Une Don’t Noderie ? Encore ! Trois en moins d’un an c’est la Don’t Nodepocalypse ! La Don’t Nodesubmersion ! La Don’t Nod veut nous grand remplacer ! Il n’y a plus ni espoir ni oxygène, la menace qui plane sur le jeu vidéo est palpable ! Sont-ils venus commettre une Life is Strangerie ? Sont-ils venus nous promettre du Ueda avant de nous tromper avec une Jusanterie ou sont-ils là pour essayer de confirmer l’essai plutôt probant d’une Vampyrerie ? C’est ce qu’on va découvrir dans leur nouvel action-RPG narratif sorti le 14 février 2024, développé sous Unreal Engine 4 et édité par Focus Home Inte… Pullup Entertainment ? Mais c’est quoi ce délire avec tous ces noms !?
Banishers Ghost of New Eden que ça s’appelle, 100% du cru, 100% français, et de surcroît, doublé dans la langue de Gims, grand penseur et poète de son temps. Qui l’aurait cru ? Un doublage français dans un jeu français, on est presque au niveau du malentendu qui cause un incident diplomatique ! Toujours est-il que le nouveau jeu de Don’t Nod est probablement leur oeuvre la plus importante en termes de budget et d’ambition depuis Vampyr en 2019, et qu’on est en droit de s’attendre à…
… une itération de la formule de God of War 2018… Super.
Bon, ne faisons pas immédiatement le procès du studio : les mecs ont toujours essayé de faire des trucs un peu différenciant, et si en terme de game design, on lorgne toujours plus ou moins sur la copie des voisins, il y a toujours une volonté de faire un truc. On peut par exemple sans souci affirmer que Vampyr était une approximation pas désagréable d’un jeu à la SoulsBorne avec des éléments d’enquêtes à la Sherlock Holmes, le tout sous un saupoudrage de The Witcher 3 dans un écrin Vampyrique pas déplaisant. Pas déplaisant, c’est d’ailleurs un peu toujours ce que je trouve aux jeux Don’t Nod à part cette immondice de Life is Strange, il y a toujours un petit supplément d’âme dans leurs jeux, pile de quoi relever un plat qui sent souvent l’inspiration un peu trop directe d’une formule éprouvée.
Ici, on a donc des éléments repris de Vampyr, qui se retrouvent dans un nouveau contexte : vous allez bannir des fantômes et vous allez le faire à grand coup de torche, d’épée, de fusil et de poing spectral. Le rythme des combats, la structure semi ouverte du jeu, et le tempo assez lent de l’histoire avec ses nombreuses phases d’exploration, évoqueront immédiatement aux moins grotteux du AAA parmi vous la figure désormais emblématique de Kratos, qui est revenu d’entre les oubliés de la PS3 en 2018 pour proposer une nouvelle formule pour le action-très light RPG. Ici, c’est la même, avec moins de loot, moins de progression nulle, plus d’enquêtes, plus de contenu secondaire intéressant, et un univers cela dit moins frais : bienvenu dans le nouveau monde qui se compose à 95% de forêts, et à 5% d’autres environnements. Ah, j’espère que vous aimez les plages, y en a aussi.
Votre mission si vous l’acceptez, faire votre job de bannisseur tout en faisant face tout au long de l’aventure à un dilemme éthique et moral. Sans trop en révéler, vous allez vite être tenté de faire votre travail de façon intéressée, au mépris des engagements que vous avez pris vis à vis de votre fonction, mais aussi au mépris de la sanité de votre âme, un thème très réminiscent de Vampyr, et son héros autrefois médecin, tenu par le serment d’Hypocrate, et condamné à faire face à la faim et l’envie irrépressible de tuer pour satisfaire son besoin de sang frais.
Voyez, c’est comme un homme viandard qui s’engagerait à devenir Vegan : même lutte, même destin, craquer, et finir par bouffer toute la ville, ou, le cas échéant, vider toutes les boucheries.
Mais je m’égare.
Décrivons un peu le principe le plus original du jeu, et celui qui fait sa signature : plusieurs fois dans l’aventure, vous serez exposé à des dilemmes qui exposent les liens entre les morts et les vivants, une situation non résolue dans la vie, peut entraîner le défunt à “hanter” le vivant avec lequel le lien s’est tissé. Votre rôle ? Enquêter sur la nature du lien, la dynamique relationnelle le cas échant, et faire en sorte de prendre la meilleure décision : aider le fantôme à s’élever aux cieux ? Le bannir manu militari au mépris de la salvation de son âme ? Ou blâmer les vivants ?
Ces choix auront des conséquences immédiates sur la résolution des “cas” mais aussi des conséquences sur l’enjeu principal du titre, car selon ce que vous ferez, vous pourrez, ou non, ramener un proche à la vie. Le dilemme est intéressant, bien amené, et développé avec un certain talent. Les développeurs de Don’t Nod ont, en effet, une sensibilité émotionnelle assez peu commune dans le milieu du développement de jeux à gros budget. On ne peut certes pas comparer leur talent d’écriture à un Rockstar, un CD Project, ou même un Obsidian, mais ils ont ce soucis de rendre les émois de leurs personnages réalistes et de rendre leur personnalité compréhensible à n’importe qui. Il est facile d’être en empathie face à ces profils bien croqués.
Hélas, et c’est bien personnel, je trouve que Don’t Nod manque un peu de mordant, leurs personnages sont assez ternes, ils manquent d’excentrismes, ils manquent de caractère, je les trouve souvent lisses, caricaturaux et un peu trop fonctionnels. C’est quelque chose qui date un peu et qui relève selon moi davantage d’un manque de folie de la part des écrivains, mais aussi et surtout, une peur maladive que l’on ne comprenne pas le propos du jeu et de ses quêtes, trop peureux que l’on puisse être distrait par un personnage en particulier, le tout est trop lisse et téléphoné. C’est d’autant plus dommage que, comme dit précédemment, on sent bien ce soucis de rendre les personnages crédibles, mais leur manque de singularité empêche que l’on s’implique davantage dans un récit plutôt maîtrisé.
Et cette critique, je ne la fais pas qu’aux personnages secondaires, je pense même davantage pouvoir la faire au duo de protagonistes. Intégralement doublés et laissant peu de place aux joueurs pour faire du rôleplay, on est condamné à suivre deux personnages principaux qui manquent cruellement de mordant, même si on l’est fait agir contre leur morale. C’était aussi le cas dans Vampyr, quoi que vous fassiez, le personnage principal demeurait fidèle à sa personnalité, fort bien, c’est cohérent, certes, mais avec peu de latitude pour l’incarner, et peu d’attrait pour la singularité du protagoniste, on finit par suivre mollement les pérégrinations souvent passionnantes d’un personnage dont on se fout.
Et c’est un peu tout mon problème avec Banishers. Je l’aime relativement bien, je trouve ses combats efficaces, son histoire engageante, son idée bien réalisée et son atmosphère réussie et pesante, il n’en reste pas moins que le tout est très convenu et ne m’embarque pas autant que ça ne le devrait, et ce, même face à un Vampyr. La faute sans doute aux personnages trop lisses, mais aussi à cette bande sonore moins percutante ou l’absence d’Olivier Derivière se fait ressentir, et cette structure à la GoW 2018 où tout est convenu, du loot à la zone d’arène où l’on devine clairement qu’un combat vient, ou ces murs invisibles bien lourdeauds, ce moteur Unreal Engine IV dont le rendu est devenu prévisible au point où l’on est même plus surpris de voir au passage de superbes modélisations et de magnifiques effets de lumière.
Banishers a une plus belle idée que son résultat ne le suggère, et on ressent qu’il y a derrière plus de volonté que le projet final n’en transpire. J’ai eu l’occasion d’y jouer en playtest il y a quelques années, et il m’avait laissé un goût amer, espérant que du mieux serait constaté à l’arrivée, et en effet, il y a eu du mieux, mais pas assez pour sublimer tout son potentiel. Dommage, mais Banishers est aussi décevant qu’enthousiasmant. Il confirme les forces constatées sur Vampyr, mais il manque le coche lorsqu’il est question d’améliorer ce qui commence à ressembler aux failles presque naturelles du studio. On attendra donc un autre jeu de l’équipe pour voir s’il y a moyen qu’un jour, Don’t Nod accouche du jeu qui me mettra pleinement d’accord. En attendant, je vous conseille de faire Vampyr, et si par hasard vous êtes sous le charme, sans doute Banishers ne serait pas un mauvais choix.
Et hop, encore un jeu que je vais négliger par son manque d’éléments rôlistiques. Parce qu’il y a déjà trop de RPG …. Merci Marcheur.
Moi je pense que tu devrais te laisser tenter, au delà des manques, c’est un jeu qui vaut le coup sous pleins d’autres aspects. M’enfin c’est que mon avis.
Un petit avis pour compléter celui de Marcheur ? Juste en dessous de l’article. Tu as la parole.
une fois terminé, pourquoi pas.
Je suis rarement en désaccord avec toi. Banishers est pour moi une petite bombe que j’attendais avec grande impatiente. Certes, le coté RP pur n’est pas présent, mais l’histoire m’a touché, les prota sont superbement bien écrit et doublé, et l’ambiance…cette ambiance de fou. Et cette dualité entre faire “le bien” pour les esprits (qui le mérites) ou tout faire pour sa dulcinée, j’adore. Tu ne sais plus trop quoi pensé de tes choix, tu doutes de toi même…tu as parfois des remords…bref, ça me triture le cerveau à chaque fois.
Pour moi c’est un OUI sans aucune retenue. Merci Don’t Nod pour cette perle.
On est rarement en désaccord, mais ça arrive :p
Ce que je préfère répéter, c’est que j’ai un “soucis” avec la plume de Don’t Nod, cela date d’ailleurs, j’ai aimé l’essentiel de leurs jeux (sauf Life is Strange qui est la quintessence de mon problème avec le studio) et ma perception de leur travail (toujours narratif, à l’exception du très frais Jusant) est toujours entachée par une plume que je trouve caricatural dans la dépiction et les agissements de leurs personnages.
Banishers, je l’aime bien, j’aime bien ce qu’il fait, et à l’instar de Vampyr, je trouve sa volonté de mettre les protagonistes (et les joueurs) face à un dilemme moral de fond très intéressante. Mais le problème reste le même et je m’auto-cite : “C’était aussi le cas dans Vampyr, quoi que vous fassiez, le personnage principal demeurait fidèle à sa personnalité, fort bien, c’est cohérent, certes, mais avec peu de latitude pour l’incarner, et peu d’attrait pour la singularité du protagoniste, on finit par suivre mollement les pérégrinations souvent passionnantes d’un personnage dont on se fout.”
Et c’est un peu la racine du mal. Le seul jeu de Dont Nod qui m’a convaincu (et même plus que ça) sur son écriture, c’est le prologue de Life is Strange 2 : Captain Spirit. Avec son protagoniste pétillant de volonté de faire vivre l’incroyable dans sa maison et faire coexister le fantasme et le réel dans l’espace de jeu, on arrivait facilement à plonger dedans, ce qui n’a presque jamais été le cas pour moi dans une production Dont Nod.
C’est un peu comme si on me vendait un produit qui m’intéresse grandement, mais une fois que je l’ai, il n’y a rien chez le protagoniste qui me permet de m’immerger, j’ai toujours l’impression d’être “à distance” de l’expérience parce que je me fous des personnages. Sans doute est-ce une question de personnalité, et dans ces cas là, difficile pour Dont Nod de corriger le tir. Parce que fondamentalement, Banishers est un bon jeu et propose de vrais dilemmes réussis, mais comme je me fous des personnages principaux (et que le dilemme les concernent) bah… émotionnellement je m’en fous de ce qui se passe, sauf pour les personnages secondaires, parfois :p
J’ai toujours trouvé que Don’t Nod était un peu une giga fraude et que personne s’en rendait vraiment compte. Avis subversif peut-être mais je le défendrai.
Merci à toi d’avoir pris sur toi pour le tester, j’en avais vraiment pas envie !
en quoi c’est une fraude ? Je suis curieux.
J’ai toujours trouvé leur écriture facile, clichée et inintéressante. Sauf qu’ils savent faire appel aux sentiments et aux cordes sensibles, et savent se servir de tire-larmes. Je trouve qu’ils tombent dans les facilités, mais comme derrière on en appelle à tes sentiments, les gens oublient tout.
Je n’ai pas poussé Life is Strange au-delà du premier jeu (première saison, je sais pas comment ils l’appellent) et je n’ai eu de cesse de trouver le scénario très convenu d’une part, et bourré d’incohérences d’autre part.
Bon oui mon précédent commentaire ne se base concrètement que sur une unique expérience de jeu et quelques vidéos par-ci par-là mais j’ai toujours trouvé le studio très arrogant, manquant de modestie et de finesse. Même Jusant transpire d’une espèce d’idée pseudo-“bienveillante”, alors qu’il se contente juste de faire une morale facile. Mais ça ne reste que mon avis bien sûr, et peut-être que je devrais vraiment jouer à tous les jeux du studio.
Ok, je comprends. Merci de ta réponse.
Perso, je n’aime pas LiS mais ma compagne, oui. Elle n’a pas trouvé à redire sur l’écriture. Bon, après c’est peut être biaisé parce que nombre de situations ont été vécues, du coup…
En tout cas, Banishers est top, même si je l’ai mis de côté pour Remnant 2. Je compte bien y retourner, mais cette fois ci, avec ta critique en tête, juste pour voir.