Relire la partie 19.

BioWare: Le nouveau SSI

Nous avons vu comment la précieuse licence de TSR avait connu des moments difficiles après les derniers jeux des “Black Box” de SSI, la série Eye of the Beholder créée par les studios Westwood. Les propres efforts de SSI sont allés de mal en pis, leur coûtant finalement leur licence exclusive avec TSR, et d’autres sociétés n’ont guère mieux réussi malgré la licence AD&D accolée sur tous leurs produits.

Néanmoins, des franchises AD&D aussi chères que les Forgotten Realms (les Royaumes Oubliés) étaient trop prometteuses pour rester longtemps hors de vue, et de nombreux fans du CRPG aspiraient à un retour à ces jours heureux de Pool of Radiance et Curse of the Azure Bonds, des jeux avec de grandes histoires et un gameplay se déroulant dans les mondes familiers et bien-aimés de la high fantsay. Le problème était de savoir comment “mettre à jour” ces jeux sacrés à la fin des années 1990. Deux modèles possibles existaient avec Elder Scrolls et Diablo, mais ces jeux axés sur l’action semblaient avoir peu à offrir aux fans des jeux hardcore gavés de statistiques des années 1980.

L’équipe de développement qui réussira finalement à ramener les joueurs dans les Royaumes Oubliés ne sera pas SSI, Interplay ou Sierra, mais plutôt un trio de médecins canadiens devenus développeurs de jeux : BioWare. BioWare a créé ce qui est peut-être le plus grand moteur CRPG jamais conçu ; le fameux moteur Infinity, un moteur isométrique utilisé dans certains des plus grands CRPG de tous les temps.

Comme Blizzard, la première incursion de BioWare dans les CRPG a été un succès critique : Baldur’s Gate, sorti en 1998. Comme Diablo, Baldur’s Gate se caractérise par une perspective isométrique et permet aux joueurs de ne créer qu’un seul personnage. Les deux jeux proposent un gameplay en temps réel, mais avec une différence essentielle : Baldur’s Gate passe à un mode de combat hybride au tour par tour, ce qui permet des combats beaucoup plus tactique que Diablo.

Le moteur est conçu pour permettre à la plupart des batailles d’être menées par une intelligence artificielle hautement configurable ; le joueur n’a qu’à s’asseoir et regarder. Cependant, les joueurs peuvent toujours appuyer sur la barre d’espace pour mettre le jeu en pause et assigner manuellement des actions, puis reprendre le jeu pour les voir s’effectuer. Ce compromis entre le combat en temps réel et le combat au tour par tour a permis d’obtenir un gameplay très convaincant, et a beaucoup à offrir aux novices comme aux aficionados du genre.

“LE JEU SE DÉROULE EXACTEMENT COMME UN VRAI AD&D PAPIER AVEC DES JETS DE SAUVEGARDE, DES CLASSES D’ARMURE ET DES JETS DE DÉ, AINSI QU’UNE PORTÉE ET UNE VITESSE DE COMBAT CALCULÉES À CHAQUE FOIS QUE LA PARTIE SE DÉROULE. CE QUI REND TOUT CELA SI IMPRESSIONNANT (ET TRÈS DIFFÉRENT DE LA SÉRIE DES GOLD BOX DE SSI), C’EST QUE TOUT SE PASSE DANS LES COULISSES, LÀ OÙ IL FAUT… BALDUR’S GATE EST, TOUT SIMPLEMENT, LA MEILLEURE REPRÉSENTATION INFORMATIQUE DE DONJONS ET DRAGONS JAMAIS RÉALISÉE”. –TRENT C. WARD SUR IGN, 18 JANVIER 1999.

De plus, Baldur’s Gate transforme ce que les fans des joueurs des Gold Box et des Black Box de SSI pourraient considérer comme une limitation – la création d’un seul personnage plutôt que d’un groupe – en un atout majeur pour la narration de l’histoire. Bien que les joueurs ne puissent créer et contrôler directement qu’un seul personnage, ils peuvent autoriser jusqu’à cinq autres personnages à rejoindre leur groupe. Ces personnages ont non seulement des compétences très variées, mais aussi des personnalités uniques et des conséquences dans l’intrigue. Des personnages aux perspectives politiques et éthiques différentes peuvent ne pas s’entendre ; quelques personnages peuvent même trahir le groupe à un moment critique.

En bref, le gameplay change considérablement en fonction des personnages que le joueur ajoute (ou n’ajoute pas) au groupe. Plutôt que de simplifier ou de tronquer les tactiques de combat, l’aspect temps réel leur ajoute une nouvelle dimension : le temps nécessaire pour effectuer une action (jeter un sort, faire une potion, changer d’arme, etc.) pouvant laisser un personnage plus vulnérable. J’ai perdu de vue les fois où j’ai commencé à lancer un puissant sort magique, pour le voir gaspillé sur des ennemis déjà morts ou en fuite. Enfin, pour arrondir les angles, BioWare propose une option multijoueur qui donne l’autorisation à vos amis de jouer des personnages de votre groupe. Bien qu’un peu boguée et pas parfaitement intégrée, cette option a permis au jeu de rivaliser avec Diablo, dont les serveurs Battle.net étaient devenus un vortex tourbillonnant financièrement très bénéfique.

Comme tout grand CRPG, Baldur’s Gate propose un scénario riche et nuancé qui supporte mal un résumé (et, en effet, la lecture d’un tel résumé gâcherait une grande partie du plaisir du jeu ; le but est d’apprendre ce qui se passe pendant que vous jouez). L’essentiel est que quelque chose (ou quelqu’un) a provoqué une grave pénurie de fer, qui a conduit à un banditisme généralisé dans les campagnes. Entre-temps, deux jeunes pupilles d’un mage nommé Gorion (Imoen, la belle voleuse et le personnage du joueur) ont été séparés de leur gardien et laissés à eux-mêmes. Peu à peu, le joueur apprend l’existence d’une vaste conspiration impliquant une organisation secrète appelée Trône de fer. À la fin du jeu, le joueur apprend que l’avatar et Imoen sont bien plus que ce qu’ils semblent être. C’est une histoire complexe mais improbable d’intrigue politique, et elle offre bien plus que la vision standard en noir et blanc de la moralité qui traverse la plupart des CRPG.


Un an plus tard, Baldur’s Gate a été suivi par l’extension Tales of the Sword Coast. Elle a ajouté de nouvelles zones, des sorts, des armes et a apporté quelques améliorations mineures au gameplay et à l’interface. Plus important encore, elle a ajouté quatre nouvelles quêtes. Le consensus général parmi les critiques était que l’extension offrait “un peu plus de viande à mâcher”, mais ne devait certainement pas être confondu avec une suite complète. Certains joueurs n’appréciaient pas l’absence d’une vraie histoire, mais d’autres étaient simplement heureux d’avoir un peu plus de Baldur’s Gate pour aiguiser leur appétit.

Lire la partie 21.

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