Confrontation est un mâle, un vrai ! Derrière son imposante musculature à la Schwarzy frenchie, ce guerrier au coeur tendre tente de dissimuler ses faiblesses. Frère de Blood Bowl et Games of Thrones, ayant pour géniteur le studio français Cyanide, Confrontation s’annonce comme l’outsider de la saison. Citant avec bienveillance ses doyens, Baldur’s Gate II en tête, lorgnant du côté du tactical RPG, junior tente le pari risqué du jeu de niche, d’autant plus qu’il invoque références parmi les références.

Lors de notre première rencontre, j’avais été très enthousiasmé par son fort capital sympathie, qui malgré son look va-nu-pieds, n’hésitait pas à trancher avec une concurrence uniforme. Confrontation fera t-il honneur à ses illustres modèles? Phenos a-t-il bien fait de miser dessus ? Benjamin ouvrira t-il son coeur à Jennifer ? Now, tout de suite, le grand verdict… Secret Story au pays des ogres peroxydés et autres créatures fatales !

 Ah Story, ça veut dire histoire ?

Dans Confrontation, pas de newbie hobbit dopé au lembas, mais une escouade de combattants infiltrée derrière les lignes ennemis, afin de découvrir le terrible secret que renferment les laboratoires du Scorpion, la faction rivale de toujours du Griffon, à savoir nous. En compagnie de vétérans de guerre répondant aux doux noms de Darius, Zelia ou Lanwys – sonorités latino-fantasy bonjour, nous sommes invités à visiter du pays. De fil en aiguille, le scénario se convertit en parcours touristique au coeur des terres d’Aarklash, à la rencontre de la faune locale qui ne nous accueille pas les pattes ouvertes… En guise d’accueil, nos amis les orcs et les loups bipèdes sont plutôt portés sur la hâche de guerre.

Si dans un premier temps, le voyage s’avère plaisant de part la singularité de l’univers – mélangeant technologie, sciences occultes et influences med-fan, au bout d’une quinzaine d’heures, alterner sans cesse entre la variante ”intérieure” et ”extérieure” du couple de maps propre à chaque environnement, crée par son systématisme infaillible une petite lassitude, comme un refrain trop entendu dont l’évocation nous dresserait les cheveux sur la tête. Sur ce point notamment, il apparaît que le soft de Cyanide s’apprécie davantage par touches. A éviter donc l’interminable session de jeu qui laissera inévitablement un goût acidulé, symptôme d’une recette peu relevée.

Défaut néanmoins mineur, puisque les niveaux sont très bien agencés ; si l’on peut terminer Confrontation en sprintant jusqu’à la sortie de secours en moins de vingt heures, des zones secrètes ne demandent qu’à être explorées, si vous avez un tant soi peu le goût de l’aventure. Prendre son temps sera récompensé  par la découverte de bonus d’armes et d’armures ainsi que de glyphes, même si parfois cela implique de se frotter à des expériences subitement tirées de leur sommeil, et forcément peu avenantes. La tradition serait d’épingler un zéro pointé à toute tentative de dirigisme, bien plus encore dans les RPG, je tiens à souligner combien cette linéarité intelligemment amenée sert le rythme du soft, permettant de varier les missions par la présence de quelques scripts vite pardonnés.


Si la construction hermétique des niveaux me paraît tout à fait justifiée, comme peut le faire un Legend of Grimrock sorti à quelques jours d’intervalle, cela nécessite implicitement que le joueur soit pris par la main sur tous les plans, y compris scénaristique. C’est là que le bât blesse. La narration manque d’influence sur le comportement des personnages, ainsi que plus généralement sur le cours du jeu, semblant davantage au service d’un operator tour orchestré par Cyanide. Pourquoi ne pas nous avoir narré quelques sous-intrigues mieux ficelées, la petite histoire d’un contingent d’élite au service de la Grande Histoire d’Aarklash s’y prêtant à merveille.

Je prends pour exemple une mésentente passagère entre deux membres de l’escouade, qui n’affecte en aucun cas les combats, alors qu’il aurait été passionnant d’utiliser ce ressort narratif à l’avantage du gameplay, empêchant toute interaction entre chien et chat le temps de la brouille, ou par la distribution réciproque de malus. Ou bien encore, au début de l’intrigue, lorsque la magicienne Zelia est affaiblie par l’intensité magique des glyphes, et s’effondre sur le sol, terrassée. Pour nos trois héros encore en lice, il s’agit désormais de protéger leur amie des vagues successives de vilains.

Cet ingénieux attaque/défense nous prend à contre-pied, nécessitant une révision express de nos schémas tactiques, sans oublier l’objectif principal de garder en vie la pyromancienne. Mais dès que les assauts sont repoussés, celle-ci se relève fraîche comme un gardon, prête à griller Usain Bolt au cent mètres. Ok, l’objectif de présenter une composante du gameplay est accompli haut la main, mais après avoir suivi les développeurs dans un trip jubilatoire, on nous laisse sur notre faim. Remballez, c’est pesé !

Le principal défaut du soft est de rester cloué sur sa route que l’on devine déjà tracée, sans un nid de poule qui ne soit cartographié, ne proposant aucune espèce de rebondissement, anéantissant du même coup tout enjeu. La voix off remplaçant les classiques cinématiques n’arrange rien, une technique qui n’aurait pas été pour me déplaire, si le narrateur avait ne serait-ce que donné l’illusion de s’y intéresser. Le minimum syndical n’est pas assuré sur ce volet, carence d’autant plus dommageable que la structure même de Confrontation se prêtait idéalement à une narration appuyée.

S’il n’y avait pas de nuages, il ferait super beau !

Si, de par son inconsistance, le scénario fond comme neige au soleil, supplanté d’un volet roleplay brillant par son absence, les échauffourées trustent notre attention par défaut, mais avant tout de par leur qualité. Véritable leitmotiv du bambin de Cyanide, le gameplay est présenté comme un de ses principaux atouts ; faut-il que je le confirme, c’est un régal pour les papilles. Bref, Confrontation porte bien son nom. Des nombreux compagnons qui se joindront à notre quête, une douzaine au total, seuls quatre pourront être sélectionnés simultanément pour combattre face à la tripotée de bad boys.

Dès lors, il s’agira de confectionner une formation complémentaire ; au départ si les choix se révèlent draconiens, on aura tendance à s’enfermer dans une petite routine, en constituant au final un groupe grosso modo toujours identique. Chaque unité correspond à un archétype de classe, de l’assassin discret privilégiant les coups bas, au tank boosté aux hormones, complémentaire d’un mage adepte des attaques à distance ou d’un paladin plus polyvalent.

Ne nous leurrons pas, les développeurs m’avaient confirmé lors de mon premier séjour fast & furious en terres d’Aarklash, que chaque race disposait d’un belligérant s’apparentant à un des héros du Griffon, à l’exception de Darius, totalement atypique. Certains mettront en évidence la récurrence d’un tel système qui nous amène à rencontrer des groupes semblables aux nôtres, je préfère insister sur le plaisir que trouve le joueur à retrouver ses marques, tout en passant du fantassin rachitique au boss balèze. Par ailleurs, une fois qu’un adversaire a été neutralisé, il est possible de consulter ses données dans un vaste Codex recensant toutes les informations relatives à l’univers de Confrontation. 

Ici la stratégie est privilégiée, hors de question de se jeter tête la première dans la mêlée, car si dans le meilleur des cas vous vous en sortez avec quelques bosses, un peu moins chanceux vous terminez la caboche sur un pieu, le reste dans un barbeuc’ funeste. N’importe quel commandant, général ou collectionneur de pin’s vous le confirmera, la préparation compte autant que les hostilités. Avant de lancer l’assaut, il s’agira de répartir des points le plus justement possible entre les six attributs disponibles (Force, Constitution, Agilité, Vivacité, Intelligence et Sagesse), upgrader vos compétences, entre cinq et six selon les personnages, chacun ayant sa spécialité (anti-magie, soutien/santé, dégâts, contrôle, etc…).

En ce qui concerne l’équipement, celui-ci demeurera le même au cours du jeu, accompagnant votre progression. Plusieurs paliers permettent de débloquer successivement des améliorations (au niveau un, puis cinq, puis dix, etc..), sachant que deux alternatives y sont proposées, opter pour l’une revenant fatalement à renoncer à l’autre. Afin de valider une modification de votre barda, il vous faudra dépenser des points d’armes et d’armures, que l’on trouve dans des rateliers disposés de-ci de-là sur les cartes, à l’instar des glyphes, des bluffs indissociables de votre armement. La mécanique telle qu’elle est décrite ci-dessus peut sembler anodine, mais elle apparaît vite dans toute sa complexité lorsqu’il s’agit de penser à l’échelle d’un groupe, et non d’un seul équipier… Influençant grandement vos chances de survie sur le champ de bataille, par la même occasion.


En temps de guerre, chance ou pas, il s’agit surtout d’avoir l’oeil. Chaque compétence possède son propre code couleur, nous permettant ainsi de contrecarrer les plans de l’adversaire. Lorsqu’apparaissent dans les mains d’un mage de petites boules noires, cela signifie qu’un sort de contrôle tant redouté va sous peu nous tomber sur la pomme – enchantement qui a ruiné je ne sais combien de mes stratégies.

A l’instant même où elles font leur apparition, les contrer devient une priorité, en pesant le pour et le contre entre les alternatives qui s’offrent à nous, selon les unités disponibles, et le temps qui nous reste à vivre libre de nos mouvements. A ce moment précis, avoir recours à la pause active s’impose naturellement, apportant une profondeur stratégique bienvenue, tout en augmentant de manière significative la durée des échauffourées – succinctes si l’on ne comptabilise que le temps réel.

En complément indispensable, la barre d’actions permet d’établir une tactique aboutie par l’enregistrement de six ordres successifs. Néanmoins pas question de piquer un somme, l’I.A. ne dort pas, elle, et nous contraint sans cesse à revoir nos prévisions. Le moindre faux pas est exploité par le camp adverse, qui n’hésite pas à provoquer nos héros les plus faibles, les isolant du reste de leurs compagnons pour achever son oeuvre meurtrière. L’aggro, technique référente de nombreux RPG, trouve son antithèse en Confrontation, un bonheur pour tous les amateurs de défis épicés.

Marquant notre parcours, la difficulté répond présente, cela même à un niveau “moyen”, équivalent hypothétique d’un mode très difficile pour Kingdoms of Amalur : Reckoning. Foires d’empoigne structurées, micmacs articulés, nous nous improvisons jongleurs, switchant entre nos petits soldats dans une mécanique parfaitement huilée, où chaque action en implique une autre.

Permettez-moi maintenant de faire un arrêt sur texte, oui la pause active déteint sur mon écriture, c’est effarant. Il n’empêche, si mon test s’arrêtait ici-même, tout serait plus simple. Et le bilan, nettement plus positif. Ajoutez en effet à une recette globalement correcte, un pathfinding à faire hurler les plus patients, des crashes survenant au pire moment, à savoir la sauvegarde, et vous obtenez quelque chose de nettement moins glorieux. Bref, imaginez des combattants patinant contre un mur, butant contre un caillou, qui après avoir laborieusement vaincu le perfide ennemi se retrouvent à refaire le même parcours pour retour bureau intempestif. Dur, dur, la vie de super-héros.

Confrontation me reste sympathique, au fond, même s’il a mis ma patience à rude épreuve. Je ne me suis pas attardé sur les graphismes oldgen pour la bonne raison que l’on n’attend pas d’un RPG Tactical qu’il égale Crysis, mais le pathfinding honteux, et les crashs suffisamment nombreux pour agacer, ont fait baisser le nouveau titre de Cyanide dans mon estime.

Si l’on ajoute à cela une narration fantôme, un narrateur zombie, il ne nous reste plus qu’un gameplay bien tourné pour satisfaire les amateurs du genre. Enchaîner sans fin les vilains lassera n’importe qui au bout d’une heure. Ma solution : se caler une session de fights stratégiques à la pause déjeuner. Le meilleur moyen de profiter pleinement de Confrontation, sans que celui-ci ne laisse apparaître son petit refrain redondant, que je déteste tant. Après, à vous de déterminer si vous êtes suffisamment fan de Tactic pour supporter le sale gosse.

+ Level Design Balaise
+ Design bluffant
+ Univers sympathique
+ Difficulté accrue
+ Combat efficace

Note testeur 06 sur 10

– Narration lourde
– Pathfinding à l’ouest
– Graphismes moyens
– Bugs pénibles

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