Bien qu’ils aient sans mal rejoint le panthéon des jeux cultes aux yeux de pas mal de monde, beaucoup encore ne connaissent les System Shock qu’à travers leur lien de parenté avec les fameux BioShock. Cette année, System Shock 2 fête son quinzième anniversaire ; une occasion comme une autre pour découvrir ou redécouvrir un titre qui reste encore d’actualité. En effet, il suffit de feuilleter quelques pages Steam pour voir que la tendance du moment reste l’hybridation des mécaniques RPG à toutes les sauces et sous toutes les coutures. Ça tombe bien en plus : System Shock 2 constitue l’un des exemples les plus marquant de cette discipline. Reste à savoir si l’initiative y est aussi racoleuse et opportuniste que ce que l’on voit aujourd’hui…

1994 : Fort du succès de ses Ultima Underworld et épaulé par Warren Spector (Deus Ex) en tant que producteur, Looking Glass Studios revient à la charge avec un System Shock premier du nom. Transposition Cyberpunk de Ultima Underworld dotée de mécanismes épurés, le jeu reçoit un succès critique notable, même si les ventes s’avèrent modérées. Cinq années plus tard, les gars de Looking Glass voient les choses en grand pour System Shock 2. D’abord, en ayant recours à leur flambant Dark Engine, le moteur de Thief : The Dark Project. Ensuite, en sollicitant l’intervention du prometteur Irrational Games en tant que co-développeur, dont un certain Ken Levine (BioShock) officie comme lead designer du projet. Au final, disons que ça ne leur a pas trop réussi vu que, encore une fois, malgré un accueil critique très favorable, le succès commercial n’était pas au rendez-vous.

Tiens, pendant qu’on y est, qu’en est-il de System Shock 1 aujourd’hui ? Personnellement, je dirais que le jeu a trop mal vieilli. Pas uniquement du point de vue graphique, mais aussi au niveau de l’interface et des contrôles un peu trop nébuleux et surtout révolus. Si on ajoute à cela le fait que les éléments RPG y sont au mieux très succincts, on peut dire que l’intérêt du premier opus est très discutable et celui-ci est donc à réserver aux fanatiques intrépides de la licence. System Shock 2, en revanche, c’est une autre paire de manches.

Deus Ex Machina

Quarante deux ans après les événements du premier opus, un nouveau protagoniste sort déboussolé, amnésique (encore ?) et muet (encore ?!) d’un sommeil cryogénique à bord du Von Braun, premier vaisseau plus rapide que la lumière de sa génération. Sauf que, une semaine après le début de son expédition, tout ne va pas pour le mieux à bord du Von Braun. D’un côté,​ le système de surveillance automatisé du vaisseau semble s’être rebellé contre l’équipage, et de l’autre côté, les survivants qui y subsistent ont l’air d’avoir subi de graves mutations et errent hostilement dans ses couloirs. Notre personnage se retrouve donc livré à lui même dans une situation délétère où sa survie ne tient qu’à un fil.

La structure scénaristique de System Shock 2 reste plutôt convenue et laisse souvent transparaître le fait qu’elle soit un prétexte pour faire parcourir ses niveaux au joueur, même si le jeu se risque à un retournement de situation relativement bien amené, devenu désormais emblématique auprès des aficionados. Sans parler du personnage de SHODAN qui s’est rapidement imposé en tant que l’un des antagonistes les plus marquants du jeu vidéo. Pour autant, au-delà de ça, c’est surtout la narration qui cristallise la richesse de l’histoire et qui titille l’intérêt du joueur. Une narration qui est un peu devenue la marque de fabrique influente de la licence.

En effet, là où les phases scriptées demeurent rares et minimalistes, le background se dévoile par bribes via des “audio-logs” parsemés à travers les niveaux et où les divers intervenants en exposent progressivement les tenants et aboutissants. Dès lors, le jeu dévoile les subtilités de son histoire à travers des thématiques cyberpunk intéressantes qui ne sont pas sans rappeler celles du premier Fallout. D’ailleurs, il faut dire que la ressemblance entre SHODAN et le Master de Fallout est pour le moins frappante… Mais ce qui est le plus marquant à ce niveau est sans doute la fin du jeu qui est tellement hors-sujet par rapport au reste qu’elle en devient l’une des fins les plus tordantes que j’aie jamais vues. D’ailleurs, Ken Levine lui-même ne cache pas sa stupeur vis-à-vis de cette dernière.             

How can you challenge a perfect, immortal machine ?     

Ainsi, System Shock 2 se présente comme un hybride RPG/Survival Horror et on peut dire que la cohésion entre ces deux aspects force le respect. Le côté RPG, ma foi plutôt correct, transparaît au niveau des caractéristiques (force, endurance, agilité, etc…), des traits passifs et de la panoplie des compétences liées au personnage. Ainsi, au cours de vos explorations et au fil des objectifs réalisés, vous serez récompensé par des points de compétences (appelés modules cybernétiques) pour booster vos implants. La phase de création de personnage s’avère d’ailleurs bien amenée dans un prologue in-game où le personnage doit choisir son orientation via la sélection d’un ensemble de formations.

De ce fait, le joueur a le choix entre l’orientation “Marine” qui est principalement martiale (armes conventionnelles entre fusils d’assaut et autres, armes énergétiques que ce soit laser ou plasma, armes lourdes genre lance grenade et enfin les armes exotiques de nature extraterrestre), “Navy” qui est plus porté sur la technologie entre le piratage (mini-jeu à l’appui), la recherche et la maintenance de l’équipement et enfin “Psi”, psionique doté d’un éventail de sorts (buffs, soins, attaques directes, invisibilité, AoE, etc…). Le système de classe reste pourtant laxiste et rien ne vous empêche de faire parler la polyvalence. Même si, au vu de la difficulté assez relevée du tout, je vous encourage plutôt à vous spécialiser un minimum.   

L’aspect Survival Horror se manifeste quant à lui via pratiquement un seul mot : l’ambiance. Un travail remarquable a été réalisé sur ce point et l’expérience de System Shock 2 s’en voit immanquablement consolidée. En effet, la qualité de l’ambiance sonore (surtout tout ce qui est traitement des voix) contribue à planter un malaise certain et réserve même quelques frissons. De l’autre côté, le level design tortueux, labyrinthique et surtout claustrophobique communique une atmosphère oppressante digne des dungeon crawlers les plus lugubres. Les mécaniques de gameplay soutiennent aussi cette tendance survivaliste grâce à la parcimonie des munitions et des ressources ainsi qu’à la dégradation de l’équipement. Comptez alors un peu moins de vingt heures pour parcourir les couloirs sordides du Von Braum et en sortir en un seul morceau (ou pas). 

Nah !

Pourtant, force est de constater que System Shock 2 n’est pas dénué de carences et celles-ci entachent finalement un peu le plaisir de la chose. D’abord, le respawn des mobs m’a pas mal fait grimacer. Je peux comprendre la volonté des développeurs de garder le joueur sur le qui-vive avec un flot soutenu d’ennemis mais dans les faits, cette idée se révèle être aux antipodes de l’approche Survival Horror en banalisant les affrontements et en créant une certaine routine. Aussi, les allers-retours imposés par la mécanique de la recherche ainsi qu’à certains moments de l’histoire ne manquent pas de frustrer le joueur et de hacher le rythme de la progression tout en étant un prétexte assez fallacieux pour gonfler la durée de vie.

Je dirais aussi “constat mitigé” pour les musiques composées entre autres par Rami Djawadi (la série télévisée Game of Thrones) qui s’aventurent quelques fois vers des sonorités electro indus très rythmées qui font plus penser à un Quake qu’à un Survival Horror. Ensuite, l’interface, bien que nettement plus accessible que celle de son prédécesseur, manque quand même du confort moderne entre raccourcis pour les menus et autres. Et puis, enfin, il faut admettre qu’en 2014 le jeu a relativement mal vieilli surtout en ce qui concerne les modèles et les animations, tellement que c’est limite s’ils ne renforcent pas l’aspect effrayant des ennemis. Mais bon, c’est finalement sans compter une communauté manifestement très active et un bon paquet de mods entre SHTUPRebirth et autres joyeusetés compatibles avec la jolie version Gog.  

Visiblement, System Shock 2 était en avance sur son temps et du coup, il est curieusement encore d’actualité quinze ans après sa sortie. Déjà, il faut dire que c’est l’une des rares fusions entre le RPG et le Survival Horror tout court. Mais en plus, il a le mérite de savoir tirer parti des atouts de ses ingrédients sans trop les sacrifier sur l’autel des compromis, tout en étant honorablement accessible et entraînant. Même s’il ne faut surtout pas s’attendre à l’accessibilité et au confort de jeu d’un BioShock. Pour autant, cela ne veut pas dire que les diverses lacunes qu’il traîne sont inexistantes. Juste que, dans l’absolu, cela ne risque pas de vous empêcher d’apprécier ce titre cultissime.

+ Une ambiance (surtout sonore) angoissante et très réussie
+ Une narration bien amenée
+ Un level design claustrophobique comme il le faut
+ Une alchimie RPG/Survival Horror plutôt bien fichue

Note RPG 3 sur 5
Note testeur 08 sur 10


– Un respawn des mobs incongru
– Quelques allers-retours frustrants
– Des musiques pas toujours dans le ton
– Une fin trés ‘Nah!’…

La vision de Ninheve :
Il y a de cela quinze ans, je jouais pour la première fois à System Shock 2, et je ne m’en suis toujours pas remise. Ce jeu concrétisait tout ce que j’espérais dans un RPG/Survival. Une vraie gestion de votre personnage, un level design réfléchi, une ambiance qui ne vous fera pas oublier le Von Braun de sitôt et surtout le retour d’une SHODAN en très grande forme. L’équipe de Looking Glass avait encore une fois frappé fort en sortant des sentiers battus de l’époque, et on peut considérer System Shock 2 comme un pionner des A-RPG. La narration exemplaire qui vous tient en haleine, des retournements de situation auxquels nous devions nous attendre mais qui continuent à nous surprendre et des combats qui ne pardonnent pas. Bref, des heures de plaisir soutenu.

La note que je lui mets est celle que je lui aurais mis à sa sortie, lors de ma première partie. Le jeu n’est pas sans défauts et oui, le respawn des mobs peut être frustrant, mais cette note est tout simplement ma déclaration d’amour à System Shock 2 et à Looking Glass pour les heures d’angoisse que j’ai passées dans les couloirs du Von Braun. Lors de sa sortie, System Shock 2 a apporté un vent très frais dans le monde vidéoludique. J’y ai rejoué depuis et je maintiens que SHODAN reste pour toujours la méchante la plus charismatique et la plus flippante de l’histoire des jeux vidéos. Rien que pour cela, System Shock 2 reste un “must have” pour toute bonne vidéothèque.
9/10

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