Aaah les années 80… Les Rita Mitsouko, les clubs Dorothée, les Casimir, l’ami Ricoré et autre Soupe au Choux… Oui bon, on s’en fiche un peu de tout ceci sur RPGFrance. Pour nous, les 80’s, c’est surtout la démocratisation du jeu de rôle sur table, très vite suivie de l’avènement des dungeon crawlers ancestraux. Je vous parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, et bien que miséreux, ces crawlers n’avaient pas laissé nos ventres creux et nous ne cessions d’y croire…

C’est d’ailleurs ce que Olderbytes a choisi  lui aussi de croire, et comme dans un Retour Vers Le Futur, il nous invite en cette fin d’année 2012 à faire un sacré bond spatio-temporel avec son petit Swords and Sorcery – Underworld Gold. Eh ben ça tombe bien, les Marty McFly que nous sommes n’ont qu’une seule envie, se laisser tenter. Allez gobelin, suis le swing, c’est le coup de gong du king. Bong !

Swords & Sorcery – Underworld, c’est le combat d’un seul et unique Monsieur. Un petit parisien dénommé Charles Clerc qui, tel un char Leclerc, livre une lutte sur tous les fronts pour une noble cause… D’abord en tant que Classic Games Remade avant de devenir ​Olderbytes, il n’a pas cessé de sculpter son projet amateur ces cinq dernières années, jusqu’à ce qu’il prenne la forme ultime avec cette version plaquée or. Sa cause ?

Faire renaître l’esprit antédiluvien de jeux comme les premiers Might & Magic ou encore les Wizardry, là où celui d’un Dungeon Master en deviendrait presque moderne à côté. Une initiative qui sied judicieusement bien à ses ressources humaines et techniques limitées, vous en conviendrez. Autant dire que cette cause est tellement risquée qu’on pourrait la qualifier de mission impossible. Mais vous le savez bien, impossible n’est pas français…   

Le doigt sur l’aventure        

Le décor plus ou moins typique du crawler est très vite planté à travers le diaporama qui nous introduit à l’histoire. Le monde high fantasy qui vivait jadis dans une quiétude placide, se voit du jour au lendemain malmené par les hordes de créatures maléfiques sorties de nulle part. C’est autour de quelques bières dans une taverne d’une de ces cités assiégées qu’une bande d’aventuriers décide de se prendre en main et de passer à l’action. Comme tous bons aventuriers, ils ne tardent pas à rencontrer une diseuse de bonne aventure.

Celle-ci leur explique qu’un vilain cornu pas beau est impliqué et qu’il doivent solliciter l’aide d’un alchimiste déjanté au fin fond des profondeurs… Aucun doute possible, voila du gros pitch “cheesy” de dungeon crawler qui se laisse suivre avec le sourire narquois des RPGistes éprouvés que nous sommes désormais. Le scénario reste quand même suffisamment marqué par rapport à ce qui se fait dans le genre et n’est pas franchement désagréable. Et puis bon, ce n’est pas comme si on s’attendait à ce que ce soit du Nolan, donc…            

 

Pour autant, il faut dire que l’aventure Underworld Gold ne manque décidément pas de piquant. Loin du minimalisme de nombreux dungeon crawlers, elle ne se cantonne pas à nous acculer dans les couloirs interminables des donjons où il n’y a pas âme qui vive. En effet, le jeu tourne autour de trois hubs à l’air libre (une cité humaine, une naine, et une elfique) agrémentés d’un bon nombre de populaces commères, de donneurs de quêtes secondaires, de commerçants, d’entraîneurs, de prêtres, d’enchanteurs d’objets et autres régents.

De l’autre côté, l’exploration des donjons ne se veut pas simpliste non plus, puisque leurs galeries labyrinthiques sont parfois jonchées de rencontres inopinées, d’énigmes engageantes et, bien évidemment, de portes, de monstres et de trésors… Ainsi, le jeu a de quoi tenir en haleine et bien accrocher durant la quarantaine d’heures qu’il nécessite pour en voir le bout. D’autant plus que l’écriture, quoique déplorablement exclusivement shakespearienne, ne manque pas d’attrait. Surtout les fois où elle s’aventure dans des petites touches d’humour et quelques clins d’oeil en filigrane. On est loin de Frayed Knights et ses aventuriers en jogging, mais ici aussi on sait parfois être décontracté…

Le pied dans l’inventaire

Vous vous doutez bien qu’au vu de sa démarche (très) old school et amateur, Swords & Sorcery : Underworld Gold est loin d’être une vitrine technologique qui ferait saliver les papilles. Non, lui, il fait saliver les papys plutôt… Effectivement, à la manière d’un vieux The Bard’s Tale, le soft se présente en vue subjective régie par des déplacements case par case et dénuée de toute animation, si ce n’est celle de la lueur des torches. De fait, le jeu schématise le groupe de six aventuriers en deux colonnes en bas de l’écran, la ligne supérieure symbolisant le front, etc…

Ainsi, dans son approche nostalgique et low cost, le jeu se base principalement sur des images fixes et des textes. Il use alors de divers artworks, d’assez bonne facture pour la plupart, surtout lorsqu’il s’agit des nénettes en petites tenues. Mais moins sexy au niveau masculin et celui de quelques monstres dont le design parait quelque peu boursouflé. En tout cas, c’est une initiative qui le met en concurrence différée avec l’assez récent Devil Whiskey, embrassant ainsi davantage l’expérience d’un jeu de rôle papier, plus portée sur l’imagination que sur le visuel. Une initiative clairement pas du goût des d’jeuns et leur iPod touch, mais qui risque de parler à nous autres moustachus avec nos bérets basques et nos pipes à tabac…

En début de partie, le jeu nous propose de mettre les pieds dans le plat soit en créant de A à Z les membres de l’équipe, soit en récupérant les personnages préconçus. Bien entendu, c’est la création de personnages qui s’avére être la plus intéressante de part la génération des statistiques via les jets (rock’n roll !), choix de race (humain, elfe, nain et gnome), choix de classes (chevalier, paladin, archer, roublard, sorcier et prêtre) et autres… Comme le veut la tradition, chaque classe est susceptible de disposer d’équipements qui lui sont dédiés et d’un lot de compétences qui lui sont exclusives. Par exemple, à partir d’un certain niveau, le chevalier pourra entrer dans un état berserk, là où le roublard pourra fourbement asséner des coups bas et crocheter les serrures, et les trucs du genre…

A côté de la nourriture nécessaire pour les repos revigorants, deux ressources alimentent certains sorts du prêtre et du sorcier : l’eau bénite, productible à partir de l’eau de base et les runes collectables sur le corps des ennemis de nature magique. On regrettera pourtant le fait que la progression des personnages soit bridée dans les hauts niveaux, puisque le prêtre et le mage débloquent la totalité de leurs sorts au niveau 9 et que le reste des classes ne gagnent que très peu de compétences. Un peu plus de contenu à ce niveau n’aurait pas été un mal, surtout que ça ne doit pas être la mort à programmer, si ?         

Même si l’affaire n’est pas sûre 

Ce qui est sûr c’est qu’il va y avoir de la castagne dans Underworld Gold, en témoignent mes 573 combats menés dans ma seule partie… En effet, les affrontements sont le coeur du jeu et, mise à part la limitation du nombre de sorts et de compétences évoquée ci-dessus, ils s’en sortent avec les honneurs. Les combats se déroulent en un tour par tour dans lequel le personnage avec le plus haut score de vitesse exécute son action en priorité. Le jeu a aussi le mérite d’offrir une gestion tactique du timing et de la distance. Ainsi, chaque combattant peut attendre le tour d’un autre moins prioritaire ou passer son tour, et vous verrez que cette feature a quand même son utilité. Aussi, le combat rapproché, symbolisé par le signe “+”, a son importance selon la classe du personnage et plusieurs actions seront intimement liées à ce paramètre… Néanmoins, bien que les combats soient foncièrement intéressants, leur fréquence outrancière risque de se révéler lassante. Oui, là où les niveaux du jeu sont préconçus, les combats sont, eux, générés aléatoirement.

Du coup, peu importe où vous serez, tout les quelques cases vous aurez droit à une “filler encounter” (rencontre bouche-trou, quoi). Si celles-ci sont bienvenues en début de partie pour gagner en puissance, très vite elles seront enquiquinantes – et ce malgré l’Auto-combat – , surtout quand elles vous coûteront des ressources sans rien vous rapporter. A certains endroits, comme le royaume du feu, cela virera carrément au cauchemar quand ça vous sautera à la gorge à chaque case ! Un enfer ce royaume du feu, dans tous les sens du terme…               


Tiens, en parlant d’enfer… Dites-vous que vous en aurez aussi un avant-goût lors de vos premières minutes dans Underworld Gold… En effet, les premiers abords lorgnent vers le cauchemardesque quand vous serez désemparé à cause de l’interface et consort… Déjà, la résolution du jeu est bloquée en 1024×768, mais en plus il est impossible de réassigner les touches et les raccourcis à votre guise. Dés lors, vous ne pourrez pas retrouver votre habituel “ZQSD” pour les déplacements et il vous faudra faire avec ce que le jeu impose. Aussi, vous orienter comme il faut sera un dépaysement et vous devrez vous rabattre sur la mini-map pour espérer vous repérer. Heureusement, le manuel sera salvateur et après un temps d’adaptation, le tout passera finalement mieux…

De l’autre côté, difficile de prendre ses marques avec les menus et autres boutons décidément pénibles, déroutants et peu intuitifs. Par exemple, il n’y a ni tooltips ni drag’n drop, ni quoi que ce soit du genre. Du coup, pour avoir une indication sur quel objet/stat fait quoi, il vous faut impérativement passer par un bouton tiers et recliquer. Le plus contraignant est sans doute le duo inventaire/menu de commerce où on a une très vague idée sur la nature des équipements portés, et où le fait de comparer entre ce qu’on a et ce qu’il y a en vitrine relève du casse-tête…      

Ne pas s’enfuir, ne pas s’en faire

Pourtant, Swords and Sorcery – Underworld Gold continue son petit bout de chemin contre vents et marées. Un chemin durant lequel son développeur, ma foi assez réactif, n’a pas manqué de le chouchouter et de le peaufiner suite au feedback. En effet, avec la récente version estampillée 2.0.15, le jeu a déjà subi bon nombre de petits tweaks d’interface et autres, le rendant peu à peu plus appréciable. Malgré tout, on regrettera le fait que son prix soit relativement trop élevé puisqu’il est aussi cher qu’un indé de grande envergure comme Torchlight 2.  A noter qu’on dispose d’une démo avec laquelle on pourra avoir une plus ample idée, quoique je la trouve personnellement un peu courte…

Enfin, sachez que le développement d’une suite est d’ores et déjà en marche. On annonce qu’elle s’intitulera Swords and Sorcery : Sovereign et qu’elle offrira notamment une interface plus conviviale, un level design plus open world, une intrigue plus politique et quelques features sympathiques comme des factions à rejoindre et du craft. Et oui, même si c’est  français, on ne chôme pas chez Olderbytes…       


Test réalisé à partir d’une version presse livrée par le développeur.

Swords and Sorcery – Underworld Gold porte bien son nom : C’est un jeu pour les puristes underground qui n’ont pas peur de creuser profond en quête de mines d’or. C’est un jeu pour les barbus de niche qui trouvent les récentes tentatives de renaissance des dungeon crawlers trop corrompues par la modernisation et finalement déviants de l’expérience old school des familles. Les autres petits faiblards n’auront pas le coeur assez solide pour tenir suffisamment le coup, quand ils ne seront pas découragés d’emblée.

Il faut dire que la démarche du jeu est trop passéiste même pour le simple amateur d’old school : son manque flagrant d’originalité, ses allures rugueuses, son interface austère et lourdingue, et son orientation un peu trop bourrine et archaïque par moments … Dans son élan exacerbé de nostalgie, le jeu s’obstine à mimer ses références, tellement qu’il oublie que certains de leurs mécanismes sont désormais trop révolus et deviennent du coup rébarbatifs. Pourtant, il se rattrape bien avec son expérience pas mal tactique et globalement fun… Maintenant, la question qui se pose c’est : Jusqu’où seriez-vous prêt à aller au nom du patriotisme aveugle ?        

+ Combats tactiques
+ Globalement bien addictif
+ Artworks plus ou moins corrects
+ Très bon suivi du développeur
+ Allons enfants de la patrieuh !

Note testeur 06 sur 10

– Interface lourde et peu intuitive
– Trop-plein de combats aléatoires
– Progression des persos bridée
– Prix relativement excessif
*
– Uniquement en anglais*

* Note de RPGjeuxvidéo : Aujourd’hui, la Définitive Edition est en français et n’est plus très chère.

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