révèlent cela dit assez peu variés à mon goût et relativement décevants dans leur contenu et surtout leur absence de folie et de créativité.

On aurait par exemple aimé des traits un peu débiles, comme celui de Fallout New Vegas qui permettait de voir des événements débiles parce que… Après tout pourquoi pas ?


On a aussi droit à un système de phobie, qui fait que si vous vous frottez trop souvent à un type d’ennemi ou à une situation particulière, vous pouvez développer une phobie. Mais vous pouvez refuser cette dernière, qui vous attribuera un malus si par exemple vous avez une phobie des chutes, vous subirez plus de dommage en chutant. Vous allez me demander “Mais quel intérêt d’accepter un malus ?” Eh bien petit génie, parce que ça vous permettra d’accepter un nouveau trait pour compenser votre nouvelle faiblesse.

L’idée est bonne, l’exécution discutable, car on a trop souvent un malus trop important par rapport au gain octroyé. Bien sûr, en plus de tout ce système d’évolution et de personnalisation, on trouvera de multiples tenues et équipements, certains permettant même de se déguiser aux yeux des factions, comme dans… Greedfall ! Tiens, je l’ai bien esquivé celle là…

… Bien sûr, tout jeu d’Obsidian qui se respecte, s’accompagne d’un système de faction qui vous permettra de vous aligner sur un camp ou sur un autre et de déterminer le profil psychologique et l’engagement politique potentiel de votre personnage. Le système est plus lisible que par le passé, et vous saurez à partir de deux jauges, vous placer dans l’échiquier de la faction, sachant que vous pouvez simultanément remplir au complet la jauge de réputation positive et négative, créant des nuances dans l’appréciation de votre personnage par les divers acteurs du monde de Outer Worlds.

L’ennui c’est que ce système ne s’accompagne pas d’assez de conséquences directes et on peine bien à voir en quoi nos choix ont de si grosses incidences. Certes ils en ont, mais pas assez à mon goût.

Une plume renouvelée

Ceci nous amène assez naturellement à l’écriture, à la construction du monde, et plus globalement à ce qu’Obsidian a concocté pour rendre son jeu un temps soit peu spécial. Et il faut dire que si je suis l’un de ceux qui trouvent l’univers de Pillars of Eternity assez risible tant il arrive à la fois à essayer de se démarquer, et à la fois tomber directement dans tout ce que l’on a plus envie de voir de la fantaisie, force est de constater que si The Outer Worlds référence maintes fois Fallout, il ne tombe pas dans un piège. 

The Outer Worlds est un space opéra, comique qui plus est, parodique et souvent totalement hilarant. Je ne dis pas que Outer Worlds est incapable de sérieux : à bien des égards il se révèle assez brillant dans sa dépiction de conflits politiques finalement assez complexes. Ou même pour construire des personnages crédibles tout en étant de parfaites caricatures de membres de corporations, tous plus véreux et égocentrés les uns comme les autres avec juste la bonne dose d’auto-justification de leurs comportements à base de “C’est ainsi que le monde est”. Quand ils ne versent pas directement dans la sociopathie.

Obisidian se fait plaisir aussi du côté de quelques compagnons globalement solidement croqués, sans qu’aucun n’emporte la palme du “KOTOR II seal of quality”, on a tout de même des profils plutôt recherchés aux histoires personnelles finalement assez touchantes. Retenez les noms de Parvati, Vicaire Max et Ellie… Bon cette dernière c’est surtout parce qu’elle a du chien, mais bordel, ça fait toujours du bien un personnage comme ça.


L’écriture des quêtes elle aussi est relativement solide. Le jeu n’aura là aussi selon moi pas assez de folie, mais les missions esquivent la structure de la quête transformant le joueur en livreur fedex. On trouvera d’ailleurs quelques intrigues secondaires particulièrement bien construites et de longue haleine, avec de nombreuses solutions différentes à divers problèmes. La quête principale a par ailleurs deux orientations radicalement différentes, ce qui ouvre la voie à une rejouabilité assez solide, sans être aussi remarquable que Fallout New Vegas.

Une exécution étonnamment solide

Passons maintenant à l’exécution de l’ensemble et comment ça se passe “en jeu”. The Outer Worlds est probablement un peu trop “action” pour son propre bien, mais propose tout de même des rixes assez intéressantes. Premier point intéressant, l’existence d’un système de dilatation temporelle, permettant de ralentir le temps en combat et de viser les membres de l’ennemi pour lui causer des infirmités…

… Bon OK c’est encore une repompe de Fallout et du système de VATS. Mais ça fonctionne assez bien, mais c’est gros, vraiment gros.

Là où par contre les choses sont intéressantes : c’est quand on se rend compte qu’Obsidian a réussi à créer des flingues au ressenti manette et souris en main plutôt solide. C’est certes loin d’être du ID Software (développeur de DOOM, au cas où) mais ça reste surprenamment bon pour le studio. Il en va de même pour tout ce qui a trait aux armes de corps à corps, là aussi on retrouve un assez bon ressenti des coups.

Le tout se joue comme un jeu de Bethesda : tout à la première personne, narration surtout environnementale (mais peu généreuse de ce côté) avec beaucoup de conversations et pas mal de choix de dialogues avec notamment beaucoup d’options sociales. L’exploration est une mamelle du titre, mais se révèle bien moins satisfaisante qu’on était en droit de l’attendre, la faute à des niveaux conçus avec, certes une certaine compétence, mais sans réel génie.

C’est malgré tout loin d’être au global une déception sur le pur côté gameplay, ce n’est pas une partie des jeux qu’Obsidian a l’habitude de réussir et on ne peut que saluer les efforts consentis sur ce plan. D’autant que – bien qu’anecdotique – l’infiltration se révèle diablement plus fonctionnelle que dans n’importe quel autre jeu Bethesda.


Spacer’s Choice.

Il vous faudra finalement une grosse trentaine d’heures pour écumer l’intégralité du contenu du titre en trainassant un peu des pompes. On pourra reprocher la durée de vie quelque peu limitée pour un jeu du genre, mais à l’instar de Fallout premier du nom, The Outer Worlds est un projet sans grand budget, réalisé par une équipe de taille assez modeste, qui se révèle tout à fait solide vu les conditions de son développement.

Le titre est loin de cocher toutes les cases qui en ferait à mes yeux un pur et digne successeur de Fallout New Vegas à qui il aime tant faire référence, mais au moins est-il sur une très belle voie et son avenir semble des plus radieux vu son succès commercial. On pourra surtout féliciter Obsidian d’avoir créé une offre permettant aux passionnés de Fallout New Vegas de se dire qu’il y a désormais une nouvelle licence qui explore le feeling de ce dernier. Si InXile est parvenu à capter l’essence des Fallout de Black IsleObsidian capture sans mal l’essence de son essai en 3D, sans pour autant parvenir à transcender l’expérience.

On priera donc que ce très convaincant coup d’essai donne un jour naissance à un vrai chef d’oeuvre, avec les moyens de MicrosoftObsidian aura désormais le temps, l’argent, alors que l’on devine le talent déjà bel et bien là pour accoucher d’un jeu digne de leur plus belle époque. The Outer Worlds est un titre assez remarquable malgré tous ses défauts, et plus que jamais, il mérite qu’on lui file un petit coup de pouce pour un jour voir venir sa déjà tant attendue suite, même si entretemps, on aura déjà un DLC à se mettre sous la dent.

+ Un système de jeu robuste
+ Grande richesse dans la personnalisation du personnage
+ Beaucoup de choix
+ Très drôle et bien écrit
+ On en veut plus à la fin…

Note RPG 4 sur 5
Note testeur 07 sur 10

– Pas mal d’aller-retours
– Manque de folie global
– Vraiment les mecs… C’est juste Fallout dans l’espace
– C’est souvent assez laid
– … Bah ouais, on en veut plus à la fin

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