mercredi, avril 24, 2024

Avadon 2 : The Corruption

Ce test a été écrit par Andariel et publié à l’origine le 8 décembre 2013 sur le site RPGFrance.

NOTES FINALES

Note de l'auteur
7
Note RPG
8

A moins que vous ayez passé ces derniers mois au fin fond d’une sombre grotte ou perché au sommet d’une tour gardée par un pigeon mécanique, vous devriez savoir que l’année 2014 s’annonce comme étant le grand déluge du RPG. Qu’il soit indie ou AAA, old school ou nouvelle vague, le Tsunami rôlistique provoqué par Kickstarter d’un côté et les consoles next-gen de l’autre n’épargnera aucun geek normalement constitué. Pourtant, en attendant cette année quasi-providentielle, il faut croire que 2013 c’est malheureusement le calme avant la tempête, ou devrais-je dire le manque avant l’overdose… C’est dans des périodes de sécheresse RPGésque pareilles qu’on voudrait bien se jeter dans les eaux d’un Avadon 2 : The Corruption de chez Spiderweb Software et se mettre dans le bain. Alors ? Est-ce qu’elle est bonne ? L’eau d’Avadon, je veux dire. Ahem, pas Simone…    

Tonton Jeff Vogel est ce que l’on appelle dans le jargon du métier un “Survivor”. Sur fond de “Eye of The Tiger”, il fait gravir les marches du temps à son Spiderweb Software, qu’il est pratiquement le seul à entraîner, d’un pas lent mais assuré pendant près d’une vingtaine d’années. Sa technique est curieuse mais visiblement éprouvée : faire du RPG old school low cost avec des moyens au compte-gouttes et du marketing pour le moins discret, mais en prenant bien soin de caresser sa niche élitiste dans le sens du poil. Mine de rien, cela suffit à faire du bonhomme un des plus vieux vétérans du RPG, espèce de pendant indie de Richard Gariott. ‘fin, à la différence près que Vogel, lui, garde bien les pieds sur terre. Littéralement.

Spiderweb Software c’est donc des dizaines de titres entre les Exile/Avernum, les Nethergate et les Geneforge, le tout ​dans la pénombre de l’indie façon commerce équitable. L’avénement de Steam et consorts a ouvert la porte de Spiderweb, ou du moins l’a-t-il entrouverte, pour le grand public. Du coup, pour suivre le mouvement, on décide de bricoler un nouveau moteur graphique plus ou moins moderne, de moderniser le fameux Avernum  – testé par mes soins l’année dernière – et de créer en 2011 une nouvelle licence plus moderne : Avadon. Oui, bon, le “moderne” ici c’est plutôt un euphémisme, hein. Il ne faut pas déconner non plus.

Non, sérieusement, Avadon c’est de la bonne ?    

Mais d’abord, c’est quoi cette histoire de corruption ? Rien à voir avec la France déjà. La Corruption dans Avadon 2 ce sont des étendues calamiteuses et dégénérées qui ne sont pas sans rappeler la zone de STALKER avec ​des anomalies, des laboratoires et des artéfacts. D’ailleurs, c’est marrant, mais les mutants qui peuplent la Corruption s’appellent vraiment “Stalkers”. Vous aurez donc l’occasion de vous engouffrer dans la corruption, mais pas avant de devenir une main d’AvadonAvadon c’est un peu l’Interpol, ou le FBI si vous la voulez à l’américaine, de ce monde heroic fantasy. Une organisation qui a les pleins pouvoirs pour préserver la stabilité du Pacte, un agglomérat fragile entre les cinq nations du continent de Lynaeus, contre les conflits internes et les menaces extérieures.

Contrairement au premier du nom, vous débuterez en tant que simple troufion du Pacte au coeur d’une rébellion des tribus du Wyldrylm contre les coeurs de pierre du Kva et vous finirez par attirer l’attention de Redbeard, grand manitou d‘Avadon. Vous saurez alors qu’en parallèle, on y cherche représailles contre les traîtres et les forces obscures qui ont porté préjudice à la forteresse noire (dans le premier opus), et que cela constitue un motif suffisant pour s’aventurer dans des contrées pas toujours hospitalières. Prypiat, Tchernobyl, tout ça…


La grande force de cet univers c’est son non-manichéisme et son inspiration ​très A Song of Fire and Ice, le Trône de Fer pour les incultes (d’ailleurs, les “mains” d’Avadon arborent des insignes dorées en forme de main, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?). Pas question de dualité bien/mal ici, les enjeux étant les intrigues politiques, les conflits territoriaux et les luttes de pouvoir. Ce monde tourne donc autour d’une vision assez ancrée dans la nuance de notre réalité et vous met face à des situations où la moralité est pour le moins douteuse. Pourtant, il faut admettre que les tenants et aboutissants heroic fantasy de cet univers sont un peu trop terre-à-terre, voire limite génériques, et que ça manque d’un certain exotisme, surtout par rapport à un Geneforge assez original par exemple. Bon, pas de nains et pas d’elfes à l’horizon c’est vrai, mais on ne nous épargne pas les ogres, les gobelins et autres dragons. Même si le mystère gravitant autour de la Corruption et les créatures qui y résident est quelque peu revigorant dans un sens.

D’autre part, le scénario du jeu, sans qu’il soit ni reversant ni irréprochable, tient globalement la route et arrive très bien à renouveler l’envie de continuer le périple. Le jeu se permet même une romance en filigrane avec un de ses personnages clés le long de l’aventure, même si je la trouve personnellement forcée et abrupte. Mais il faut dire que je suis du genre exigeant avec ces choses là. Hum hum.


L’univers d’Avadon 2 sait aussi faire preuve de richesse. En témoigne le codex que le jeu nous offre et qui regroupe un lore abondant et recherché. Mais cette richesse se cristallise surtout à travers les dialogues pas mal fournis et bien meublés par leur écriture littéraire. Encore une fois, notre ami Jeff y déploie sans vergogne ses talents de conteur de jeux de rôle avec ses descriptions contextuelles détaillées ponctuant les dialogues et l’exploration du jeu, titillant l’imaginaire et renforçant l’immersion. Bien que je dois avouer que je n’y trouve pas toute la verve passionnelle de sa jeunesse qui est dans Avernum, il faut se dire que le tout demeure sacrément bien maîtrisé.

Pourtant, même si les dialogues à choix multiples sont à l’honneur, le jeu reste le plus souvent assez obtus dans sa construction. Il y a bien des occurrences où l’alternative pacifique (et l’infiltration) est envisageable et il y a bien des circonstances où les choix/conséquences sont palpables – même dans certains moments clés de l’histoire, sans parler des fins différentes. Mais il faut être conscient que celles-ci restent une minorité par rapport aux situations foncièrement bourrines et aux nombreuses quêtes assez expéditives, quoique bien enrobées. Disons que ça lorgne plus du côté d’un Baldur’s Gate que celui d’un Fallout. Dans tous les cas, il est à rappeler que le langage est relativement soutenu et que, fort malheureusement, Avadon 2 est exclusivement dans la langue de Shakespeare. Ouais, c’est dans ces moments là que certains doivent regretter d’avoir séché les cours d’anglais. Vous ne savez pas combien moi je regrette d’avoir loupé les cours de géographie…                   

Ok d’accord, mais Avadon, elle est conne ?

Pas besoin d’être spécialement clairvoyant pour voir que Avadon 2 est en gros du “more of the same” de Spiderweb Software. La 2D en vue isométrique reste pratiquement inchangée, si ce n’est que le rendu est un poil plus fin que par le passé. De nouveaux portraits et de nouveaux artworks font leur apparition, sans que cet ajout ne soit vraiment notable, encore moins exceptionnel. Visuellement, le jeu reste donc très minimaliste, surtout du côté des animations des personnages et des effets très rudimentaires. De toute façon, vous me direz que les amateurs du genre en ont fait le deuil depuis belle lurette et qu’on aura tôt fait de s’en accommoder. C’est surtout l’aspect sonore qui se fait le plus regretter, la bande originale du jeu se limitant à un pauvre main theme. La bande son n’est franchement pas mieux et on y retrouve les sempiternels effets sonores cheap et les bruits d’ambiance redondants. Du coup, on se demande en quoi le fait de sous-traiter le côté sonore d’un jeu, même s’il est de petite carrure, est-t-il si contraignant pour ne pas y avoir recours…

C’est aussi le statu quo en ce qui concerne l’interface, qui n’est pas franchement un modèle d’intuitivité. On y retrouve donc encore l’héritage révolu des Ultima qui consiste à ramasser les objets avoisinants en passant par le menu d’inventaire, lequel qui s’ouvre avec un raccourci (touche I) mais qui bizarrement ne se ferme qu’avec un autre (touche Echap) et l’agaçante restriction des quatre slots pour les barres d’accès rapide des compétences et des consommables.            


Non, la “grosse” nouveauté de cet Avadon 2 se situe plutôt du côté de la création de personnage. Déjà, on a la nouvelle possibilité de pouvoir choisir le genre de notre personnage, exclusivement humain, et ce indépendamment de sa classe. Mais en plus, aux côtés du guerrier, du sorcier, du chaman et du Ninja (avec les Shuriken et tout), le jeu se voit enrichi d’une classe inédite : le Tinkermage (le “mage bricoleur du dimanche”, en français). Cette classe introduit un petit côté Steampunk sympathique, le Tinkermage étant capable de mettre en place des tourelles défensives autonomes, de se servir d’un grappin pour attirer les ennemis vers lui ou encore de balancer des grenades. Des grenades je vous dis.

Oui mais voila, bien qu’elle soit foncièrement fun sur le papier, je me sens un peu obligé de déconseiller d’adopter cette classe tellement elle se révèle déséquilibrée de partout et nuit de ce fait à l’expérience du jeu, du moins dans certains modes de difficultés. C’est le genre de classe surpuissante avec laquelle le jeu vire à la promenade de santé même en difficile. Certaines tourelles gèrent mieux la menace que les tanks, leurs attaques sont abusées (genre la tourelle piégeante qui est un fléau pour les ennemis au corps à corps) et leur fréquence d’attaque est ridiculeusement élevée, là ou celle des autres personnages est soumise à de longs cooldowns. Et puis, j’ai toujours dit que le bricolage c’était pour les pingres. On n’est jamais mieux servi que par les spécialistes et en plus, c’est bon pour l’économie du pays…  


De toute façon, la difficulté n’est jamais un problème dans Avadon 2 étant donné qu’on a la possibilité de basculer vers l’un des quatre modes de difficulté à tout moment, et donc toutes les franges de gamers devraient être satisfaites (ou pas). D’ailleurs, tous les rôlistes qui se respectent devraient être satisfaits des combats au tour par tour que nous offre le jeu. Oui, parce que là où les pérégrinations de votre bande de bras-cassés se font en temps réel, les affrontements, eux, s’effectuent sur une bonne vieille grille, sur fond de règles précises avec gestion des Points d’Action, de l’initiative et tout le délire des lancés de dés gérés par l’ordinateur. Les combats sont donc pas mal tactiques et sont de surcroît appuyés par un panel de compétences actives liées aux diverses classes des personnages, ainsi qu’aux nombreux consommables, qui leur octroient une dimension stratégique bienvenue.

Il faut alors dire que même si les combats sont très présents et que certains d’entre eux en deviendraient presque bouche-trou, les échauffourées sont un plaisir quasi-perpétuel et ne seront que très rarement ennuyeux. D’ailleurs, Avadon 2 constitue même un pas en avant à ce niveau. En effet, le jeu cherche à varier les confrontations avec l’inclusion de nouveaux pièges comme les mines anti-personnelles, et certains face-à-face contre les boss proposent des stratégies et des situations, ma foi, particulières.      

Du coup, en gros, Avadon qu’est ce que ça donne ?

Moi je vous le dis, les jeux Spiderweb Software, ils ne sont pas nets. Il y a je-ne-sais-quelle basse sorcellerie qui est à l’oeuvre ici. Jeff Vogel doit sûrement sacrifier des ouistitis sur un pentagramme de feu au fond de sa cave ou un truc du genre. Parce qu’on a beau se la ramener avec notre critique à la noix, Avadon 2 n’en reste pas moins un jeu fondamentalement entraînant et addictif. Force est de constater que les mécaniques RPG de ces jeux, même si assurément classiques,  se révèlent toujours diablement efficaces. La gestion de l’équipement est pas mal aboutie, surtout avec les “scarabées” qui insufflent une certaine flexibilité aux classes, leur permettant d’user de sorts et de compétences complémentaires. La feuille de personnage, quoique pas vraiment exhaustive (il y manque, par exemple, la valeur du pourcentage d’esquive des personnages), donne une bonne vue d’ensemble des caractéristiques et des résistances des héros.

Seule ombre au tableau : l’arbre des compétences. Oui, celui-là se révèle pas mal restrictif à cause des synergies discutables qui gouvernent son fonctionnement. En effet, pour pouvoir investir dans une compétence qui est à une certaine hauteur de sa branche, il faut impérativement attribuer des points aux compétences qui la précédent ET à l’autre branche voisine avec laquelle elle est liée. Bon, c’est peut être un peu touffu ces histoires d’arbres et de branches, mais retenez surtout que le jardinage, c’est aussi pour les pingres !    


Alors oui, le profane va dire ” Les jeux Spiderweb, c’est comme les Chinois : ils ont des noms pareils et ils se ressemblent tous !” (Oui, le profane aime les raccourcis douteux, c’est même à ça que l’on le reconnaît…). Mais que nenni ! Là où Avernum puise ses racines dans les Might & Magic avec son open world et ses quatre personnages créés de toutes pièces, les Avadon, eux, sont (un peu) plus “Biowarisés” à la Dragon Age, si je puis dire. Les deux compagnons, parmi les cinq disponibles, qui seront du voyage, sont pré-définis, ils ont une vraie personnalité, ils pourront vous faire part de leur fond de pensée et vous proposeront même des quêtes de compagnons. Le jeu est aussi assez linéaire. Pas dans le sens d’un Shadowrun Returns, dieu merci, mais plus à la manière d’un Baldur’s Gate 2. Genre vous débloquez de nouvelles cartes au fur et à mesure de la progression de l’histoire, mais celles-ci demeurent raisonnablement vastes et propices à l’exploration, et vous pourrez alors – et vous devriez – revenir à tout moment re-explorer les zones précédemment visitées.

En tout cas, il y a matière à y passer une bonne grosse quarantaine d’heures, voire cinquante si vous y allez pépère et que vous prenez des photos safari. Ce qui est décidément fort honorable pour un jeu vendu à moins de 8 euros sur Steam et GOG. Par ailleurs, sachez que c’est pratiquement le double de ce prix si vous décidez de faire acte de générosité vis-à-vis d’un petit studio et de l’acheter directement sur le site officiel, cependant à partir de là vous avez une garantie d’un an, satisfait ou remboursé. La classe. Quoi qu’il en soit, si jamais vous êtes toujours hésitant, il est à noter qu’une démo shareware bien représentative est disponible. La grande classe.    

Je vois déjà le profane revenir à la charge du haut de son poney avec son “roh, la note elle est trop basse pour ce que tu en dis, mais trop élevée pour ce que j’en pense. Et puis, ça craint, t’es pas un cyborg alors il n’est pas objectif ce test. Et puis, l’humour et les calembours y sont pourris alors t’as tout faux. Et puis, le rouquin barbu là, il me fait peur; il fait trop penser à Robert Hue, et patati patata…”. Et bien, sachez que si j’octroie à Avadon 2 : The Corruption cette note-ci, c’est surtout pour marquer le fait qu’il est finalement (un peu) moins délectable qu’un Avernum et que je ne pouvais décemment pas leur donner la même note. Le reste, c’est au-delà de mon entendement…

Ceci étant dit et abstraction faite de son lien avec le reste des jeux Spiderweb, il n’y a pas trente-six mille façons d’appréhender les choses : dans une année où les RPG se font rares, voire aux abonnés absents diront certains, on a là affaire à un bon petit RPG old school pure souche qui, même s’il n’est clairement pas exempt de lacunes, en a suffisamment dans le bide pour bien faire office d’amuse-gueule pas mal chronophage et non moins séduisant. Alors au diable les notes et la numérologie, et allez vous cramponner au pavé là haut, qu’il est beau !         

+ Univers riche, non-manichéen…
+ Narration littéraire plutôt solide
+ Combats au tour par tour bien rodés
+ Durée de vie honorable (40h +)
+ Petit prix (8 euros)

Note RPG 4 sur 5
Note testeur 07 sur 10

– …quoique un peu plat
– Arbre de compétences un peu trop restrictif
– Aspect sonore (encore) à la traîne
– Interface pas toujours au point
– Reservé aux anglophones

RPGfrance
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Site ayant vécu de 2009 à 2022 et traitant de l'actualité des jeux vidéo RPG. Le site ayant disparu, l'équipe de RPGjeuxvidéo, sous l'action de Killpower, ancien président de RPGFrance, a essayé de rendre hommage aux nombreux rédacteurs qui ont participé au site, en reproposant leurs articles qui, sinon, auraient été perdus à jamais. Si vous êtes l'auteur de cet article, contactez-nous et inscrivez-vous, nous mettrons le texte à jour.

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JockR

Bonjour
Réalisation de la traduction d’Avadon 2 The Corruption.
https://jocker.forumactif.com/t5-traduction-des-textes-fr-d-avadon-2-the-corruption
De bonnes fêtes de fin d’année.
JockR

Killpower

Bien joué Jockr pour ce travail long et fastidieux avec peu de reconnaissance.

A noter que, comme tout membre inscrit tu es contributeur.. Donc tu peux créer la news pour indiquer cette information que nous nous ferons plaisir de mettre en forme. Au pire tu nous l’envoies et on la mettra à ton nom.

Mais ce n’est qu’un détail. Encore une fois, bravo.

A moins que vous ayez passé ces derniers mois au fin fond d'une sombre grotte ou perché au sommet d'une tour gardée par un pigeon mécanique, vous devriez savoir que l'année 2014 s'annonce comme étant le grand déluge du RPG. Qu'il soit indie ou AAA, old...Avadon 2 : The Corruption
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