Le thème de ces débats est “pour ou contre”, et pas “pensez-vous que”. La prise de parti radicale est volontaire pour opposer deux visions totalement différentes sur un thème large. Le débat est là pour ouvrir le questionnement, pas pour répondre à une question précise.

La base du RPG, on le sait tous, c’est Donjons et Dragons, les classes, les dés et les stats. Des points à allouer à son personnage selon des caractéristiques et des rôles prédéfinis, une envie d’efficacité, une nécessité de résultat selon un groupe donné. Le jeu vidéo, bien évidemment, n’a pu faire sans cette loi qui, au delà d’un bon scénar’ et d’une grande carte, fait le cœur de nombreux gameplays. N’a-t-on pas commencé à parler de plate-forme-RPG quand Symphony of the Night a transformé Castlevania en chasse à l’XP ?
La question, néanmoins, n’a jamais été de ramasser de l’XP pour le plaisir d’en ramasser.

Le cassage de monstres, c’est rigolo un temps, mais on n’est pas dans God of War, ces points d’expérience ont un but : créer le représentant ultime de sa classe, le plier à sa façon de jouer, et devenir toujours plus puissant et efficace dans sa tâche. Ça, c’est le build, la première loi du rôliste calculateur, le Graal du hack’n slasheur compulsif. Seulement, le build, c’est compliqué, faut pas s’louper, sinon on meurt, et les jeux qui tournent autour de cet aspect (Diablo, évidemment, mais aussi de nombreux MMO actuels et un bon paquet de RPG micro d’avant 2000) ne vont pas se gêner pour envoyer l’imprudent joueur bouffer les pissenlits par la racine. Alors, parfois, on prend les chemins de traverse. 

Donjons & Dragons lui-même, avec sa troisième édition, s’est montré plus large, créant une infinité de sous-classes et de possibilités détournées pour créer le personnage de ses rêves, sans aucune limite. Dans notre de monde de pixels et de polygones, le chantre de l’absolue liberté se nomme Skyrim, un RPG sans règle définie, une grande fête en monde ouvert où les sorciers peuvent la jouer Conan et où les voleurs lancent des boules de feu.

Et là se pose une myriade de questions : sans règles, a-t-on encore un RPG ? Le build est-il nécessaire à la notion de jeu de rôle ? Et surtout, nous, joueurs, comment jouons-nous ? Sommes-nous un de ces cinglés du minimaxage et du theory building qui passent plus de temps à compter qu’à jouer, ou faisons-nous partie de ces touristes des mondes fantastiques, explorateurs intrépides aux multiples facettes ? 

Alors, le build libre, pour ou contre ?

Skoeldpadda

Pour ou contre 001

POUR : Eronman

Comme le dit si bien Iosword dans ses vidéos, le cRPG (Computer Rôle Playing Game) est un hybride, une tentative de reproduction des JDR (jeux de rôle papier avec un maître de jeu). Pour ce faire, un subtil mélange est nécessaire entre un jeu de société avec ses règles simples (voire simplistes) et la grande liberté offerte par les JDR (et leurs tombereaux de règles).

Un VRAI cRPG doit donc forcément pencher vers une liberté totale, puisque c’est précisément ce qui a poussé les premiers développeurs à tenter de transposer des jeux de rôle sur nos vieux PC : laisser la machine s’occuper des règles pour que le joueur se concentre sur l’aventure et l’impression de liberté, notamment dans ses choix.

Le build libre est l’une des composantes majeures de cette liberté, aux côtés des choix moraux (alignement, relations…) et des choix de quêtes.

Contrairement à cela, certains cRPG nous offrent la possibilité de jouer dans un univers dans lequel il est possible d’être un ange ou un démon, de vivre en solitaire ou de diriger une guilde, d’être nain ou bien géant, mais pas de changer de métier ! Quelle parodie…

Pourquoi devrait-on, sauf à le justifier dans le scénario ou le background du personnage, être fidèle à sa destinée depuis son premier jusqu’à son dernier souffle ? Par ailleurs, les joueurs sont très souvent déçus de la faible place laissée au roleplay. Cela permet aux développeurs de limiter l’arbre des possibles et de rendre la fabrication d’un jeu un peu moins complexe. Plus rentable aussi il faut le dire. Or, le build libre du personnage est l’un des meilleurs moyens de laisser s’exprimer tout au long du jeu la personnalité du joueur et ses choix d’adaptation à l’univers que parcourt son avatar.

Eh oui, dans la vie on peut changer et devenir barde après avoir été pourfendeur de trolls… On chante mal mais on s’en fout ! C’est ça la liberté ! C’est ça le build libre !

Votez “True RPG”! Votez “Build Libre” !!!

Pour ou contre 002

CONTRE : Etienne Navarre

La construction libre n’apporte pas la satisfaction souhaitée lorsqu’il s’agit d’incarner un rôle. Un univers implique des règles, des limites de caractérisation qui doivent être mises en lumière par un développement encadré du personnage. Par exemple, un prêtre dans The WitcherInquisitor ou Skyrim sera dépeint à chaque fois d’une façon différente. L’un pourra être très pieux et axé sur le soin, l’autre investi d’une mission divine aux manifestations violentes, un dernier équipé d’une armure et capable de faire du rentre-dedans sur le champ de bataille.

De fait, imposer ces rôles lors de la sélection de la classe en début de jeu amène le joueur à faire un choix : si je soigne très bien, j’ai peu de chances d’être une brute au combat. C’est là que le build imposé m’apparaît comme la meilleure option : à moi de développer mon arbre de compétence au mieux compte tenu du choix original que j’ai fait en début de partie. Et bien entendu, un build imposé apporte sa dose de bonus-malus : un spécialiste du fusil à pompe aura des soucis de précision avec un fusil de sniper.

La liberté dans le développement de son personnage a un goût savoureux dans un jeu en monde ouvert, comme Skyrim. Je peux y faire un mage capable de se battre à mains nues, avec une masse et de crocheter les serrures. Si le build libre offre au joueur une liberté complète dans sa façon d’appréhender le RP de son personnage, il est particulièrement adapté à l’open world.

Pour ma part, je préfère (et de loin) le build imposé qui m’apporte son lot de décisions cruciales dans le bonus-malus et me pousse à choisir avec soin des capacités et compétences propres à un rôle prédéfini. A ce titre, je vais vous faire sourire (ou pas), mais WoW vanilla en est un parfait exemple, puisqu’il offre une latitude savoureuse aux joueurs : dans les 9 classes initiales, trois arbres de talents permettaient de développer trois types de gameplay (sans compter les mix entre les trois arbres…). Ce qui pouvait donner, dans l’absolu, un minimum de 27 façons de jouer (des prêtres ombre et sacré sont deux classes très distinctes).

S’engouffrer profondément dans un rôle via un build imposé offre ce sentiment de puissance et de fragilité qui m’apparaît comme absolument nécessaire.

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